Assurément, à part l'encre indélébile fournie par l'Isie, les élections tunisiennes pour l'Assemblée constituante n'a cessé de faire couler de l'encre, surtout du côté des journaux internationaux. Qu'elles soient de la presse papier ou bien de la presse électronique, la presse écrite étrangère a trouvé dans cet événement historique son Graal. Gros plan sur quelques extraits des écrits de nos frères d'armes à travers le monde. Karim Boukhari, journaliste au magazine hebdomadaire marocain Telquel online, titrait son édito comme suit : «L'espoir tunisien» et qualifie les élections tunisiennes comme étant les élections de tout le peuple arabe : «A Tunis, c'est un peu toute la rue arabe qui s'apprête à voter. Et c'est là que cette année 2011 de toutes les révolutions prendra son premier grand tournant». Il ajoute : «Si la Tunisie nous intéresse tant, c'est qu'elle a pu briser tout ce mur des lamentations et effacer toutes ces injustices et frustrations cumulées. Elle a restauré la dignité de l'homme de la rue et on attend d'elle, aujourd'hui, une confirmation. Amis tunisiens, montrez-nous, montrez-leur, qu'il est possible de tenir des élections libres sans risquer la guerre civile de ce côté-ci de la Méditerranée. Et si la victoire revient aux islamistes, n'oubliez pas de nous démontrer que l'Islam politique n'est pas forcément, comme on nous dit, “la négation de la démocratie, la fermeture des espaces de liberté, le retour à la Charia et à l'âge de pierre”. Vous avez initié le Printemps arabe, vous pouvez encore nous faire rêver». De son côté, le quotidien généraliste algérien El Watan a effectué un sondage sur son site officiel autour de la question suivante : «L'islamisme est-il une menace pour la démocratie en Tunisie ?». Et les Algériens ont répondu «Oui» à 65,5% contre 34,5% qui ont voté «Non». El Watan, dans son édito «Le musc du jasmin... », compare nos élections au référendum d'autodétermination de l'Algérie en 1962 : « C'est, toutes proportions gardées, un scrutin équivalent au référendum d'autodétermination de l'Algérie en 1962. Un peuple qui renaît, des langues qui se délient, une liberté qui s'exprime – par un bulletin – et, au bout, la joie incommensurable d'un peuple qui acquiert enfin la citoyenneté. Il faut avoir vécu sous Ben Ali pour comprendre le sens de ce 23 octobre dans la jeune histoire de ce pays». Il renchérit : «Ironie de l'histoire, les Tunisiens cueilleront en ce jour béni les fruits de leur révolution pendant que leurs voisins libyens proclameront, le même jour, la libération de leur pays et le succès de la leur... Puisse donc le jasmin répandre son parfum sur la Tunisie, la Libye et tous les peuples arabes qui souhaitent ôter les bâillons et briser les chaînes de l'asservissement qui les empêchent de découvrir autre chose que leurs tyrans narcissiques». En revanche, selon le site le point.fr, «les Tunisiens de France ont placé le parti islamiste Ennahda (la Renaissance) en tête des élections à la Constituante tunisienne. Le mouvement de Rached Ghannouchi, qui se veut ‘‘modéré'' et proche du parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie AKP, aurait recueilli entre 30 et 35 % des voix. Le Congrès pour la République de Moncef Marzouki, l'opposant historique de Ben Ali, serait autour de 20 %. Il a déjà fait savoir qu'il n'était pas hostile à une alliance avec Ennahda». De son côté, le site liberation.fr, selon son envoyé spécial à Tunis, affirmait qu'à 17h00, le taux de participation s'approchait de 70%. Il mentionna aussi la présence de quelques anciens Rcédistes à la tête d'un des bureaux de vote. «Sihem Ben Sédrine, elle, se réjouit bien sûr de la réappropriation des urnes par le peuple». Mais elle n'est pas contente. Militante des droits de l'Homme depuis très longtemps, malmenée par l'ancien régime, la journaliste s'étonne de la séparation hommes-femmes dans la file. Elle est perturbée, aussi: elle a reconnu, dit-elle, un «Rcédiste», un homme de l'ancien parti de Ben Ali, aux commandes d'un des bureaux de vote. Le quotidien français Le Monde dans son site web a pointé du doigt dans son reportage « Tu signes ici... », les vieux réflexes chez certains électeurs non habitués aux pratiques universelles du vote comme en témoigne ce passage « Une femme présente spontanément son bulletin de vote, ouvert côté face, pour montrer son vote. «Retourne-le!», l'apostrophe un observateur. Un reste d'habitude... «Avant, quand Zine El-Abidine Ben Ali présidait sans partage la Tunisie, et que l'on votait par couleur, il était de bon ton de rendre visible son bulletin rouge dans l'enveloppe translucide, sous l'œil de la police…». Le reportage du Monde a souligné les problèmes qu'ont rencontrés les analphabètes dans les zones rurales, comme c'est le cas dans le gouvernorat de Jendouba : «Quelques kilomètres plus loin, dans le village de Mutoul, (gouvernorat de Jendouba, 47 listes), où les femmes et les hommes attendent leur tour dans des files séparées pour respecter l'alternance des passages, les observateurs des partis Ennahda, du Parti démocratique progressiste (PDP), d'Ettakatol, ou des listes indépendantes, ont tous noté sur la feuille qui leur est réservée les mêmes remarques: «Manque d'accompagnement des vieux», «un très grand nombre d'analphabètes n'ont rien compris...». 1,8 million de personnes ne savent ni lire, ni écrire en Tunisie. Ceux-là éprouvent les plus grandes difficultés à faire leur choix. Ils hésitent: faut-il cocher ou laisser son empreinte sur le bulletin? Chacun doit en effet, pour preuve de son vote et éviter les fraudes, tremper son doigt dans un encrier bleu noir. Quand ils parviennent à remplir les bulletins, après explications techniques des assesseurs des bureaux qui observent une stricte neutralité, ils ont déjà signé. «Tu signes ici, sur le registre...» Parfois, ils ne laissent que leur empreinte. Le quotidien américain The New York Times dans son reportage «As other arab nations watch, Tunisia casts historic vote» (Alors que les autres pays arabes observent, la Tunisie effectue un vote historique) reste très optimiste sur l'avenir du pays suite à ces élections qualifiées d'historiques. Beaucoup étaient sûrs que leur vote allait changer la Tunisie pour le mieux, peu importe qui a gagné. Certains ont même prédit une transformation quasi magique. «Il va y avoir une justice sociale, de la liberté, de la démocratie, et ils vont s'attaquer au problème du chômage», a déclaré Mohamed Fezai, un diplômé des collèges, chômeur de 30 ans. Le site officiel du quotidien britannique The Guardian titrait sur les élections tunisiennes « Les Tunisiens affluent aux bureaux de vote pour savourer pour la première fois le goût de la démocratie en 50 ans » voit que ce premier scrutin démocratique après plus de 50 ans d'un Etat à parti unique pourrait stimuler les espoirs démocratiques des pays voisins tels qu'en Libye de l'après-Kadhafi et en Egypte, où il existe une incertitude profonde. Le quotidien britannique dans son reportage ajoute : « Seul bémol chez les Tunisiens, c'est qu'ils n'ont jamais été en mesure de fêter dignement leur révolution avec une effusion de joie. Quand Ben Ali a fui, le pays a vécu des semaines de couvre-feu, d'incertitude et de violence attisée par les restes de l'ancien régime. [...].«Il y a un sentiment de joie et de soulagement», explique Mehdi Lassoued, un ouvrier dans une usine de pneus, enveloppé dans le drapeau tunisien. «Je pense que nous sommes enfin sur le bon chemin, et que nous pouvons terminer cette révolution, en votant pour un gouvernement légitime».