Par Jawhar CHATTY Le ministre du Tourisme est particulièrement actif. Depuis quelques semaines, il multiplie les missions et les visites de promotion du site tunisien à l'étranger. Ses pas l'ont conduit jusqu'en Russie, en passant par la Turquie, l'Algérie, l'Allemagne et la France… Il ne manquait à son palmarès que le marché afghan ! Il y avait là pourtant une opportunité de gagner en sympathie auprès de quelques Tunisiens. Mais, a priori, le ministre préfère s'en tenir, pour le moment, à un parcours de prospection linéaire. Dixit les contrées «exotiques». Il est plus sage, en effet, de mener campagne en terrains connus et longtemps pratiqués par ses prédécesseurs. De son long périple, le ministre est rentré chargé de plein de promesses, notamment de celle dont il revient à chacun d'apprécier la plus-value et le réel apport au secteur tunisien de l'artisanat, aujourd'hui à genoux : la Tunisie accueillerait 230.000 touristes russes en 2012. Le ministre du Tourisme n'est du reste guère avare en initiatives: le budget alloué à la promotion du tourisme tunisien s'élève, par ces temps de vaches maigres, tout de même à 65 millions de dinars. Mais si le même ministre semble y mettre un peu trop de zèle, c'est en raison de l'obligation de résultat à laquelle il est tenu, en dépit de la situation fort inconfortable de débiteur qui est aujourd'hui le secteur dont il a la charge. C'est à croire que l'on veut l'accabler et le pousser jusqu'à l'épuisement. Les projets de budget et de la loi de finances complémentaires tels que conçus par le gouvernement auquel il appartient, fondent en effet leurs ambitions de croissance pour 2012 tout particulièrement sur les performances du secteur touristique. Conscient du lourd passif et de la complexité d'un secteur très sensible aux humeurs, le ministre doit pourtant savoir que, sauf miracle, il n'est pas raisonnable de fonder ses espoirs de croissance sur des promesses et des prévisions de croissance sur un seul secteur. Et surtout pas sur le tourisme alors même que la conjoncture économique mondiale est pour le moins morose et que le climat dans la région, et en Tunisie, n'est toujours et encore pas à la stabilité et à la sécurité. De deux choses l'une, ou notre ministre est à ce point coriace ou, ce que d'aucun n'ose croire, il est à ce point zélé. Dans les deux cas, il serait mieux inspiré de concentrer toute son énergie débordante sur la promotion et surtout la défense, à l'échelle nationale, de toutes les valeurs de modernité, de tolérance et d'ouverture. Ces valeurs sont les atouts du site tunisien. Quand, dix ans après, un touriste allemand a encore en mémoire les terribles évènements de Djerba, quand un touriste français est «fraîchement» traumatisé par des événements de la même ampleur à Toulouse, il serait un leurre d'espérer un retour de ces touristes en Tunisie aussi longtemps que pour eux l'éventualité d'une réminiscence de ces événements n'est pas exclue. La véritable promotion de la destination Tunisie et de ses valeurs, c'est en Tunisie qu'il faudra désormais l'engager avec fermeté et intransigeance avant d'aller, en grande pompe, à la reconquête d'investisseurs et de touristes. Par chaînes satellitaires interposées, ceux-ci ne voient en Tunisie que des images d'une triste réalité de débordements extrémistes incontrôlés, du moins non contenus. Cette réalité dépasse tout naturellement les prérogatives d'un ministre du Tourisme, aussi coriace et «indépendant» soit-il. Mais ces mêmes attributs devraient l'inciter à mieux aiguillonner le gouvernement auquel il appartient.