Comment ont-ils vécu cet instant historique, celui de l'ouverture des travaux de l'Assemblée Nationale Constituante issue des élections démocratiques, transparentes et honnêtes du 23 octobre 2011 ? Comment agiront-ils, tout au long de la période d'élaboration de la future Constitution, afin de démontrer qu'ils méritent la confiance que le peuple a placée en eux les chargeant de la lourde responsabilité de concrétiser les objectifs de la révolution de la dignité et de la liberté. La Presse a posé ces deux questions à plusieurs membres de l'Assemblée nationale constituante. Temoignages Salaheddine Zahaf (Indépendant): La chance de contribuer à l'édification de la 2e République C'est une journée historique pour l'ensemble du peuple tunisien. Nous nous apprêtons à participer, à pas sûrs, à l'édification de la Tunisie nouvelle. Ceux qui nous ont témoigné leur confiance peuvent se rassurer : nous serons au rendez-vous pour contribuer à la consécration des idéaux pour lesquels des centaines de martyres ont consenti le sacrifice suprême. Une chance historique s'offre à moi pour participer à l'édification de la Tunisie de la liberté et de la dignité et à la mise en œuvre d'une Constitution démocratique qui fera accéder la Tunisie, à jamais, au rang des pays développés. Mohamed Hamdi (Al Aridha Achchâbia) Pour que les Tunisiens soient fiers de leur Constituante Je ressens une immense fierté de me retrouver au sein de la Chambre des députés, un immeuble grandiose et chargé d'histoire et de symboliques auquel j'ai accès pour la première fois de ma vie en ma qualité de membre de la Constituante élue le 23 octobre 2011. J'espère être à la hauteur de la mission dont les électeurs m'ont chargé, librement et dignement. Mon ambition est que mon apport( et celui de mes collègues, à l'élaboration de la future Constitution soit à la hauteur des attentes du peuple, de manière à ce qu'ils soient fiers de nos propositions et des idées que nous avancerons afin de réunir les meilleures conditions pour des lendemains meilleurs pour tous. Quant à l'accord d'entente signé entre la troïka afin de se répartir les trois présidences, ainsi que les portefeuilles ministériels les plus importants, nous ressentons une tristesse profonde, depuis la proclamation des élections, de voir nos collègues élus qui souffraient, à l'époque de Ben Ali, de marginalisation et d'exclusion, se comporter de la même manière à notre encontre et nous exclure injustement des négociations sur l'avenir de la Tunisie. Je pense qu'il est inacceptable que la 3e force politique du pays soit mise à l'écart et traitée comme si des centaines de milliers de Tunisiens ne lui ont pas exprimé leur confiance. Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha Les martyrs, notre dossier n°1 C'est un grand jour dans ma vie. C'est un instant historique dont je remercie le Tout-Puissant de m'avoir offert la chance de vivre. Que demander de plus, à plus de 70 ans. Je sens que je renais de mes cendres pour vivre la journée pour laquelle des générations et des générations de Tunisiens ont donné leur vie. C'est une responsabilité lourde que celle de réaliser les objectifs pour lesquels les martyrs sont tombés sous les balles de la dictature et du despotisme. Notre premier dossier sera de rendre justice aux martyrs et à leurs familles en jugeant, d'abord les assassins qui les ont tués froidement et en leur accordant, ensuite, les dédommagements matériels et moral, qu'ils méritent ainsi que leurs familles qui bénéficieront de toute notre attention. Viendront ensuite la récupération des avoirs pillés par Ben Ali et ses proches, l'éradication définitive de la corruption et de la malversation et la réforme du système judiciaire. Issam Chebbi (Parti démocratique progressiste) Nous assumerons notre rôle d'opposition constructive Les Tunisiens et les Tunisiennes ont tant rêvé de se voir représenter au sein de l'Assemblée constituante par des élus qui traduisent leur volonté de rompre définitivement avec le régime de la dictature et du despotisme. Aujourd'hui, avec le démarrage officiel de l'Assemblée nationale constituante, nous franchissons le premier pas sur la voie de la démocratie et du pluralisme. Au parti démocratique progressiste, nous nous engageons, auprès du peuple qui nous a accordé sa confiance, à jouer le rôle d'une opposition responsable qui ne se contentera pas de dire non uniquement mais qui proposera ses idées et ses orientations, avec clarté et transparence, et luttera, avec panache, contre les décisions prises à l'ombre et derrière les portes fermées. Khemaïs Ksila (Ettakatol) Entre deux sentiments Je suis, en réalité, tiraillé entre deux sentiments. Le premier est celui de la fierté pour la précieuse confiance que le peuple a accordée librement et démocratiquement aux membres de la Constituante. Mon deuxième sentiment est celui de l'inquiétude et du désarroi vis-à-vis de l'accord d'entente conclu entre mon parti, Ettakatol, Ennahdha et le CPR. Ma conviction est qu'Ettakatol avait les moyens d'obtenir un accord plus avantageux et plus rassurant pour le peuple tunisien si ses négociateurs avaient fait montre de plus de vigilance et d'opiniâtreté pour parvenir à un accord qui serait ouvert plus sur la société civile et représentatif de ses principales forces. Mon vœu est que la deuxième étape de transition n'aille pas au-delà des délais qui lui sont prescrits afin de parer aux risques des éventuels dépassements et abus qui pourraient menacer notre jeune expérience démocratique. Chokri Belaïd, coordinateur général du :Mouvement des patriotes démocrates Le dialogue doit se poursuivre en dehors de la Constituante J'ai vécu aujourd'hui (hier), en tant qu'invité de l'Assemblée nationale constituante, des moments d'une émotion indescriptible. Aujourd'hui, mardi 22 novembre 2011, marque le démarrage d'un dialogue sérieux et d'une concertation approfondie sur l'édification de la Tunisie nouvelle. Avec l'Assemblée nationale constituante, nous pouvons dire que nous possédons, pour la première fois, un espace approprié pour la gestion du débat, de la différence et de la pluralité entre les Tunisiens. Cependant, le dialogue doit se poursuivre, également, en dehors de l'enceinte de la Constituante, avec la participation des partis et des composantes de la société civile qui n'y ont pas été élus. Quant à la déclaration d'entente conclue lundi soir, nous considérons qu'elle constitue un accord de partage du butin de guerre que nous rejetons dans la mesure où il est contraire aux objectifs pour lesquels ces mêmes membres de la Constitution ont été choisis par les électeurs, à savoir l'élaboration d'une constitution et non le partage des portefeuilles ministériels. Samir Taïeb (Pôle démocratique moderniste) Un an en arrière, qui aurait imaginé un tel instant historique Pendant le discours du président par intérim, j'ai failli pleurer, tellement l'émotion était intense. Nous avons la chance de vivre un moment historique. Un an en arrière, qui aurait pu imaginer qu'on serait aujourd'hui là, à discuter de l'élaboration d'une nouvelle Constitution qui ouvrira la voie à la deuxième République. A propos de l'accord signé entre Ennahdha, Ettakatol et le CPR, il constitue, à notre avis, au PDM, un acte qui a dévié du processus électoral. Nous sommes, avant tout, des constituants et nous aurions préféré que le gouvernement soit formé en dehors de l'Assemblée constituante, avec l'accord de tous les partis politiques. Nous rejetons la culture du butin de guerre et contrairement à ce que disent les membres de la troïka, nous n'avons jamais été contactés pour prendre part aux concertations tripartites. Mon sentiment est qu'Ettakatol a fait les mauvais choix en se joignant à cette troïka au sein de laquelle il n'est pas pour longtemps. Maya Jeribi (Parti démocratique progressiste) Il est normal que les partis vainqueurs coalisent J'ai vécu l'inauguration de l'Assemblée nationale constituante avec beaucoup de fierté en tant que Tunisienne qui retrouve son droit à la dignité, grâce, précisément, à la Révolution du 14 janvier 2011. Aujourd'hui, c'est la consécration du scrutin du 23 octobre. On ne peut qu'avoir une pensée pour ceux qui se sont sacrifiés pour que la Tunisie accède à la liberté. Notre responsabilité est très lourde en vue de mettre fin à toutes les formes de dictature et despotisme. Notre parti, le PDP, assumera pleinement sa responsabilité en matière d'instauration de la démocratie. Pour ce qui est de l'accord signé, lundi soir, par la troïka, j'estime qu'il est normal et légitime que les partis vainqueurs coalisent et s'entendent sur un plan d'action commun. Cependant, je me pose la question: pourquoi cet accord a tardé à se faire connaître et pourquoi toute cette opacité et ces négociations en catimini ?