Les phénomènes naturels extrêmes, sous toutes leurs formes (inondations, sécheresse, tornade, cyclone, tsunami, séisme), sont de plus en plus fréquents dans le monde et les dégâts de plus en plus lourds dans les zones urbanisées et agricoles. Les experts internationaux, en l'occurrence le groupe intergouvernemental chargé d'étudier et de suivre l'évolution des changements climatiques, font le constat et prévoient même une augmentation de la fréquence de ces phénomènes et de leur intensité dans les années à venir. C'est au début des années 1990 que la première alerte a été donnée et que l'interaction, pollution industrielle et changements climatiques, a été formellement établie. Il en résulta le Protocole de Kyoto, en 1992, à l'effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et auquel les plus grandes puissances industrielles et polluantes n'ont pas adhéré. En attendant que les politiques changent leur fusil d'épaule, les scientifiques travaillent à mieux comprendre ces phénomènes. A-t-on suffisamment de connaissances scientifiques et technologiques sur les phénomènes naturels extrêmes pour être en mesure de les prévoir à temps et de s'en prémunir? «Malgré les nombreuses études menées sur la question, il n'y a que deux conclusions qui font l'objet de consensus international, la première est l'augmentation de la température de la terre, de +0,5°c à 1°c, et la seconde est la plus grande fréquence des phénomènes naturels extrêmes (inondations et vagues de froid, sécheresse et vagues de chaleur)», explique M. Mohamed Hajjaj, directeur de la production à l'Institut national de la météorologie. Pour le reste, tout le monde travaille sur des prévisions, des scénarios. « Ces sujets sont étudiés par les experts, mais c'est difficile de donner des tendances fiables et précises ». Thèse confirmée en Tunisie Pour cet expert tunisien, la thèse de l'augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles est vérifiée même à l'échelle de la Tunisie. L'historique des statistiques le prouve. Inondations en 1990 suivies de trois années de sécheresse — on avait dû à l'époque évoquer le problème de l'eau et son rationnement —, inondations en 2003, tornade en 2004 (Cap Bon), inondations en 2007 (Sabbalet Ben Ammar), en 2008 (Medjez El Bab), en 2009 (Redayef), puis en octobre 2011 (Medjez El Bab) et début 2012 avec les importantes chutes de neige à Aïn Draham surtout et les inondations de février (Bousalem et Jendouba) et celles de mars (Mahdia et Monastir). Des épisodes successifs, violents et très proches dans le temps, qui ont amplifié les dégâts et aggravé les conditions sociales des populations sinistrées. M. Hajjaj assure que l'exceptionnalité des conditions climatiques s'est traduite aussi par l'augmentation du nombre de jours de pluies : «trois fois plus que la normale au cours du mois de février à Mateur, Nefza, Tabarka, Mallègue..., ce qui a provoqué les crues et les inondations ». Toutefois, le proverbe qui dit que «La nuit tous les chats sont gris» ne s'applique pas au domaine de la météorologie, et la tornade de Mahdia (vidéo) qui a fait le tour des réseaux sociaux n'a pas, en vérité, eu lieu. D'autres ont parlé aussi de cyclone. Il n'en fut rien. Prévisions moins précises au-delà de 48 heures Du côté de l'Institut national de la météorologie, on est formel sur le fait qu'il s'agisse d'une basse pression habituelle et ordinaire pour un mois de mars. « Il s'agit d'une dépression creuse ayant enregistré une baisse de la pression jusqu'à 1005 hpa, c'est tout à fait ordinaire pour un mois de mars, mais ce sont les vents forts (100 km/h à Monastir et à Mahdia et 94 km/h à Djerba), et les pluies importantes (102 mm à Salakta, de 20 mm à 50 mm) dans le Sud-Est, à Sfax et dans le Sahel qui ont provoqué un déferlement des eaux et des dégâts matériels», explique M. Jamel Bouraoui, sous-directeur de l'exploitation à l'INM. Le mauvais temps avait été annoncé quelques jours auparavant, mais le bulletin météo spécial avait été émis 24 heures avant. «Les prévisions les plus précises sont celles qui ne dépassent pas les 48 heures; au-delà, les données sont moins précises et fiables», explique encore l'ingénieur. Le dispositif sophistiqué dont dispose l'INM est un modèle numérique qui affiche les images satellites, les observations et les prévisions sur la base de graphiques qui permettent de suivre l'évolution des zones de haute et de basse pression, des vents, des températures et des pluies. Les prévisions peuvent aller jusqu'à une semaine ou dix jours, ce sont les prévisions de moyenne échéance, mais avec de moins en moins de précision. Selon M. Hajjaj, les phénomènes les plus inquiétants ne sont pas les cas saisonniers, mais ceux que l'on ne peut prévoir que quelques petites heures auparavant, comme c'est le cas des orages d'été et d'automne qui se forment sur place et qui sont parfois très violents. Les inondations sont toujours catastrophiques, mais comme le dit l'autre adage : « A quelque chose malheur est bon » même les inondations auraient un côté positif. Selon M. Hajjaj, il est vrai que des hectares de terres agricoles du Nord-Ouest sont mis hors d'usage à cause des crues, mais, en même temps, d'autres hectares situés dans des zones plus sèches ont été bien arrosés ce qui va permettre de les récupérer et de les exploiter à bon escient. Pourvu que l'équation tombe juste.