Plus d'une centaine de femmes nécessiteuses ont bénéficié d'un dépistage gratuit dans le cadre d'une journée portes ouvertes. Etat des lieux. Maladie taboue, maladie de la peur, le cancer du sein touche 1.500 Tunisiennes chaque année. Osent-elles en parler, demander assistance? Qui les écoute et les accompagne, qui leur prête main-forte au moment où elles en ont tellement besoin ? Le mur du silence commence à se fissurer depuis quelques années, grâce aux efforts sans relâche de femmes et d'hommes qui ont un objectif commun ; tendre la main, apaiser et accompagner. Des actions menées ça et là, parfois isolées, parfois dans le cadre de campagnes structurées, médiatiques entre autres, font que la prise de conscience évolue chaque jour un peu plus pour inciter des femmes, quels que soient leur tranche d'âge et leur milieu socio-économique à en parler, à demander assistance et à faire le premier geste responsable : le test de dépistage. L'Association tunisienne d'assistance aux malades du cancer du sein, Atamcs, se positionne dans ce terrain d'écoute, de conseil, d'orientation et de prise en charge. A ce titre, samedi 29 octobre, dans son antenne d'Hammam-Lif, inaugurée à cette occasion, a été organisée une journée portes ouvertes de dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus, avec le concours de l'Office national du planning familial. Plus d'une centaine de femmes, pour la plupart de condition modeste, se sont réunies pour bénéficier gratuitement de ces analyses préliminaires, combien indispensables. Cette association, qui a été créée en 2005 par un groupe de médecins, de patientes, de personnes directement touchées ou sensibles à la cause, représente l'une des rares structures associatives à participer à l'assistance psychologique sociale et médicale des patientes atteintes du cancer du sein. L'Atamcs propose un complément de prise en charge globale, orientée vers la préservation de l'image et l'intégrité de la féminité qui pourraient être mises à mal par la maladie, peut-on lire dans son rapport d'activité. Samedi, nombreuses étaient les membres du bureau directeur de l'Atamcs, à parler sans tarir de leur association, comme d'un bébé qu'elles entourent de tous les soins. Le bureau directeur compte des médecins, des psychothérapeutes, des femmes de tous bords qui apportent chacune selon sa profession et la position qu'elle occupe dans la société, sa pierre à l'édifice. A titre d'exemple, une dame travaillant à la Cnam, elle-même atteinte et rétablie, s'est portée volontaire pour accompagner les dossiers des femmes malades qui passent à travers l'association, d'abord par leur prise en charge pour maladie de longue durée, ensuite pour la radiothérapie, la chimiothérapie, les appareillages. Des procédures très lourdes dans lesquelles les patientes ont du mal à se retrouver, si ce n'était le concours précieux de cette âme généreuse, comme c'est le cas d'ailleurs de toutes les femmes bénévoles connues au gré de cette fructueuse et touchante rencontre. Témoignages poignants Mme Abir Essai, trésorière, elle-même patiente parfaitement guérie, nous raconte son parcours personnel : « Quand on apprend qu'on est malade, c'est la foudre qui nous tombe sur la tête, j'ai tellement été soutenue, lorsque je m'en suis sortie, j'ai ressenti à mon tour le besoin d'une manière spontanée et volontaire de passer la main et de soutenir d'autres; ainsi fonctionne notre association». Avec 30 DT l'adhésion annuelle, quelques subventions et des actions de parrainage, les fonds de l'association restent limités. Malgré ce peu de moyens, les actions entreprises envers les malades, notamment les plus nécessiteuses d'entre elles, sont nombreuses et s'articulent sur plusieurs volets, d'abord conseiller et faire des visites à domicile si besoin, aider les femmes sur les plans logistique et financier, entreprendre des activités culturelles, et surtout aider celles qui en ont besoin à se constituer des ressources en les aidant à monter des microprojets, par l'achat d'une machine à coudre, d'un appareil de popcorn, ou bien en subventionnant des cours de pâtisserie ou de peinture sur poterie, etc. Parallèlement à ces initiatives, l'association prévoit de s'étendre sur toute la Tunisie, par l'ouverture d'antenne dans chaque gouvernorat. Les patientes n'auront plus à se déplacer vers Tunis, avec tous les désagréments que cela peut leur causer. Des prospections à Gafsa, au Kef, à Béja, ont déjà eu lieu. Un programme ambitieux nécessitant des fonds substantiels manquants pour l'heure. Mme Selma Baccar, également membre de l'association, ayant réalisé le spot qui a touché un large public de Amel Safta, artiste elle-même atteinte, pense que chacun doit y mettre du sien pour faire connaître la maladie et toucher le maximum de femmes. La cinéaste insiste sur le rôle des artistes qui sont, d'après elle, des icônes dans la société et peuvent drainer de fait beaucoup d'autres femmes derrière elles. Selma Baccar, députée à la Constituante fraîchement élue, est partante pour réaliser un autre spot gratuitement. En passant, elle rend un vibrant hommage à toutes les artistes acquises à cette cause : «Je voudrais saluer le rôle des femmes artistes qui n'ont pas craint de mettre leur image au service de cette médiatisation ». L'association Saïda de Leïla Ben Ali Et comme toujours il y a une histoire à raconter avec les tristes et cupides protagonistes de l'ancien régime : en 2009 a été organisé un gala par l'Atamcs avec la participation de plusieurs artistes touchées par la maladie, Aziza Boulabiar, Khedija Ben Arfa, Amel Safta, et Awatef Attia, chanteuse, elle-même malade et guérie. Ce gala parrainé par le festival d'Hammam-Lif a eu un succès retentissant et a drainé de l'argent au profit des malades de l'association. Leïla Ben Ali a décidé elle aussi de créer une association portant le nom de sa mère Saïda, œuvrant soi-disant dans ce même créneau du cancer du sein, elle pensait sans doute qu'il y avait beaucoup d'argent à récolter. Du coup, toutes les associations ont été donc écartées, l'Atamcs qui prévoyait alors de placer une tente à l'avenue Habib Bourguiba, au centre de la capitale, dans le but de faire un dépistage massif, a été priée de se tenir à distance sinon elle risquait de se faire du tort. L'association a été contrainte de se mettre en veilleuse et ses activités stoppées net. Fort heureusement, tout cela est de l'histoire ancienne, l'Atamcs reprend de plus belle maintenant, les caravanes de dépistage à travers le pays vont être relancées. Aussi et dans le cadre d'un accompagnement coordonné, et grâce à l'appui sans faille du Dr Rahal, membre fondateur de l'Atamcs, un accord de principe pour aménager un local au sein de l'Institut Salah Azaïz a été conclu dont la mission est de prendre en charge les femmes malades pour les accompagner dès l'annonce de la maladie. Autour d'un verre de thé, ces femmes admirables par leur courage et capacité de donner se rencontrent deux jours par semaine, mercredi et vendredi, elles s'entraident, se donnent les bonnes adresses pour les perruques, les prothèses, ... elles se réunissent dans un esprit d'échange et de thérapie de groupe. A bras ouverts et avec une écoute généreuse, elles reçoivent celles qui frappent à leur porte. N'hésitez pas ! Hella LAHBIB –––––––––– Atamcs : 13 Rez de chaussée Imm 24 cité El Intilaka, 2091 El Menzah 6, Ariana Tél : 71 23 64 83/ 71 75 04 84 GSM : 95 83 82 18/20 29 43 30