De notre envoyée spéciale au Caire Najoua HIZAOUI Des recherches internationales à grande échelle montrent qu'un faible taux de participation des femmes au marché du travail est l'un des facteurs clés qui influent sur la performance des économies nationales. Dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena), il y a encore peu de mesures concrètes et d'activités coordonnées pour suivre et améliorer l'intégration économique des femmes. Le nombre de femmes participant aux activités économiques dans des pays comme l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et même la Tunisie — «pays cibles» — demeure le plus faible du monde. Les femmes dans ces pays ne sont pas souvent informées sur leurs droits socioéconomiques. «Cela peut en partie être attribué aux mentalités conservatrices ou traditionnelles, à la perception du rôle des femmes qui limite leur mobilité en matière d'activité, ainsi qu'au manque de soutien et d'information», affirment à l'unanimité les participants à la conférence régionale sur le programme Econowin portant sur le thème «Intégration économique des femmes dans la région Mena». De ce fait, les femmes ne réalisent pas leur plein potentiel et restent largement invisibles en tant qu'acteurs dans la vie économique. Un des domaines de coopération du programme Econowin traite de la sensibilisation sur les inégalités actuelles et sur les attitudes vis-à-vis des femmes dans le domaine du travail. Implémentation des politiques sensibles au genre Outre les structures informelles comme celles du secteur de l'agriculture, les femmes dans les pays de la région Mena sont principalement employées par le gouvernement dans les secteurs de l'éducation, de l'administration publique, de la santé et des services sociaux. Toutefois, le secteur public est saturé et il le sera encore plus dans les années à venir, avec la modernisation et la libéralisation continue : ce qui entraînera des effets négatifs sur les possibilités d'emploi des femmes. A ce jour, le secteur privé formel n'a pas été particulièrement favorable à l'emploi des femmes ou attractif pour celles qui sont à la recherche d'un emploi. La plupart des femmes préfèrent le secteur public en raison des conditions de travail plus favorables, une meilleure qualité de travail et des normes sociales qui acceptent les femmes. A l'inverse, le secteur privé considère les femmes comme étant moins productives et plus «coûteuses», à cause des congés de maternité et des services de crèche prévus par la loi. A la lumière de cette situation, l'application de la réglementation du travail par le secteur privé pour améliorer les conditions de travail des femmes est un déterminant clé qui permet de renforcer la participation des femmes au marché du travail informel. Dans le secteur privé, il est impératif de mieux faire connaître les avantages des équipes mixtes, et les systèmes d'incitation à l'embauche des femmes doivent également être explorés. De plus, les hommes et les femmes auront besoin de reconsidérer l'image négative qu'ils se font du secteur privé. Plus de travail est par conséquent nécessaire, aussi bien du côté de l'offre que de la demande du marché du travail, afin de répondre aux besoins et aux intérêts, tant du secteur que des femmes. Le programme Econowin vise, entres autres, à soutenir l'implémentation des législations de travail sensibles au genre et promouvant les femmes dans le secteur privé dans le sens de «l'égalité des sexes comme une politique économique intelligente». L'approche du programme est triple : c'est un programme qui commissionne des études sur la question de la législation du travail et la participation des femmes dans le marché du travail dans les quatre pays cibles. La recherche est basée sur les modèles des meilleures pratiques où l'application de la législation du travail était une situation dite «gagnant-gagnant» («win-win») pour les employeurs et les employés à la fois. Le parc industriel «Polaris» en Egypte, en coopération avec Econowin ainsi qu'avec le Programme pour la promotion de l'emploi (PPE), tous les deux soutenus par la GTZ, ont initié un partenariat public-privé (PPP) pour la mise en place d'un centre de placement de l'emploi sensible au genre et aux jeunes. A cette fin, un module de formation sur l'emploi sensible au genre a été développé et transmis aux agents de placement du PPP et du «Pacte national pour l'emploi». Davantage de projets pilotes mis en place conjointement avec le secteur privé seront ainsi lancés. Le programme est engagé dans un dialogue avec les parties prenantes en vue de la dissémination des résultats de recherche et des meilleures pratiques des implémentations pilotes par le biais de tables rondes et de sessions d'information, avec les divers intervenants du secteur privé, du gouvernement et de la société civile. La dissémination des résultats de recherche ainsi que le dialogue avec les parties prenantes engendreront une sensibilisation autour du sujet. Les partenaires gouvernementaux seront inspirés par des pratiques internationales et des projets pilotes, sur la façon de créer des incitations pour les entreprises afin d'augmenter l'employabilité des femmes à travers de meilleures conditions de travail. Les intervenants du secteur privé en sauront plus, ainsi, sur les avantages qu'il y a à employer des femmes. Globalement, les activités conduiront à une participation accrue des femmes au marché du travail dans le secteur privé. Une expérience marocaine D'après des données fournies par la GTZ, les secteurs employant le plus de femmes dans les pays de la région Mena sont l'agriculture et le secteur informel. En outre, un employeur clé est également le secteur des services, où les femmes travaillent en majorité pour le gouvernement. Une analyse plus détaillée montre encore que les femmes sont employées dans les échelons les plus bas de la chaîne, dans les positions plutôt stéréotypées qui nécessitent un niveau minimal de qualification et qu'elles ne sont pas bien rémunérées. Dans le cadre de son mandat de promotion de l'orientation professionnelle des étudiantes et des diplômés, le programme Econowin s'engage dans une activité de «Female mentoring» au Maroc. Cette expérience sera transférée à d'autres pays cibles du programme, dont la Tunisie, et mise en œuvre avec les partenaires nationaux concernés. L'objectif du projet «Female mentoring» est de promouvoir l'orientation professionnelle des femmes et d'accroître leur employabilité, ainsi que leur intégration dans le marché du travail et dans les activités économiques. Le «Female mentoring» est une relation volontaire d'échange entre une personne expérimentée appelée «mentore», qui transmet ses connaissances et expériences professionnelles à une personne moins expérimentée, appelée «mentee», permettant ainsi aux jeunes étudiantes/ diplômées, ainsi qu'aux jeunes créatrices d'entreprises, de profiter de l'expérience, du savoir-être et du réseau professionnel d'entrepreneuses et de professionnelles confirmées et engagées. Ce projet aidera les étudiantes/diplômées à gagner en confiance et renforcera leur volonté à réussir une belle carrière, tout en leur garantissant un rendement accru des investissements dans l'éducation pour l'économie nationale. D'après Mme Laura Winter, conseillère technique en Egypte, le «Female mentoring» est «un cerveau à accueillir, une oreille à l'écoute et un coup de pouce dans la bonne direction. Dans toutes les cultures, il existe et il existera toujours des gens expérimentés qui guident, conseillent et encouragent des jeunes personnes douées. Le mentore est une mère, une enseignante, un personnel de placement qui peut être une conseillère personnelle, un modèle à suivre, un soutien, un challenger ou une facilitatrice». Pourquoi un mentoring spécifique aux femmes ? Sur cette question, Mme Winter déclare que le nombre des femmes diplômées dans la région Mena est en perpétuelle croissance. Aussi, «les traditions sociales et les modèles de rôle ne prévoient pas les femmes dans le monde du travail. Ceci s'explique également par le manque d'accès aux réseaux importants, réservés aux hommes et la difficulté de concilier travail et famille».