Par Soufiane Ben Farhat Cette semaine promet d'être décisive, politiquement parlant. On y procèdera probablement à l'élection du président de la République. Lequel chargera la majorité de la formation du gouvernement. L'ennui, c'est que l'on connaît déjà depuis plus d'un mois les noms du futur président et du chef du gouvernement. Mais il semble que les locataires de l'Assemblée constituante jouent les prolongations. On s'affaire dans les coulisses, mais la façade demeure vacante. Deux phénomènes ont surgi entre-temps. En premier lieu, l'opinion s'exaspère de plus en plus. On a l'impression que les vainqueurs des élections se partagent quelque invisible gâteau. La désignation des candidats respectifs de deux alliés de la Troïka (Ennahdha, CPR et Ettakattol) aux postes de président de la République et de président de l'Assemblée n'a pas été sans anicroches. Ce fut une véritable mêlée entre alliés derrière les rideaux. Une mêlée mal dissimulée en fait et qui a déjà donné lieu à des commentaires acerbes tant des observateurs que dans l'opinion. Les gens n'arrivent pas à saisir le sens réel de ce retard qu'ils estiment déconcertant, sinon louche. Et au lieu d'expliquer, les protagonistes s'énervent et se mettent promptement en colère. En second lieu, on assiste précisément à l'exaspération de plus en plus manifeste de certains ténors parmi les nouveaux élus. Leur cible préférée, ce sont bien évidemment les journalistes et autres commentateurs et observateurs avertis. Ces derniers font tout simplement leur travail, essaient de dénicher la donne cachée, posent des questions bien fouillées. Et c'est de bonne guerre pour ainsi dire. D'autant plus que la Révolution a libéré les médias. Plus ou moins heureusement, il est vrai, mais la liberté de la presse semble du ressort de l'exercice plutôt que de la revendication pieuse. Cette semaine, on en saura probablement assez sur la composition du gouvernement et les rapports de force au sein de la majorité. Qui détermineront, d'une certaine manière, la composition, la teneur et la consistance de l'opposition. Et puis, et puis, il faudra s'atteler à l'essentiel. C'est-à-dire à la conception de la nouvelle Constitution. C'est en fait la tâche et la vocation essentielle de l'Assemblée constituante. Et l'on a tendance à l'oublier. Pour l'instant, le projet de l'organisation provisoire des pouvoirs publics occupe les devants de la scène. La présidence de la République semble jalouse de certaines prérogatives. Et la majorité semble soucieuse de procédures à même de faire passer aisément ses projets et visions. En effet, le règlement intérieur de l'Assemblée est âprement discuté, lui aussi. On assiste ainsi à une triangulation. Des agencements, clivages et démarcations au sein de la majorité qui déterminent des positionnements au sein de l'opposition. En fait, on gagnera à se mettre au plus pressé au travail. Le pays a des urgences. Chômage, endettement, renchérissement des prix, tensions, ne sauraient souffrir l'attentisme. Les larges masses, les forces vives sont saignées à blanc. La crédibilité de la classe politique dans son ensemble est entamée. La société civile est de plus en plus désenchantée. En fait, l'Assemblée constituante a connu jusqu'ici un seul moment de gloire, le jour de son investiture. Depuis, elle patauge entre les méandres des conciliabules politiques sur fond d'agendas partisans. Une situation qui ne saurait durer. Les politiques froncent les sourcils. A les en croire, le peuple ne saisit pas la vraie nature des urgences. Il n'en demeure pas moins que tout le pays attend avec impatience l'entrée dans le vif du sujet. Les échéances économiques pressent. Déjà, on devra s'atteler à la nouvelle loi de finances. Une servitude nécessaire. Et en même temps, il est obligatoire de commencer le travail sur la Constitution. Ce qu'il faut en somme, c'est courir deux fois plus vite pour espérer demeurer à la même place. C'est paradoxal, mais c'est ainsi. Cette semaine sera, espérons-le, décisive à ce propos.