Le dessin, ou plutôt le non-dessein du dessin serait le thème de cette exposition curieuse que propose Khédija Hamdi au Violon Bleu, rebaptisé pour la circonstance Violon Bleu Project. Car, c'est de l'effacement du dessin, de sa fragilité, de son caractère éphémère qu'est partie ce jeune commissaire d'expositions pas comme les autres. «Je travaille sur l'art contemporain conceptuel, minimaliste», dit-elle. Et si ce propos, ainsi énoncé, a l'air complexe, il est en fait, limpide, quand elle explique : «L'idée, c'est de travailler sur le côté fragile du dessin, son aspect éphémère. Et cela n'est pas gratuit, parce que cela me renvoie à notre monde arabe actuel, fragile, instable, qui évolue de manières inattendues, et si différentes...». Une fois le concept choisi, et le thème défini, Khedija Hamdi part à la recherche de l'artiste ou de l'œuvre qui l'illustrera. Elle les rencontre dans les foires d'art contemporain, sur leurs sites ou à travers des expositions. Ces rencontres sont autant de moments privilégiés, car cela conforte son intuition et lui prouve que la problématique qu'elle a choisi d'illustrer, en a inspiré d'autres. Les artistes qu'elle a réunis sous cette improbable bannière -Tunisiens, Algériens, Marocains et Français- sont d'étranges personnes qui travaillent sur la fragilité comme principal axe de leur vocabulaire artistique et utilisent des matériaux peu conventionnels : la poussière, le lait, la poudre de gomme, la dentelle, les plans urbains, etc. Mais laissons Khedija Hamdi exprimer ses options : «Ainsi, mon choix s'est porté sur Ismaïl Bahri dont les dessins sont à l'image d'une dentelle qui risque de s'envoler à chaque instant. Ensuite, mes recherches m'ont menée vers le travail subtil et extrêmement fin de Leïla Brett, qui présente des cartes urbaines, dont les bâtiments sont découpés et où seules les voies sont maintenues. Les artistes poursuivent cette quête de la fragilité, en utilisant des matériaux comme le crochet pour Farah Khelil, la poussière pour Lionel Sabaté, la craie pour Najia Mahadji, au bord de l'effacement. De cet effacement, Jérémie Bennequin a fait une véritable obsession. Tous les matins, dans son atelier, quand d'autres se confrontent à la page blanche, lui efface une page de Proust, pour aboutir à l'effacement de A la recherche du temps perdu. Puis il recueille la poudre de la gomme, après en avoir enregistré le son». Khedija Hamdi a voulu sortir de la pratique académique du dessin, du crayon ou du fusain sur papier. Elle a voulu prouver que même sous ce concept traditionnel, il y avait de l'inattendu, de l'imprévu, du révolutionnaire. Les artistes qu'elle a réunis sont jeunes, créatifs, hors normes. Leurs travaux ont pu intriguer, choquer, surprendre... séduire aussi. L'exposition a reçu la visite des responsables du Centre Pompidou et l'on a vu des collectionneurs repartir avec un livre de Proust effacé, un tas de poudre de gomme, et un CD du grincement de cette gomme sur le papier. Et comme Hédi Khelil, posons-nous la question, au sortir de l'exposition: «Qu'est-ce que dessiner, au final...? Dans Contours, nos artistes nous rappellent une des leçons les plus chères de l'esthétique, à savoir qu'une éthique de la vue précède tout acte de dessiner, qualité devant laquelle le sujet dessiné demeure finalement un prétexte. Et suivons le fil de cette étrange exposition, qu'il soit de poussière, de lait, de gomme, ou d'eau, il y aura toujours quelque chose au bout qui vous parlera