En un bref laps de temps, la vie des hommes bascule. L'horreur s'installe. Aussi envahissante et implacable qu'un cauchemar. Une fin de partie sanglante. Pris à partie dans une âpre chasse à l'homme, mille cent vingt-huit immigrés, en majorité des Africains subsahariens, ont quitté les environs de Rosarno en Calabre, au sud de l'Italie. Encore une fois, la vie tient au sauve-qui-peut. Et il sonne comme une incantation de cruelles séquences préhistoriques en ce début de l'an de grâce 2010. Les faits sont graves. A telle enseigne que dimanche, le pape Benoît XVI s'est précisément départi du texte préparé pour la prière de l'angélus : "Un immigré est un être humain, différent par son origine, sa culture et sa tradition, mais il est une personne qui jouit de droits et devoirs et qui doit être respectée", a rappelé gravement le souverain pontife à la foule massée place Saint-Pierre au Vatican. Rappeler l'évidence qui n'en est plus une. On en est là. L'aveuglement brouille la perception de la vérité élémentaire. Le lendemain, le très sérieux L'Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, a pourfendu le "racisme" des Italiensdans un article intitulé "Les Italiens et le racisme" : "Non seulement écœurants, les épisodes de racisme dont la presse se fait écho nous ramènent à la haine muette et sauvage envers une autre couleur de peau que nous croyions avoir dépassée. Pour une fois, la presse n'exagère pas : un voyage en train, une promenade au parc ou une partie de football ne laissent pas de doute. Nous n'avons jamais brillé par notre sens de l'ouverture, nous Italiens du Nord au Sud". Les tristes événements ont éclaté jeudi dernier. Des immigrés africains, journaliers venus dans la plaine de Gioia Tauro pour la récolte des mandarines, sont sauvagement agressés. Exactement comme une année auparavant. On leur avait alors tiré dessus, leurs abris de fortune avaient été incendiés. Jeudi donc, une horde déchaînée de jeunes Italiens ont tiré aux fusils à air comprimé sur des ouvriers agricoles africains revenant de leur travail, blessant deux d'entre eux. Ils tirent comme ça, comme par réflexe. En guise de riposte, des dizaines d'Africains exaspérés et exsangues ont brisé les vitrines, et incendié des voitures et des poubelles. L'engrenage infernal s'est mis en place. Le lendemain, la chasse à l'immigré est lancée. Elle est méthodique, pointilleuse, serrée. Barrages dressés par des hordes en furie, passages à tabac systématiques des immigrés. On rabat l'immigré comme on rabat le gibier. On le déniche, on le débusque comme dans la chasse à courre. Avec, de surcroît, tout l'attirail des battues humaines qu'on croyait révolues, bidons d'essence et fusils de chasse en prime. Témoin oculaire, un journaliste de Reuters témoigne. Il parle de ces "trois jours d'émeutes dans un climat rappelant celui qui avait marqué les violences raciales aux Etats-Unis à l'apogée du Ku Klux Klan, dans les années 1960". Une partie de la classe politique italienne est choquée. L'opposition accuse le gouvernement d'alimenter la xénophobie ambiante. Un prestigieux journal parle même de "nettoyage ethnique". On craint le pire. D'autant plus que plus de huit mille immigrants clandestins sont employés en Calabre méridionale. Ils triment à la diable. Journaliers affectés à la cueillette des fruits et légumes. Sous-prolétaires travaillant au noir, corvéables à merci, mal payés, sous-payés, non déclarés. Qui plus est peu coûteux, socialement parlant. Ils se contentent de travailler et végéter. Et vivent Dieu sait comment dans l'ilotisme extrême, sans eau ni électricité, dans des usines désaffectées et autres entrepôts de fortune. Les organisations de défense des droits de l'Homme sont catégoriques. Cette sous-humanité est exploitée par la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. C'est-à-dire, dans la sociologie du crime organisé, la mafia des mafias. "L'Etat n'existe pas en Calabre. C'est la ‘Ndrangheta qui régule les relations sociales", soutient mordicus Pierferdinando Casini, chef de l'Union des chrétiens démocrates. Il Giornale, le quotidien de droite de la famille Berlusconi, a commis dimanche dernier un éditorial particulièrement provocateur à l'endroit des Calabrais : "Plutôt que sur les nègres, tirez sur les mafieux. Pourquoi les Calabrais ne tirent-ils pas sur la mafia ? Les immigrés sont pauvres et faibles, laids et sales, des cibles idéales. Le crime organisé, qui tient en échec les forces de l'ordre est fort, violent, avec un esprit de revanche et donc il convient de ne pas le toucher". Aussi bien le ton de l'article que les termes utilisés en disent long sur la dégénérescence en la matière en Italie. L'Italie qui fut jusqu'aux années 80 du XXe siècle un pays d'émigration et qui se retrouve depuis peu pays d'immigration. Entre-temps, quelle chute. On a toujours apprécié les mandarines de Calabre. Aujourd'hui, elles sont devenues rouge-sang. S.B.F. Iran - Attentat : Un grand spécialiste du nucléaire tué à Téhéran Afghanistan : Karzaï dispose d'une troisième liste de ministrables Les responsables américains aux Afghans : L'armée US «finira bien par s'en aller» Selon son conseiller : Tony Blair aurait réfléchi avant d'attaquer l'Irak France : Sarkozy veut accélérer la réforme de l'hôpital et de la médecine Inscriptions racistes contre un responsable de la mosquée de Strasbourg Aviation civile : Airbus signe une année 2009 record Ukraine : Climat de désenchantement avant la présidentielle