• Dix ans après les débuts de la monnaie unique, la zone euro traverse la crise la plus grave de son histoire. Le 1er janvier 2002, l'euro faisait son apparition dans les porte-monnaie de millions d'Européens. Dix ans plus tard, la zone euro traverse la crise la plus grave de son histoire. Sous la double pression exercée par les marchés et les agences de notation, c'est désormais la survie même de la monnaie unique qui est en jeu. Dix ans déjà ! Dix ans que la monnaie unique est entrée dans la vie quotidienne des citoyens de la zone euro. Utilisé dès 1999 par les marchés financiers, l'euro fiduciaire (pièces et billets) est apparu le 1er janvier 2002 dans les douze Etats que comptait alors la zone euro. Dix ans plus tard, ce sont 17 pays qui l'utilisent, et 332 millions de personnes qui échangent les quelque 14 milliards de billets et 95 milliards de pièces mis en circulation à ce jour (pour une valeur totale de près de 870 milliards d'euros – chiffres fournis par la BCE). Cet anniversaire a bien sûr un arrière-goût amer : la crise de la dette, depuis 2010, a fait de la zone euro l'une des cibles favorites des marchés financiers, allant jusqu'à mettre en péril son existence même. Fin d'une success story ? Pour autant, nombre d'observateurs soulignent que la monnaie européenne, jusqu'à ces deux dernières années, avait tout de la success story. «On a oublié aujourd'hui tout ce qu'a apporté la monnaie unique, souligne ainsi Philippe Crevel du Cercle des épargnants. Pour le tourisme, pour les échanges commerciaux notamment. Avec la crise, bien sûr, on ne retient que les aspects négatifs, mais jusqu'à 2008, l'euro a tout de même connu de belles années ! » De fait, l'apparition de la monnaie unique a permis de faciliter les transactions et réduit considérablement les coûts de conversion pour les entreprises. Quant aux particuliers, ils ont bénéficié d'une grande stabilité des prix (avec une inflation moyenne proche de 2%), même si l'euro a semblé au contraire contribuer à une envolée du coût de la vie. Pendant plusieurs années, les économistes ont également salué la faiblesse des taux d'intérêt, favorisée par la monnaie unique et par la confiance inspirée par l'économie allemande, locomotive de la zone. Un atout qui a malheureusement contribué fortement aux maux actuels de la zone, en encourageant les Etats et les particuliers à s'endetter. Un double désaveu C'est en 2010 que les premiers signes de faiblesse sont apparus. Après la Grèce, l'Irlande, puis le Portugal sont obligés de recourir à l'aide internationale pour faire face à leurs obligations financières. En 2011, la crise de la dette s'étend à la quasi-totalité de la zone : l'Italie, l'Espagne sont en première ligne, la France est menacée de perdre son triple A. Les sommets de crise se multiplient, les plans d'austérité aussi et les chefs de gouvernement tombent, de George Papandréou en Grèce à Silvio Berlusconi en Italie, en passant par Brian Cowen en Irlande, José Luis Zapatero en Espagne ou José Socrates au Portugal. L'euro suscite la méfiance dans les salles de marché, mais aussi dans l'opinion. En France, comme dans de nombreux pays d'Europe, le soutien à la monnaie unique s'effrite, comme le montre une enquête réalisée en novembre 2011 par l'institut Ipsos. «Une grande partie des Français a le sentiment que l'euro est un handicap pour leur pouvoir d'achat, c'est une critique qui existe depuis 2002 mais qui a tendance à gagner du terrain », explique Vincent Dusseaux, chef de groupe chez Ipsos. « La nouveauté, c'est l'idée que l'euro n'est pas un atout dans le cadre de la crise financière. Pour 45% des Français, l'euro est au contraire un handicap pour faire face à cette crise. » Scénario catastrophe Attaquée par les marchés, désavouée par l'opinion, la monnaie européenne semble plus fragile que jamais. Désormais, le scénario d'un éclatement de la zone ne paraît plus inconcevable. Et certaines entreprises s'y préparent, même si elles refusent, la plupart du temps, de le reconnaître. Dans un entretien au quotidien Les Echos du 19 décembre, Gilles Schnepp, PDG de Legrand, reconnaît avoir planché «sur tous les scénarios, dont celui d'une sortie de la zone euro (...) de tel ou tel pays». Comme l'explique Sylvain Broyer, économiste chez Natixis, «deux scénarios sont possibles : l'éclatement pur et simple, et le retour au moyen-âge, c'est-à-dire aux monnaies nationales, ou la création d'une zone à deux vitesses. Les conséquences ? Elles seraient catastrophiques : récession économique, remontée des taux d'interêt, crise bancaire majeure... On perdrait le bénéfice de vingt à trente ans de progrès.» Pour tenter d'éviter un tel scénario, les dirigeants européens se sont engagés sur la voie d'une plus grande discipline budgétaire, afin de rassurer les marchés et les agences de notation. Mais la révision des traités prévue au sommet de Bruxelles du 9 décembre dernier ne sera pas engagée avant le mois de mars 2012. Et dans les prochains mois, la zone euro va faire face à des échéances cruciales sur les marchés : Etats, entreprises et banques vont devoir emprunter massivement pour se financer. Un test qui s'annonce d'ores et déjà particulièrement périlleux pour la monnaie unique.