Par Jawhar CHATTY «Le difficile arbitrage entre moyens et attentes ». Laconique et percutante, la formulation ne dépasse cependant pas le stade du factuel. A chaud, et alors même que presque rien ne filtre au sujet des projets de budget complémentaire et de la loi de finances 2012, il est bien normal que l'on se doive de se tenir aux seuls faits et en premier lieu de donner l'information, même si elle est encore partielle. Le temps et le ton de l'analyse s'accommodent, en effet, fort peu avec la précipitation. Rien, toutefois, ne nous empêche d'amorcer quelques pistes de réflexion et de formuler, même à chaud, quelques réserves ! En attendant la mouture finale des textes de loi. Si, en l'occurrence, par « le difficile arbitrage entre moyens et attentes », on entendait simplement traduire un certain état d'esprit qui a présidé à l'élaboration par le gouvernement des projets sus-mentionnés, on ne pourrait que consentir et appuyer le bien-fondé d'un tel arbitrage. Si, en revanche, l'on tient compte des pressions et des tiraillements qui ont marqué, et qui suscitent encore le débat, l'élaboration desdits projets, il serait tout naturellement citoyen de considérer cet arbitrage non seulement impérieux, mais un choix qui devrait être foncièrement et largement consensuel. Les projets retenus n'aggravent sans doute pas l'endettement de la Tunisie, qui se situera à un niveau jugé acceptable de 47% du PIB. Et quand bien même ce serait le cas, un tel endettement serait à la limite tolérable s'il permettait seulement de stimuler exclusivement l'investissement. Seulement, avec un déficit budgétaire prévisionnel de 6.5% du PIB, l'entreprise pourrait être périlleuse. Au risque de solder l'avenir au présent et d'hypothéquer l'avenir des générations montantes. A conjoncture exceptionnelle, des dispositions exceptionnelles, soutient le gouvernement. Soit, un déficit budgétaire de 6.5 % du PIB peut être une disposition ponctuelle et un point de départ pour la relance de l'investissement et de l'économie, mais il ne faudrait en aucun cas maintenir ce taux au-delà de l'année 2012. C'est à ce niveau que le gouvernement gagnerait à développer toute une pédagogie de l'urgence et de la nécessité et qu'il lui revient d'avoir cette audace, à incidence « impopulaire» sans doute, de tenir un discours, ciblé, de fermeté et de rigueur. Les priorités affichées par le gouvernement sont de la toute première importance : création d'emplois, développement régional et lutte contre la pauvreté. Les moyens pour y répondre sont poussés à l'extrême. C'est-à-dire jusqu'à la limite du supportable par les ressources propres du pays, par l'économie nationale et pour le tissu productif privé dont on attend un surcroît d'implication dans la relance et... pour une classe moyenne qui s'appauvrit. Au moment où les recettes se font rares, que le secteur tunisien de l'exportation peine à sortir de son état de convalescence, que l'attractivité du site d'investissement tunisien est aussi incertaine qu'imprévisible à l'image de certaines attitudes d'un autre âge qui offrent une image peu reluisante de la Tunisie, le gouvernement devrait aussi savoir calmer les ardeurs de certains afin de pouvoir être aussi perméable qu'il le prétend aux réelles attentes des investisseurs étrangers et aux soutiens des institutions financières et monétaires internationales. Seuls un discours de vérité et une pédagogie de la patience, fondée sur de réels espoirs de nouveaux horizons de développement, pourraient convaincre l'opinion publique tunisienne du bien-fondé des nouvelles dispositions de la loi de finances 2012, et surtout dissuader ceux qui seraient tentés d'y voir une fuite en avant du gouvernement.