Par Mehrez BENSAID* «Toute œuvre d'opposition est une œuvre négative et la négation, c'est le néant. Il ne faut pas renverser, il faut bâtir». Goethe - «Conversations» Dès la composition du gouvernement annoncée par le mouvement Ennahdha, le CPR et Ettakatol, cette Troïka a promis au peuple une politique de «perestroïka» (réformes) afin de sortir notre pays de son embarras. De nombreuses promesses ont été faites et ont engendré parmi notre jeunesse une certaine liesse croyant que la prouesse des dirigeants pourra mettre fin à la léthargie de notre économie. Il est sûr que bâtir l'avenir demande de l'adresse, de l'audace. C'est vrai que nos gouvernants actuels furent longtemps rebelles au régime déchu mais la plupart d'entre eux ont assumé de nombreuses responsabilités dans des partis politiques, des syndicats, des organisations de la société civile aussi bien sur le plan national qu'international. Et malgré tout, on peut admettre comme certains qui veulent les discréditer, bien que certains parmi eux aient fait partie du gouvernement de M. Mohamed Ghannouchi, qu'ils sont inexpérimentés. Mais armés de leur bonne volonté, de leur réalisme et leur patriotisme, ils peuvent réussir. Malheureusement, notre opposition, surtout au sein de la Constituante, au lieu de présenter des propositions constructives et pertinentes, elle se contente de faire des remarques futiles voire abusives en prenant des décisions irresponsables qui vont envoyer sa crédibilité vers la dérive. En effet, choisir la politique des «chaises vides» ne va-t-il pas l'acculer à vivre davantage dans la solitude? Sans doute, après sa déroute lors des élections du 23 octobre, ses prises de position à la Constituante, lui ont-elles provoqué un certain dégoût parmi notre population. Et comment ! Certaines interventions, faites à la hâte, prouvent qu'une partie de cette opposition boite et demeure maladroite et, si elle persévère sur cette voie, elle perdra aux prochaines échéances électorales davantage de voix. Eh oui dans, le dernier sondage, paru dans le quotidien Le Maghreb, nous constatons que la Troïka au pouvoir jouit encore de l'estime d'une bonne partie de nos citoyens, presqu'un sur deux lui fait confiance et les trois partis sont encore sur le podium alors que ceux de l'opposition sont encore à un niveau très bas et ne semblent pas progresser d'un pouce. C'est pourquoi d'ailleurs, les observateurs expriment une certaine satisfaction en voyant cette volonté de fusion se multiplier entre certaines familles politiques dans l'espoir de voir leurs résultats s'améliorer à l'Assemblée et aux municipalités. Toutefois, malgré cette joie, je crois que si la Troïka au pouvoir garde sa foi, sa ferveur, il serait difficile de la battre aux prochaines élections quelles que soient les fusions des partis de l'opposition, surtout que certains de ses responsables historiques, ont du mal à admettre l'idée de délaisser le leadership à quelqu'un d'autre, fût-il un compagnon de route depuis belle lurette. Bien sûr, c'est une question de calcul. La tête de liste pourrait leur échapper et donc la chance de gagner un siège devient minime, c'est pourquoi ils insistent et résistent afin de rester sur la cime. Or, le militant patriote, réaliste doit raisonner ainsi: «Tu es mieux que moi, avance, je me désiste». Oui, qui veut le bien pour sa patrie à travers son parti sacrifie. Sans sacrifice, on ne peut ériger un bel édifice.Effectivement, aujourd'hui, à mon avis, désormais, c'est l'ère des compétents, c'est pourquoi, les militants doivent leur céder la place. Mais ce qui est inacceptable, c'est que de nombreux nouveaux adhérents post-révolution prennent les partis politiques pour un tremplin susceptible de les propulser vers les plus hautes responsabilités, et ce, aux dépens des militants qui ont passé des années et des années à militer pour l'instauration d'un régime démocratique. Voilà pourquoi tous ceux qui n'ont pas obtenu satisfaction ont eu recours aux démissions. Ces novices croient qu'avec de l'argent, ils peuvent tout réussir, s'emparer d'abord des hautes responsabilités au sein des partis et puis accéder par la suite, malgré certains récifs, à des postes-clés dans l'Assemblée et au sein du pouvoir exécutif. Heureusement, la vigilance des ténors leur a causé du tort et a changé leur sort. Et le cas d'Ettakatol surtout est très significatif puisque les démissions enregistrées dans ses rangs, ces dernières semaines, quoi qu'on en dise, ne sont pas toutes spontanées et leur stratagème n'a pour objectif final que de provoquer au sein du parti modéré une grave crise pour le déstabiliser et le discréditer auprès de ses électeurs. Heureusement, leur plan a échoué, et ce, malgré la couverture médiatique dont ils ont bénéficié. Et nombreux sont ceux qui vont le regretter surtout après cette première manifestation politique organisée par Ettakatol, à Tunis, mettant en valeur son attachement ferme au régime républicain et aux droits civiques à propos de l'élaboration de la prochaine Constitution, et ce, malgré les pressions faites par quelques factions politiques siégeant à l'Assemblée ou pas. Effectivement, certains courants religieux ou politiques représentent un certain danger pour notre société mais il faut se mettre à dialoguer avec eux et s'ils ne sont pas disposés à respecter les choix de la majorité, il faut que le gouvernement prenne des décisions fermes et applique la loi afin de dissuader tous ceux qui veulent nuire à notre identité. La liberté a des limites et il ne faut pas être laxiste face à ceux qui se comportent comme des brutes. Respectons-nous les uns les autres, le pays est le nôtre, nous n'avons pas besoin de ces apôtres venus d'ailleurs pour semer la confusion et mettre en péril notre union à travers leur façon de concevoir notre tolérante religion. La société tunisienne a horreur des extrêmes, messieurs dames, notre peuple est modéré et nul ne peut le duper. Alors, consultons les écrits de nos braves savants et si l'on veut vraiment aller de l'avant, chassons ces nombreux charlatans. Les Ben Achour, Djaït, Al Khidr Hassine, pour ne citer que ceux-là, peuvent nous éclairer sur toutes les questions qu'on ne cesse de poser depuis le déclenchement de la révolution, faisons-leur confiance, leur clairvoyance est une chance pour nous. La Tunisie d'Ibn Khaldoun, de Tahar Haddad, de Hached, jamais, elle ne cède, son peuple coriace, jamais, sa tête il ne la baisse. C'est pourquoi, le gouvernement et l'opposition, si quelqu'un représente pour notre cher pays une certaine menace, tous ensemble, contre lui, ils se dressent. Béni soit notre drapeau pour lequel sont morts des milliers de héros qui, vaillamment, ont défié l'échafaud. Et toi brave héroïne, qui as parlé haut en défendant notre drapeau, tous les patriotes te disent bravo ! * (Professeur-Métline)