• La réticence des investisseurs privés coûte jusqu'à deux points de croissance et près de 35 mille emplois, annuellement. • Chaque avantage est doté d'une espérance de vie, qui pourrait être rétrécie par des changements de la conjoncture, et à terme le remplacement est inévitable. Autrement, l'incitation, qui fut révolutionnaire lors de sa promulgation, sera sans effet, voire générera des contre-performances. Principal moteur de la croissance économique, l'investissement occupe depuis toujours une place de choix dans toutes les stratégies et les plans de développement économique et social de la Tunisie. Depuis la fameuse loi de 1972 jusqu'au Code des incitations aux investissements de 1993, en passant par le Programme d'ajustement structurel de 1986, l'objectif est toujours le même: promouvoir les investissements. Et ce, malgré les conjonctures spécifiques et les priorités de chaque phase. Dans la première, l'objectif est de mettre les premiers jalons d'un tissu industriel, soit une phase d'industrie naissante. La deuxième est marquée par les premiers pas vers la libéralisation du marché domestique. Et pour la troisième, l'objectif est d'asseoir une économie aussi diversifiée que compétitive. Toutefois, les plans, les mécanismes et les dispositifs adoptés, malgré leurs apports, ont montré rapidement plusieurs limites et ont aggravé plusieurs fondamentaux économiques. En effet, chacune des lois est dotée d'une espérance de vie, qui pourrait être rétrécie par des changements de la conjoncture, et à terme le remplacement est inévitable. Autrement, l'incitation, qui fut révolutionnaire lors de sa promulgation, sera sans effet, voire générera des contre-performances. Dernièrement, le Code d'incitations aux investissements a fait l'objet de nombreuses critiques qui remettent en cause son efficacité. D'autres le considèrent comme un outil d'injustice fiscale. Rappelons, à cet égard, que ce Code d'incitation aux investissements a unifié dans un seul document une batterie d'avantages fiscaux et financiers conçus sur la base de deux régimes, exportateurs et autres qu'exportateurs, et plusieurs priorités, à savoir la promotion des exportations, le développement régional, la création d'emplois, la recherche et développement... Cependant, les réalisations des prévisions, notamment en matière de création d'emplois, de développement régional, ou encore l'encouragement de nouveaux promoteurs ont enregistré des écarts défavorables, voire dramatiques pour certaines régions. Plus généralement, les dernières années ont été marquées par une réticence des investisseurs privés qui a coûté jusqu'à deux points de croissance et près de 35 mille emplois, annuellement. Compte tenu de la conjoncture spéciale du pays, la situation risque de s'aggraver, en l'absence d'une relance rapide et soutenue. De toute évidence, la réalisation d'un gap d'investissement privé dans un contexte de généreuses incitations est de nature à remettre en cause toute la batterie d'avantages et de rechercher un nouveau modèle mieux approprié aux spécificités de l'économie nationale, aux nouvelles priorités, ainsi que les orientations politiques du pays. De nos jours, les priorités sont bel et bien connues, les besoins des investisseurs aussi, la réforme annoncée du code n'a qu'à démarrer.