Le coup d'envoi du 9e Printemps des arts plastiques a été donné, comme à l'accoutumée, au palais Abdellia à La Marsa. L'on a eu droit au cocktail de bienvenue habituel relevé par le son d'un DJ qui s'est installé, à l'occasion, dans le patio de la demeure et par moments, quand la foule le permettait (car il y avait foule), on pouvait entrevoir les déplacements et autres mouvements des danseurs du Ballet Nadia. Des accolades, des retrouvailles, une ambiance festive comme pour souffler le temps de cette rencontre, autour d'un faire tunisien. Mais le hic est que, justement, ça s'arrête là, ne dépassant ni les murs d'une banlieue-nord (La Marsa, Gammarth, Sidi Bou Saïd…) ni l'agenda prévu à cet événement. En dehors de cela et hormis quelques expositions et autres rencontres artistiques organisées dans quelques lieux éparpillés ici et là entre la Médina et quelques espaces culturels, ces événements sont vite oubliés et certains ne bourgonnent pas (contrairement aux pratiques artistiques qui continuent à émerger et à évoluer), car manquant de bonnes structures, de financements et ne comptant (des fois) que sur les différentes motivations individuelles, quelle qu'en soit la nature. Entre-temps, les artistes tunisiens continuent à produire, certains parvenant même, tant bien que mal, à vivre de leur art. Quant au devenir de cet art, de ses modes de réception et de sa diffusion, personne n'a de réponse pour le moment. Le spectre d'une commission d'achat, souvent décriée, semble persister et les changements auxquels s'attendaient la famille , depuis le 14 janvier, tardent à venir. L'artiste continue à exister En tout cas et malgré cela, ils étaient nombreux à exposer (presque 200) cette année, dans les différents espaces: le palais Abdellia, les galeries Sadika, Chérif Fine Art, Ammar Farhat, Saladin, Artyshow. Nous nous frayons un chemin parmi les convives. Première salle assiégée par le public, celle réservée aux travaux de l'atelier de peinture de Mohamed Chalbi et ses élèves. De l'autre côté des murs, on parvenait, tant bien que mal, dans cette asphyxie sociale à voir furtivement les travaux (peintures, photos, installations, etc) de Rabâa Skik, Rania Werda, Mohamed Ben Soltane, Lamine Sassi, Mourad Harbaoui, Tarek Khaledi et bien d'autres encore. Mais ce sont les clichés de Halim Karabibene et les deux installations de Aïcha Filali, les deux invités d'honneur de la session, qui mettent un point d'honneur, non sans sens de la dérision et de l'humour, au combat quotidien de l'artiste. A. Filali, au parcours exceptionnel, nous propose deux installations: «que les yeux pour…coudre» et «torbet La Presse» qui présente une page nécrologique de La Presse agrandie, avec des portraits de personnes anonymes (prises de dos) et tout autour, des ustensiles de ménage: clin d'œil à état de soumission médiocre et de sclérose dont souffraient nos pages, jusqu'à il y a cinq mois. «Avant la moitié du mois de janvier 2011, la plupart des Tunisiens n'ouvraient le journal La Presse que pour consulter la rubrique nécrologique. Cette installation est dédiée à tous ceux que La Presse a enterrés.», note l'artiste. Halim Karabibene, rêveur et nomade pluridisciplinaire, comme le décrit Mahmoud Chalbi, remet au jour, à travers une démarche conceptualisante, ses clichés autour de la chronique du Mnamc et de la cocotte. Le comité populaire pour la protection du musée national d'art moderne et contemporain (Mnamc) de Tunis a été constitué le 19 janvier 2011, inspiré par les comités de protection des quartiers constitués après le 14 janvier 2011. Une forme de sensibilisation ironique à l'inexistence d'un musée d'art moderne. La cocotte, elle est apparue pour la première fois en octobre 2007, comme forme puis comme logo d'un futur et postmoderne musée, pendant une exposition en hommage à feu Faouzi Chtioui. Plusieurs actions symboliques furent depuis réalisées sur le Net et dans la réalité, au nom d'un Mnamc qui n'existe pas ou pas encore. Depuis 19 janvier 2011, la cocotte devient l'armure d'un donquichottesque comité de lutte pour l'existence d'un Mnamc, non plus en 2069, mais en 2011, comme le précise l'artiste dans un texte accompagnant son œuvre. Ce comité est constitué d'un bon nombre d'artistes qui, pelle à la main et cocotte sur la tête, ont rejoint cette cause et qui ont posé pour sa série de clichés. Les autres (surtout les plus jeunes) qui, même ne figurant pas sur les clichés de ce comité pour la protection de la non-existence du musée, aspirent, eux aussi, à l'épanouissement de l'art dans notre pays et c'est pour cela qu'ils continuent à exister... Mais jusqu'à quand? A noter que la 9e édition du Printemps des arts se poursuit jusqu'au 10 juin avec, au programme, peinture, photos, vidéos, installations et autres débats, dans les différentes galeries associées à l'événement: 4 juin Espace Sadika: à partir de 16h00 : free art (performances suivies d'une conférence-débat) 5 juin Palais Abdellia: A partir de 17h00 : match-art (performances) 8 juin Espace Sadika: A partir de 16h00 : vidéo art + open art (performances, musique plasiticos, débat ouvert) 10 juin Palais Abdellia: A partir de 18h00 : cérémonie de clôture, remise des prix "art.