Le premier scrutin libre de la Tunisie post-Ben Ali a démarré, hier matin, au Kef, dans le calme et la transparence la plus totale, traduisant la maturité du peuple tunisien et l'important pas franchi, en Tunisie, sur la voie de l'édification d'un pays où prévaudront les valeurs de liberté, de démocratie et de participation citoyenne. « C'est un moment historique pour tous les Tunisiens», a déclaré le premier électeur à la sortie du bureau de vote de la cité El Ons, au centre de la ville, indiquant qu'il a voté en toute liberté et se disant fermement convaincu que ces élections vont permettre d'élire une assemblée constituante représentative de tout le peuple tunisien devant aboutir à l'élaboration d'une nouvelle Constitution et ouvrir la voie à des élections générales libres dont celle-ci définira la nature et la forme. Des dizaines de femmes et d'hommes de divers horizons et acquis à moult causes étaient visibles, hier, devant les bureaux de vote de la ville, au demeurant fortement protégés par une présence sécuritaire. « Je suis venue accomplir mon devoir citoyen», a affirmé une enseignante de français qui a préféré ne pas révéler son identité mais qui s'est dite attachée aux valeurs d'ouverture et de tolérance .Son conjoint, également enseignant, est venu, lui aussi, témoigner de sa volonté de prendre part, pour la première fois de sa vie, à un scrutin libre et démocratique. «C'est un moment inoubliable pour moi», a-t-il reconnu avant de s'engouffrer dans sa berline bleue, en compagnie de sa femme. A la sortie du bureau de vote, Taoufik Mahfoudhi, un ancien professeur des lycées qui vient juste de partir à la retraite, s'est déclaré satisfait des conditions de déroulement des opérations électorales indiquant «qu'il a acheté le plus beau costume de sa vie pour vivre ce moment glorieux de l'histoire de la Tunisie moderne, en hommage aux martyrs tunisiens morts pour la défense des valeurs de liberté et de dignité ». De son côté, Ammar Henchiri, directeur d'une mine, a affirmé, quant à lui, «que le scrutin n'a été entaché d'aucune irrégularité estimant qu'il était trop tôt pour se prononcer, sur l'issue du scrutin», a-t-il dit, l'air à la fois souriant et serein. «On a attendu neuf mois pour parvenir à ce moment historique», a pour sa part confié l'un des représentants d'une mouvance gauchiste qui n'est pas candidat à ces élections pluralistes et libres mais qui s'attendait à l'élection d'une assemblée disparate et de diverses couleurs et autres tendances, se gardant cependant de donner un quelconque pronostic sur les résultats du scrutin. Ailleurs, dans le reste du gouvernorat où 45 listes se sont disputées les six sièges réservés à cette circonscription, qui compte près de 170 mille électeurs potentiels, le topo est pratiquement le même. Les électeurs se sont rendus dans le calme dans les 193 bureaux de vote pour accomplir leur devoir citoyen et voter librement, en toute âme et conscience. Aussi les observateurs étaient-ils présents un peu partout pour superviser le déroulement des élections, alors que les journalistes accrédités par l'Instance indépendantes pour les élections, au demeurant peu nombreux, se sont rendus librement aux bureaux de vote pour superviser le déroulement des opérations de vote. L'ambiance, était en réalité, pour tous les habitants de l'ancienne Sicca Veneria, à la fête et l'on pouvait remarquer cet air sur tous les visages, en dépit de longues files d'attente devant les bureaux de vote. Certains citoyens ont préféré revenir plus tard plutôt que d'attendre leur tour, notamment les commerçants et les marchands, sans toutefois renoncer à leur droit au vote, d'autant plus que les bureaux devaient rester ouverts jusqu'à 19 heures, heure de clôture du scrutin dans le pays. Il ne faut pas perdre de vue aussi l'important taux de participation accompli dans la région qui, à la mi-journée, s'est élevé à plus de 50 %, selon les premiers résultats fournis par l'Instance régionale indépendante pour les élections qui a relevé quelques difficultés au niveau des opérations électorales , à cause des procédures de contrôle et de vérification de l'identité de chaque électeur qui nécessitent un certain temps. Mais les électeurs étaient, on ne peut plus, armés de patience et faisaient même bon cœur contre mauvaise fortune, car l'essentiel était, pour eux, d'accomplir le devoir électoral, quelles que soient les conditions matérielles dans lesquelles s'est déroulé le scrutin de cette journée mémorable pour tous les Tunisiens. Il faut souligner, également, l'effort colossal consenti par l'instance régionale indépendante pour les élections pour diligenter minutieusement ces premières élections libres en Tunisie et réussir le pari de la neutralité, d'indépendance et de rigueur requis pour faire aboutir un tel scrutin déterminant pour l'avenir politique du pays.