Contacté par La Presse suite au retrait des députés PDP, M. Néjib Chebbi nous a fait la déclaration suivante : «Nous avons senti une volonté de transformer, encore une fois, l'Assemblée nationale constituante en une chambre d'enregistrement de la volonté du nouveau «prince», c'est-à-dire celle de cette majorité qui dénie tout rôle à la minorité et ôte, de ce fait, à la Constituante toute essence démocratique. Car s'il y a une volonté despotique, l'Assemblée perd son caractère démocratique. Débattre de la loi de finances n'est pas une formalité à expédier. Cette loi fixe les recettes et les dépenses de l'Etat pour l'année qui vient, détermine le niveau d'endettement, établit les priorités dans les dépenses et la structure des investissements publics. Sans compter la fiscalité, la compensation, le taux de croissance et le niveau du déficit budgétaire prévu. C'est une loi essentielle qui intéresse au plus haut point les citoyens et détermine leur vécu au quotidien. Or la majorité a décidé de revoir à la baisse les prévisions de croissance, passant de 4,5% à 3%, et ce, sur la base d'une simple volonté de ne pas ajuster le prix du pétrole. Ce qui menacerait d'augmenter de 1% le déficit budgétaire. Il s'agit d'un débat important pour les citoyens et pour l'avenir du pays. C'est sérieux : il faut étudier le projet, réfléchir, analyser le pour et le contre, consulter les experts et les décideurs des différents secteurs, afin de se munir d'arguments vérifiés et crédibles. C'est le rôle des représentants du peuple lorsqu'il s'agit de faire des choix décisifs qui engagent le pays. Surtout dans une année aussi déterminante pour l'avenir de tous. Vouloir en finir en 48 heures au lieu de deux mois, c'est réduire la Constituante à une chambre d'enregistrement sans réel pouvoir. On a demandé un minimum d'une semaine pour que la discussion puisse être basée, impliquer les citoyens et confronter les arguments. Le développement régional, la création d'emplois, les prix, le pouvoir d'achat, les dépenses publiques notamment sociales mais également d'infrastructures... ne peuvent faire l'objet de choix judicieux que si les décisions sont mûrement réfléchies et débattues démocratiquement. L'argument de l'urgence et la promesse du ministre des Finances de représenter dans quelques semaines une loi de finances complémentaire ne peuvent être acceptés. Surtout que l'article 11 de la loi organisant les pouvoirs publics permet d'ordonner par décret les dépenses pendant trois mois. Nous avons considéré que, finalement, l'Assemblée nationale constituante est spoliée de tous ses droits. En quittant la Constituante, nous défendons les institutions et le peuple tunisien. Sous Bourguiba, et même sous Ben Ali, le projet de loi de finances était étudié durant un mois en commissions puis débattu en long et en large en plénière, sur plusieurs semaines. Avec des amendements multiples, un débat global et une discussion article par article. C'est le moindre des rôles pour une assemblée démocratique représentant le peuple. On nous a refusé de discuter de la procédure de discussion et de la manière de mener le débat. Et on veut expédier la loi en quelques heures, ce alors qu'entre le 10 et le 22, l'Assemblée ne s'est pas réunie du tout. C'est comme si, après avoir spolié le président de la République de ses préogratives, l'on voulait spolier l'Assemblée constituante des siennes. Ce que, en tant qu'élus du peuple, nous ne pouvons tolérer. Mais nous sommes attachés à notre rôle et à notre fonction, et la discussion se poursuit avec la présidence de la Constituante par l'intermédiaire de l'un d'entre nous. S'il y a moyen d'assurer un rôle minimum de discussion et débat au sein de l'Assemblée, nous reprendrons notre place et assumerons les charges que nous ont confiées nos électeurs, sinon on aura recours à une décision conséquente».