• Des erreurs administratives graves ont ruiné de nombreux projets montés par des artisanes du Kef Elles ont plongé dans un long sanglot et mis leur cœur à nu devant la ministre des Affaires de la femme et de la famille, à l'occasion d'une visite effectuée jeudi dernier par le membre du gouvernement au Kef. Des artisanes, la mort dans l'âme, ont pleuré longtemps à cause de nombre de défaillances administratives qui les ont ruinées économiquement et détruit leur vie familiale. Aziza Chebi, artisane au Ksour, Houda Mdini, artisane à Sidi Medien au Kef-Est, et bien d'autres artisanes ont reconnu que l'Etat les a totalement détruites au point qu'elles ont perdu tout espoir de vie, en dépit des multiples plaintes qu'elles ont déposées çà et là pour réparer le préjudice moral et matériel qu'elles ont subi au cours de leur vie professionnelle à cause d'un manquement de l'Etat à ses engagements. Aziza a monté un projet de textile et de tissage au Ksour et faisait travailler une dizaine de jeunes filles qui tiraient l'essentiel de leurs revenus de cette activité. Elle a reçu une commande de drapeaux algériens provenant du conseil régional, preuve à l'appui. Mais hélas ! Après achèvement de la besogne et l'avènement de la révolution, la commande est restée lettre morte et la marchandise est toujours là et attend preneur. Elle a contacté les responsables du gouvernorat mais n'a obtenu ni réponse ni réparation matérielle, avant de mettre la clé sous la porte et de s'en remettre au bon Dieu. Autre malheur concomittant. Elle a reçu une commande de tee-shirts et autres brassards de l'équipe de Dahmani. Néanmoins, elle n'a reçu aucun sou et a dû s'en remettre également à son mauvais sort qui l'a poursuivie tout au long de 2011. Elle a perdu plus de six mille dinars d'un seul coup, ce qui représente assez pour une artisane de son genre et pour une mère de famille qui a consenti tous les sacrifices pour permettre à sa fille de poursuive des études supérieures. Houda a, à son tour, dépensé près d'un quart de milliard de nos millimes, selon ses propos, pour monter un projet intégré dans la zone de Sidi Medien. Elle a dû également confronter son mauvais sort après que l'Office de topographie et de cadastre eut commis une erreur d'inscription de son titre foncier. Bien que gardant les pieds sur terre, elle ne comprend pas comment un tel établissement public puisse agir de la sorte et donc participer à la ruine de son projet. Ne désespérant nullement, elle continue de se battre sur plusieurs fronts pour obtenir gain de cause. Elle détient un diplôme de technicien supérieur et une attestation de fin de stage délivrée par la pépinière de création d'entreprises du Kef qui l'a encadrée durant un an pour une formation en matière de gestion de projet. Mais ces artisanes ne sont pas les seules à être passées sous les fourches caudines de l'administration et avoir subi de telles injustices. De nombreuses autres artisanes ont relevé plusieurs autres abus. Il n'y a qu'à regarder le nombre de paperasses que l'on exige pour contracter un crédit pour comprendre à quel point l'Etat met les bâtons dans les roues devant les professionnels du secteur. Le directeur régional de l'Office national de l'artisanat du Kef a indiqué, à ce sujet, que 26 documents sont nécessaires pour établir un dossier de crédit: une aberration selon une artisane, un non-sens selon un tisserand et un frein au développement régional selon le responsable régional. Au Kef, près de 6.500 artisans sont détenteurs de carte professionnelle. Mais force est de constater qu'un problème structurel se dresse en barrière inévitable à l'essor de ce secteur, au demeurant pourvoyeur d'emplois. D'abord, l'on signale l'absence d'un comptoir régional de vente de matière première, mais aussi d'un centre de collecte de la production. Pire encore, l'Etat accorde des aides aux artisans participant aux salons internationaux mais ne le fait pas sur le plan intérieur, ce qui représente une incohérence dans le système et un dysfonctionnement administratif. Il va de soi que l'Etat est appelé à revoir sa stratégie à ce niveau et de mettre en place de nouveaux avantages pour encourager la libre initiative et permettre aux artisans de poursuivre leurs activités. Heureusement, la ministre s'est montrée coopérative, compréhensive et sensible aux problèmes de ces artisanes qui ont, leur vie durant, milité pour une bonne éducation et une instruction de leurs enfants. Peut-on encore les laisser abandonnées ? A bon entendeur, salut.