Par Soufiane Ben Farhat Cela se passe à la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba. Une enceinte censée être un haut-lieu de la culture, de la tolérance et de la convivialité. Non, il n'en est rien. Un barbu salafiste enlève et déchire le drapeau national qui représente toute la Tunisie pour le remplacer par un hideux drapeau noir. Une jeune étudiante tente de hisser de nouveau le drapeau national. Elle est sauvagement battue. Trop, c'en est trop. Le laxisme des autorités a laissé faire cette faune de gens en toute impunité. Ayant cultivé un sens arrogant de l'impunité depuis des mois, ils ne reculent désormais devant rien. Des gens manipulés, assurément. Entretenus, forcément. Ils déversent tout le fiel de leurs préjugés contre tout ce qui représente la patrie. Attenter au drapeau national équivaut à injurier profondément tous les Tunisiens. Par-delà leur appartenance ou non-appartenance partisane ou politique. Visiblement, le b a ba du patriotisme est battu en brèche par des professionnels de la manipulation et du fourvoiement. Des jeunes sont ainsi embrigadés, sur fond d'instrumentalisation à des fins crapuleuses et de bourrage de crânes. Le plus grave, c'est que l'on assiste à une inexorable escalade dans le registre de l'agression caractérisée contre la Tunisie et les attributs de sa souveraineté. Le séculaire mode d'être Tunisien, pondéré, tolérant et ouvert, est en danger. Les charges sont adroitement administrées dans un scénario visiblement bien ficelé. Tout cela n'est guère le fruit de quelque malencontreux hasard. La préméditation sous-tend le passage à l'acte. Les martyrs se retournent dans leur tombe. Les générations révolues de Tunisiens ayant façonné ce merveilleux pays au fil des âges aussi. On n'en revient pas. C'est bien au-delà du seuil de l'admissible. Un nouveau palier est atteint dans le registre de l'horreur. Qui dira jamais l'intensité du sentiment d'indignation, de révulsion et de dégoût ressenti face à ces hordes déchaînées de fanatiques ? Les mots ne sauraient traduire l'offense subie. Quelque chose comme les limites suprêmes de la douleur doublée de l'irrépressible sentiment d'humiliation. Certaines coïncidences malheureuses sont révélatrices, comme autant de malencontreux lapsus du temps. Le jour même où un extrémiste attente au drapeau national, on nous parle de la possible partition de la Libye. Il y a péril en la demeure. Le chef du Conseil national libyen de transition, Moustapha Abdeljalil, a mis en cause des Etats du Golfe, en collusion avec des chefs autoproclamés de la Cyrénaïque. Chez nous aussi, certains pays du Moyen-Orient sont en cause. On manipule à souhait. On finance les chapelles obscures. On prend sa revanche sur le modernisme séculaire de la société tunisienne endossée et parachevée par l'Etat national postcolonial. Ici et là, le danger guette. Les finances douteuses de quelques satrapes illuminés sauront-elles pour autant avoir raison de tout un pays ? Soyons clairs : nous subissons les charges et tirs croisés de puissances financières ténébreuses et d'embryons de pays qui n'en sont pas encore au stade de l'Etat ou qui végètent en instance perpétuelle de disparition. Le défi est bien réel. La technologie et les subterfuges de l'argent auront-ils raison de l'anthropologie ? Non, forcément, non. La Tunisie vaincra. La Tunisie l'emportera. Encore une fois. Parce que la vie l'emporte toujours sur la mort.