• Ils réclament une révision du prix de l'eau destinée à l'irrigation, une baisse des prix des intrants et la suppression des services de la dette. De vieilles revendications toujours insatisfaites et qu'il est grand temps de prendre au sérieux… Ils bloquent les routes, exigent d'être écoutés et revendiquent des droits inaliénables : tel est le mobile du mouvement de débrayage engagé depuis plusieurs jours par les agriculteurs opérant dans les zones irriguées autour de la vallée de la Medjerda. Depuis près d'une semaine, la route du Nord-Ouest est, en effet, le théâtre d'un mouvement de contestation mené par les agriculteurs de Testour qui réclament une révision des prix de l'eau d'irrigation et une annulation totale des dettes à leur passif, en estimant que les lourdes pertes qu'ils ont subies cette année après les inondations qui ont envahi leurs terres sont suffisamment graves pour qu'elles justifient à bien des égards ce mouvement de contestation et de grogne. En somme, il ne s'agit pas d'un simple acte de défense d'un ensemble de droits légitimes, mais d'un véritable cri d'alarme et d'une illustration du désastre que le secteur agricole est en train de subir depuis quelques années. «Le prix des équipements agricoles, des intrants et de l'eau ont tellement grimpé qu'il est devenu inévitable de mettre la clé sous le paillasson et d'arrêter toute activité», a déclaré un agriculteur de Testour, qui a perdu sa production de grenades et une bonne partie de son cheptel pendant les crues de la Medjerda de 2011. Un autre agriculteur opérant dans la même zone estime urgent la suppression de la dette des agriculteurs. Il s'agit d'une vieille revendication des professionnels à laquelle le gouvernement a toujours répondu par la sourde oreille alors que, estime Noureddine Brini, un autre agriculteur de la localité d'El Ogla au Kef, le gouvernement marocain a réagi favorablement à la demande des professionnels du secteur agricole après avoir constaté les dégâts et les dérives qui menaçaient sa survie. Les prix de l'eau ont, en fait, atteint des paliers insoutenables qui obligent les agriculteurs à baisser les bras et à fermer les vannes alors que le coût des intrants agricoles (DAP et ammonitre) ont accusé une hausse vertigineuse avec près de 42 dinars le quintal pour le DAP et 35 dinars pour l'ammonitre. Autre remarque soulevée par Moncef Gmati, un céréaliculteur du Kef, le prix d'une moissonneuse a triplé par rapport au coût de vente des céréales, ce qui montre un écart important entre les coûts de production et les prix à la vente et entraîne, estime-t-il, un préjudice à la fois considérable et insoutenable pour les professionnels. L'Union tunisienne des agriculteurs a depuis de nombreuses années dénoncé les abus du système bancaire qui ne fait qu'aggraver la situation du secteur agricole. L'un des agriculteurs considère que les taux d'intérêt pratiqués jusque-là sont excessifs, en particulier pour les crédits de campagne qui sont accordés sur la base d'un taux prohibitif, intégrant des commissions occultes. Ils en appellent ainsi le gouvernement à prendre ses responsabilités face à la crise que traverse le secteur agricole et exigent plus de transparence dans les circuits de distribution qui ne font que profiter aux intermédiaires et ruinent le pouvoir d'achat du consommateur. Une suppression des services de la dette représenterait pour les agriculteurs le geste minimal attendu de la part du gouvernement. A bon entendeur salut !