Par Néjib OUERGHI Alors qu'il n'a pas encore achevé ses cent premiers jours, le gouvernement de la Troïka se trouve, à nouveau, sur la corde raide, notamment pour ce qui concerne la gestion du lourd et complexe dossier économique. La question des choix, des politiques, des moyens et des réponses à présenter à une population en mal de repères et de certitudes, à des régions intérieures gagnées par le doute et à des jeunes en désarroi, se pose avec insistance. Face aux incertitudes et au flou qui entourent les perspectives économiques de la Tunisie, à l'impossibilité de revoir, de fond en comble, le modèle de développement, qui a montré ses limites, faute aussi de moyens suffisants et de réponses à même de calmer une demande sociale pressante, la marge de manœuvre dont dispose le gouvernement est étroite. Travailler dans l'urgence, non dans la précipitation et l'improvisation, laisser apparaître des signaux qui peuvent restaurer la confiance et stimuler l'activité économique semblent être la meilleure formule pour sortir le pays du marasme et du doute. L'élaboration du budget de l'Etat et de la loi de finances complémentaire pour 2012 a constitué le premier test sérieux pour mesurer la capacité du gouvernement à concocter un schéma de développement cohérent, qui réponde parfaitement aux contingences de la conjoncture, aux exigences de la phase cruciale que traverse la Tunisie sans déstructurer les équilibres globaux de l'économie, ni hypothéquer l'avenir du pays. Sans verser dans un pessimisme pesant, ni dans un optimisme béat, le projet, dont les grandes lignes ont été rendues publiques en début de cette semaine, nous a laissé dans l'expectative. Plusieurs zones d'ombre nécessitent éclaircissements et explications convaincantes pour lui susciter une plus forte adhésion et lui conférer le maximum de chances de réussite. Au premier rang de ces questions figure la nécessité de savoir dans quelle mesure l'élaboration de ce projet, enfanté dans la douleur au regard des arbitrages difficiles qu'il a fallu trouver, répond aux priorités nationales et aux impératifs du progrès social et les programmes et les projets qu'il comporte convergent vers une même finalité : l'intérêt de la Tunisie et de son peuple. A l'évidence, l'hypothèse d'atteindre une croissance positive de 3,5% du PIB en 2012, jugée possible et réalisable, exige la satisfaction de nombreux préalables. Il s'agit, au demeurant, de réunir les conditions objectives pouvant assurer la relance de l'activité économique, via la restauration de la confiance, l'assurance de la stabilité et de la sécurité et le renforcement de la paix sociale. Il s'agit également de faire montre de pédagogie et de volontarisme à l'adresse de l'opinion publique, en tenant le langage de la vérité sur les moyens dont dispose réellement le pays et leur meilleure allocation possible. Cela nécessite, assurément, l'établissement d'une échelle des priorités au niveau des régions intérieures du pays qui demandent une intervention urgente et ciblée en termes de lutte contre la pauvreté, de mise en place des infrastructures de base, d'amélioration des conditions de vie ou de réponse aux demandes d'emploi. Saupoudrer des ressources publiques, de plus en plus rares et difficiles à mobiliser, risque plus de décevoir que de solutionner des problématiques complexes, qu'il est difficile de traiter efficacement par de simples expédients. Ce raisonnement s'applique parfaitement pour le cas des 1000 millions de dinars supplémentaires mobilisés, dans le cadre de ce budget complémentaire, pour stimuler le développement des régions intérieures. Au regard des besoins énormes, des actions à engager dans certaines zones sinistrées par de longues années d'oubli et, plus récemment, par les catastrophes naturelles, et des attentes légitimes exprimées, ne serait-il pas plus judicieux d'entreprendre des actions mieux orientées, pouvant appréhender de façon optimale certains problèmes que d'engager des actions disparates dont les effets induits ne sont pas certains ? Une telle démarche offrirait la possibilité de créer une dynamique durable, là où le besoin se fait le plus sentir sur la base d'une échelle des priorités objective. Il en est de même pour le risque, qu'on espère qu'il sera bien calculé, pris par le gouvernement qui, dans la perspective de stimuler l'investissement public, a accepté de creuser le déficit budgétaire en le portant à la barre fatidique de 6,5%. Ce jeu peut être périlleux au vu des incertitudes qui continuent à entourer le processus de mobilisation des financements nécessaires pour boucler le schéma arrêté. En témoigne le volume important des ressources extérieures d'emprunt non encore identifiées (689 millions de dinars) et le flou qui reste à élucider, notamment, pour ce qui est des financements devant provenir des opérations de privatisation (500 MD) et d'expropriation. Tout faux pas, en la matière, peut se traduire par des risques de dérapage, encore plus graves, du déficit budgétaire, et générer des pressions encore plus fortes qui mettraient à mal les équilibres macroéconomiques du pays. Autant de questions qui méritent, aujourd'hui, des explications et des précisions claires. Cela aiderait certainement à donner un bon signal qui stimulerait la machine de la production , favoriserait une bonne visibilité chez les opérateurs et acteurs économiques, ferait mieux connaître aux régions leurs priorités et offrirait l'opportunité aux citoyens d'apprécier véritablement la portée de certains programmes et projets sur leur vécu quotidien.