Par Jawhar CHATTY Elargir le champ de la coopération et de la diplomatie économique. La volonté affichée par le gouvernement de revitaliser les processus de l'intégration économique horizontale et de sonder de nouveaux espaces lointains de coopération risque non seulement de «heurter» la sensibilité de notre partenaire stratégique et historique, l'Union européenne, même si elle-ci a toujours dit soutenir une intégration Sud-Sud. Cette volonté a, hélas, toutes les chances de demeurer au stade des bonnes intentions. A cela au moins trois raisons. S'agissant de l'intégration économique horizontale, le projet d'édification d'un espace économique maghrébin intégré relève aujourd'hui de l'utopie en dépit de la volonté politique affichée des principales capitales maghrébines. Une volonté qui, il est utile de le rappeler, n'a jamais fait défaut par le passé. Depuis que le projet de l'UMA existe, la force de cette volonté a été inversement proportionnelle au degré de matérialisation effective d'une quelconque intégration économique. Au gré des crises et des humeurs des capitales maghrébines, les échanges économiques et commerciaux intermaghrébins ont toujours été au mieux insignifiants et, au pire, causes de forts désagréments et de litiges pour des opérateurs économiques qui avaient à un moment eu l'audace et la naîveté de vouloir commercer avec des voisins somme toute naturels... Louable, le projet de construction économique maghrébine est toutefois un projet de très long terme. Certains y voient, et notamment dans les initiatives tunisiennes de redynamisation du processus maghrébin, un parallèle avec la communauté européenne du charbon et de l'acier, acte fondateur de l'Union européenne qui, à long terme, a débouché sur les accords de Maastricht et sur une union monétaire, avec l'euro pour unique monnaie d'échange. Ceux-là oublient seulement, qu'à l'époque, les échanges intereuropéens n'étaient pas négligeables et que surtout l'Europe n'avait, politiquement et économiquement parlant, d'autre voie de salut que de se tourner vers elle-même. L'Europe avait aussi pour défendre son projet d'intégration, des hommes de conviction et de haute facture qui, à l'instar de Robert Schumann, n'avaient aucune ambition politicienne. Est-ce vraiment le cas pour nos politiques ? Et si, dans un accès d'euphorie et d'enthousiasme, c'était bien le cas, quelle soutenabilité aura aujourd'hui ce projet alors même que certains pays maghrébins se cherchent encore et que d'autres, du même espace, regardent depuis longtemps déjà vers le large , outre Méditerranée et outre Atlantique ? Tout le monde pourtant s'accorde à relever l'important coût du «non-Maghreb» en termes de manque à gagner en croissance pour les pays maghrébins. Tout le monde sait aussi que l'union fait la force et que regroupés dans un seul espace économique, les pays maghrébins auront incontestablement une plus grande force de frappe, du moins une plus grande marge de manœuvre dans leurs négociations avec les autres regroupements économiques régionaux et avec les organisations internationales, l'OMC en tête. Mais parce que justement, ce projet est une entreprise de longue haleine, il y a, au niveau maghrébin, une différence d'appréciation de l'échelle des priorités. Pour le gouvernement tunisien, il serait peut-être un peu plus sage, plus réaliste et beaucoup plus lucide de repenser l'échelle des priorités dans le domaine de la coopération économique internationale.