Par Hassen CHAARI * «Le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre» (Victor Hugo) «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire» (Voltaire) « Nous sommes responsables de ce que nous faisons, mais aussi de ce que nous ne faisons pas !» (Molière) La Tunisie profonde a été le berceau de la révolution du 14 janvier, comme elle l'a été de la lutte armée pour la libération nationale qui a mené à l'indépendance. Malgré cela, cette même Tunisie profonde a vécu – au moins durant les 5 dernières décennies — une marginalisation économique grave et peu de choses y ont été changés par rapport à la Tunisie côtière. La Tunisie se développait alors à deux vitesses. Pour remédier à cela, des centaines d'opposants et de militants courageux de la Tunisie profonde ont enduré les pires injustices et étaient longtemps seuls face aux démons et tortionnaires du régime de Ben Ali. Leur mérite réside dans le fait qu'ils ont osé élever la voix malgré la dictature, l'oppression, la torture et les pires préjudices. A tous ces héros et martyrs, victimes de la torture et de l'injustice, nous devons respect et désolation et nous devons leur dire « Pardon ! », non seulement par reconnaissance mais aussi parce qu'ils ont laissé pendant des années se faire les otages du régime politique qui a volé leur liberté par la terreur et la persécution. Heureusement, grâce au combat acharné de ces militants tenaces et intransigeants, ainsi qu'aux sacrifices des nombreux martyrs de la révolution, notre cauchemar est aujourd'hui terminé. Désormais, nous sommes libres et nous aspirons légitimement à la démocratie et à une prospérité non seulement durable mais équitablement partagée. Afin de ne plus jamais revenir à la dictature d'un président, d'un parti ou d'un courant religieux, il faut impérativement prôner la justice économique et sociale et le dialogue constructif entre tous les Tunisiens, mais surtout entre ceux parmi eux qui prétendent défendre l'Islam et ceux qui veulent préserver les libertés récemment gagnés. A défaut d'infrastructures, grandes perspectives de développement Après la révolution, les reportages qui ont été effectués par la télévision sur les conditions de vie dans les régions intérieures de la Tunisie révèlent, dans une surprise totale, une situation alarmante et une pauvreté flagrante longtemps occultées. Pourtant, cette même Tunisie profonde était toujours la première à payer le prix fort par le sang et les sacrifices pour la liberté et la dignité de notre pays. C‘est pourquoi elle est en droit aujourd'hui d'exiger « la contrepartie » qui consiste à instaurer une justice économique et une répartition juste des richesses nationales. Pour ce faire, la nouvelle classe politique tunisienne a intérêt à bien écouter ces gens, habitant la Tunisie profonde, et à répondre à leur désir de reconnaissance, de citoyenneté et de prendre en considération leurs doléances et leurs droits à une vie digne ! Cependant, force est de constater que, depuis la révolution, ces régions marginalisées ont bénéficié de zéro investissement national, international ou mixte. De quoi frémir en période de crise... Aucun poste d'emploi n'y a été créé : tout au contraire, des milliers ont été perdus! Pour instaurer la confiance, il faut qu'il y ait retour des investissements et que l'on s'attaque sérieusement aux véritables maux des ces régions sinistrées. Le désespoir de centaines de milliers de chômeurs en l'absence d'un signe positif ou d'un seul pas concret de la part des gouvernants n'est pas pour le dénouement rapide de la situation sociale assez fragile. Une étude comparative récente a fait ressortir que 326 grèves illégales (sans préavis) ont été enregistrées depuis le 14 janvier ; que les investissements étrangers ont baissé de 25% et que 135 petites et moyennes entreprises (PME) étrangères ont quitté notre pays. En attendant une meilleure visibilité sur notre future politique économique, l'incertitude et l'hésitation se poursuivent – hélas — chez les investisseurs locaux et étrangers provoquant la détérioration de plusieurs indicateurs économiques et financiers nationaux. Suite à cette situation chaotique, des dizaines de jeunes d'Erdeyef, Sidi Bouzid, Oum Larayes, Mdhilla, Gafsa et d'autres régions du pays campent jour et nuit devant le siège de l'Assemblée constituante demandant simplement de pouvoir manger à leur faim dans la dignité et le respect. Ces gens ont le ventre creux parce qu'ils ne travaillent pas et qu'ils n'ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Pour faire face à cette situation alarmante et redonner rapidement des signes de confiance et de quiétude, il faut assainir la situation sociale caractérisée par des grèves successives et des coups médiatiques de destruction. Afin de jouer le rôle qui lui est dévolu dans le domaine économique avec l'efficacité requise, le nouveau gouvernement élu devrait – le plus vite possible — assurer le contrôle et la régulation des principales orientations et évolutions stratégiques économiques à même de garantir à la Tunisie profonde la stabilité et la paix sociale et de consacrer les principes de la bonne gouvernance. Pour ce faire, le dialogue social reste le meilleur garant des libertés et de la stabilité sociétale dans ces régions défavorisées. A défaut d'un consensus solidaire entre les uns et les autres, la violence risque d'éclater à tout moment ... Et la Tunisie sombrerait inéluctablement dans le chaos et la pauvreté. Bref, plus jamais une Tunisie à deux vitesses, si nous voulons vivre ensemble en sécurité et en paix !