Demain auront lieu les élections de la Constituante. L'impatience de connaître qui sera le vainqueur des premières élections libres et transparentes de ce dimanche est à son comble. Il ne faut pas se leurrer : les Tunisiens sont à la croisée de deux chemins, l'un conduisant vers le libéralisme, l'autre, à l'opposé, vers le conservatisme...plus religieux que culturel. Entre les deux, des chemins secondaires, à gauche ou à droite et des « bretelles », encore plus à gauche ou plus à droite. Des annexes, ou plutôt des projections qui vont peser sur la balance électorale, au nom des coalitions avérées et d'autres tues. Au milieu de ce beau monde, la femme, reléguée au second plan par les politiques au moment de choisir leurs représentants à l'Assemblée nationale constituante qui va élaborer le projet de société de la nouvelle Tunisie, mène deux combats à la fois : l'un, par conviction, pour la démocratie, l'autre, malgré elle, pour l'identité. Dans le premier, la femme est beaucoup plus partenaire qu'acteur. Bien que représentant 50% des candidats à la Constituante, elle s'est contentée, non sans engagement, de seconder les têtes de liste majoritairement masculines, sous les feux de la rampe, avant et au cours de la campagne électorale. Nous n'avons pas, en effet, beaucoup entendu les femmes parler de Constituante, de programmes économiques, sociaux et politiques futurs. Ni de vision prospective sur l'avenir des Tunisiens et des Tunisiennes. Si bien que certains analystes pensent que sans le quota de la parité, adopté par la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution pour l'élection de la Constituante, le futur de la Tunisie post-révolution aurait été conçu sans sa moitié féminine. Sidérant et aberrant quand on compare ce constat avec la place d'avant-garde qu'occupe la femme dans la société tunisienne, dans ses moindres coins et recoins. Dans le second combat, la femme tunisienne, libre, est au cœur de la bataille contre l'intolérance, contre le fanatisme, contre le contrat social qui prône, sans le dire, le machisme. Première cible des idées rétrogrades, elle est aux avant-postes de la contestation pour la liberté des croyances et des marches pour l'égalité homme-femme. Très présente dans la rue contestataire, dans les réseaux sociaux, elle appelle à la mobilisation, à la résistance, à la sauvegarde des acquis de la femme et de la modernité. Un combat dans lequel elle est projetée malgré elle, car au nom de la démocratie, la révolution ayant donné le droit d'exister, de parler et d'agir à toutes les idéologies et sensibilités politiques, y compris celles qui la visent particulièrement en affirmant que la place de la femme est au foyer et que son rôle est de prendre soin des membres de sa famille. Le combat de la femme tunisienne, après le 14 janvier 2011, est devenu, pour ainsi dire, presque exclusivement identitaire. Mais, finalement, au regard des violences, parfois extrêmes, engendrées par la diffusion de deux films qualifiés de blasphématoires par les salafistes, Ni dieu ni maître au cinéma Afric'Art et Persépolis, par la chaîne Nessma, et par le port du niqab, ce combat semble aujourd'hui déterminant pour l'avenir des Tunisiens. Les Tunisiennes libres, qui luttent pour la tolérance et le vivre-ensemble, ont de nouveau appelé à manifester et à résister, aujourd'hui, en malya et en safsari, pour rappeler que l'identité ne s'échange pas et que l'habit traditionnel tunisien est un gage de liberté et d'indépendance...culturelle et politique. Serait-ce là le véritable combat à mener dans le futur?