La foire internationale du livre de Tunis a organisé jeudi dernier une matinée de débats consacrée au thème «Le livre dans les médias». Plusieurs intervenants, des journalistes, des chroniqueurs, des producteurs d'émissions littéraires à la radio et à la télévision tunisiens, égyptiens, koweïtiens et français ont défilé dans la salle des conférences pour parler de leurs expériences parfois de critiques, parfois de découvreurs de talents, et d'autres fois de « passeurs» d'envie et de passion de lire. Deux témoignages retiennent l'attention. Ceux de Caroline Broué, journaliste et productrice radio sur France Culture, et d'Olivier Barrot, journaliste, écrivain, producteur et animateur de télévision connu pour son émission quotidienne «Un livre, un jour», diffusée sur France 3 et TV5 Monde. Leurs démarches sont situées à l'antipode l'une de l'autre. Sur France Culture, radio à petite audience, unique au monde, faisant partie du service public et du réseau Radio France, les émissions autour du livre «donnent du temps au temps», comme le dit Caroline Broué. En trois minutes pile, Olivier Barrot présente son émission dans des lieux choisis selon l'auteur ou les personnages de l'ouvrage, des librairies, des bibliothèques, des cafés, des musées… Ce qui rapproche ces deux professionnels des médias toutefois reste l'art de savoir communiquer la ferveur, l'enthousiasme et l'adhésion à un livre en maîtrisant les outils de travail du journaliste. Faire œuvre de pédagogue, expliquer, simplifier parfois, être clair, limpide, voilà ce qui peut faciliter la transmission des contenus éditoriaux. «Le livre est le point nodal de toutes nos émissions», a rappelé Caroline Broué, qui travaille à France Culture depuis 1998. Elle a évoqué les formes multiples que peuvent prendre ces productions où le livre peut se révéler « sujet » à travers des émissions dites «patrimoniales» présentant les grands classiques et d'autres d'actualité découvrant les dernières parutions et invitant leurs auteurs pour en parler. Même parfois après la fin d'une campagne média autour d'une publication récente. Une «seconde vie» du livre lui est souvent accordée, telle une seconde chance. Le livre devient « objet » lorsque l'émission croise les regards de plusieurs écrivains sur un thème spécifique notamment en relation avec les sciences humaines. Selon Caroline Broué, le reproche fait à France Culture de défendre une littérature dite classique, une littérature élitiste et élitaire semble avoir de moins en moins de raison d'être. «Depuis huit ans, des efforts sont fournis continuellement pour rendre notre radio plus accessible et pour s'inscrire dans une culture vivante qui permettrait au public de mieux comprendre le monde qui l'entoure», fait-elle remarquer. Olivier Barrot ressemble à une voix singulière du paysage médiatique littéraire français. Chaque jour, du lundi au vendredi, il invite les téléspectateurs à partager un plaisir de lecture à travers une miniature de magazine. Il évoque selon le même principe chaque samedi un classique de la littérature mondiale. Et son «Un livre, un jour » s'y transforme en « Un livre, toujours ». Peut-on raconter un bouquin à travers trois minutes? Ou plutôt que peut-on raconter d'un bouquin en si peu de temps? «Beaucoup de choses », répond Olivier Barrot. Il ajoute : «Il faut être très sélectif au niveau du choix des ouvrages, ramasser au maximum sa pensée, présenter quelques voies royales pour donner l'envie de plonger dans une œuvre, offrir une mise en image festive de l'ouvrage…cet exercice, je l'ai fait 4300 fois». Cet exercice est d'autant plus difficile que domine la vie littéraire française un foisonnement chronique. Une surabondance. La sélection qu'élabore Olivier Barrot, qui se définit plus comme journaliste que comme critique littéraire est toujours éclectique. Des sciences humaines, il peut passer à une BD et d'un roman émigrer vers un guide touristique… Dans tous les cas, son souci majeur reste cet immense public francophone et francophile qui le suit depuis le début des années 90. Mais également les auteurs dont il incarne le complice, aimant plus que tout «tirer profit de ce qu'ils semblent vouloir nous dire». Qu'ils soient sous les lumières des écrans cathodiques ou dans l'intimité des studios radiophoniques, les livres ne peuvent plus aujourd'hui se passer des médias. Que seraient-ils sans eux ? Des ovnis : des objets volants non identifiés !