Les changements climatiques placent, aujourd'hui l'Homme face aux conséquences de ses actes excessifs et nuisibles à l'atmosphère et à l'écosystème. Ils constituent les signes prémonitoires de grandes mutations naturelles, prévisibles à moyen et long termes. Des mutations qui nous obligent à opter pour des modes de vies alternatifs nous permettant une meilleure adaptation au nouveau contexte naturel. Si certains renient le phénomène des changements climatiques, d'autres le confirment en prenant soin d'apporter des preuves que le globe dans lequel nous évoluons évolue, lui aussi, à notre détriment. L'émission croissante des gaz à effet de serre, due en grande partie à l'activité industrielle et à la pollution sous toutes ses formes, l'augmentation de l'exploitation des combustibles fossiles tels que le pétrole et le charbon, mais aussi le trou de la couche d'ozone, l'augmentation de la température, autant de facteurs qui influent sur l'atmosphère et bouleversent le fonctionnement de l'écosystème. Les conséquences de ces facteurs sont, non seulement immédiates, mais durables. En Tunisie, comme partout dans le monde, les changements climatiques commencent par donner leurs effets. Aussi, et selon M. Mohamed Ben Sakka, expert environnemental spécialisé dans la valorisation des boues résiduaires dans l'agriculture, l'augmentation de la température en Tunisie s'avère -t-elle confirmée. En effet, au bout d'un siècle, la température moyenne enregistrée par la station de météorologie de Carthage a augmenté de deux degrés, puisqu'elle est passée de 18°C à 20°C. La fréquence annuelle de dépassement de 38°C s'avère, en outre, plus importante. «Les vagues de chaleur, qui consistent en la succession de six jours durant lesquels la température excède la valeur excessive fixée à 38°, sont devenues beaucoup plus fréquentes dans les dernières années», indique M. Ben Sakka. Le réchauffement planétaire est un fait qui agit et sur la végétation et sur l'exploitation des ressources hydriques. M. Ben Sakka fait remarquer, lors d'une session de formation sur les changements climatiques donnée par le Capjc et la Giz, que la végétation vire de plus en plus vers la sécheresse. Parmi les impacts palpables du réchauffement climatique figure la présence précoce des méduses au beau milieu de la saison estivale. Ces animaux marins, connus pour leurs terribles pédoncules et leurs piqûres, envahissent les plages pendant les périodes de température maximale. Jadis, elles ne font leur apparition qu'à partir de la mi-août. Ces dernières années, elles envahissent nos plages et contrarient estivants et touristes à partir du mois de juillet. Par ailleurs, les pluies orageuses — qui se produisent après une grande vague de chaleur — ont, elles aussi, signifié une mutation considérable. Leur fréquence annuelle a carrément doublé puisqu'elle est passée de 20 à 40 pluies orageuses actuellement. L'expert souligne la gravité de cet indicateur, notamment pendant la période automnale et son impact sur l'agriculture et sur la bio-diversité marine. Cette dernière se trouve depuis quelque temps perturbée notamment par l'émergence de nouvelles espèces marines. « A Djerba, comme à Zarzis, de nouvelles espèces marines sont présentes sur les marchés au poisson. Certes, cela revêt, en apparence, l'aspect d'un enrichissement de la faune marine. Toutefois, il est à préciser que les espèces exogènes (qui ne sont pas locales) ne peuvent s'adapter dans une niche écologique que lorsque celle-ci est altérée», explique M. Ben Sakka. Les répercussions sur la biodiversité, sur les ressources naturelles et sur l'économie suscite l'inquiétude des experts environnementaux. Toute notre activité, toutes nos perspectives socio-économiques et développementales dépendent de la stabilité climatique. Et aux mutations climatiques doivent correspondre des mutations économiques, sociales et développementales à même de s'acclimater aux changements et à prévenir le pire. Certes, notre pays ne figure pas sur la liste des grands polluants, toutefois, la lutte pour la mise en place d'une politique et d'une stratégie environnementales visant le respect de l'écosystème sont, pour le moment, défaillantes. Certes, la Tunisie s'est appliquée à son engagement notamment par rapport à sa ratification du protocole de Kyoto qui vise à réduire l'émission des gaz à effet de serre. Cependant, cela n'exclut aucunement la nécessité de s'engager dans une politique pour un environnement sain et une économie adaptée au nouveau contexte climatique et naturel. M. Ali Abaab, expert environnemental, met l'accent sur la nécessité de préserver les ressources hydriques dont l'éventuelle pénurie menace et l'agriculture et la production animale et le tourisme. «Il est vraiment temps de focaliser sur une agriculture économique en eau et de miser sur des végétations qui résistent au mieux au changement climatique», souligne l'expert. Pour ce qui est du tourisme, de nouvelles mesures sont à prendre afin de faire face à l'augmentation croissante du niveau de la mer. Les énergies renouvelables s'avèrent une alternative préconisée afin de préserver les énergies fossiles. La Tunisie a déjà entamé le processus par le biais de l'installation du système solaire et éolien. Par contre, nombreux sont les domaines qui demeurent menacés par les changements climatiques. C'est le cas notamment de l'aménagement du territoire qui ne va toujours pas de pair avec les grandes pluviométries. Les inondations qui ont touché les régions de Bousalem et de Béja en automne dernier, mais aussi celles de 2003 en disent long sur ces défaillances. M. Abaab insiste sur l'impératif d'aménager le territoire conformément aux besoins des régions riveraines des oueds et d'installer un système d'alerte précoce afin de prévenir les éventuelles inondations. «Il est important d'opter pour des mesures sectorielles spécifiques aux différentes régions. De telles mesures sont possibles à condition qu'on dispose de projections et d'estimations sur le climat futur, chose qui s'avère incertaine jusqu'à présent. Cela n'empêche que nous prenons des mesures qui ne coûtent pas beaucoup à long terme et dont le résultat promet d'être bénéfique à tous les coups», suggère M. Abaab.