Ils sont venus de tous bords et se sont donné rendez-vous, hier, devant le théâtre pour soutenir les journalistes et les agents de la radio et de la télévision tunisienne, criant haut et fort leur refus de les voir perdre leur indépendance et devenir l'instrument d'un quelconque parti ou d'un particulier du secteur privé. Après avoir entonné l'hymne national, les manifestants ont scandé plusieurs slogans : « Le peuple désire des médias libres et indépendants », « Non à la privatisation de la télévision », «La télévision n'est pas à vendre», «Ni peur, ni terreur, la télévision, bien du citoyen ». Venus manifester leur solidarité avec les journalistes de la télévision, des militants des partis El Massar et El Joumhouri n'ont pas manqué de dénoncer la violence du sit-in qui s'est tenu pendant plus de cinquante jours devant le siège de la télévision tunisienne et qui a rendu difficiles et éprouvantes les conditions de travail des journalistes, confrontés tous les jours aux railleries et aux provocations verbales des sit-inneurs. « Je trouve les revendications des sit-inneurs infondées, souligne une citoyenne venue apporter son soutien aux journalistes. Les journalistes sont en train de présenter une information exhaustive et variée. Le contenu du programme de la télévision nationale s'est nettement amélioré depuis le 14 janvier. Ils font des reportages intéressants, parlent des problèmes de société... Ces gens qui se trouvent devant le siège de la télévision sont payés pour faire du grabuge et empêcher les gens de travailler. Ce qui est inacceptable, ce sont les agressions verbales auxquelles ont été exposés les journalistes. Certains sit-inneurs ont même porté atteinte à leur intégrité physique ». La question d'une éventuelle privatisation de la télévision nationale a, par ailleurs, été critiquée par beaucoup de manifestants qui jugent une telle idée inacceptable dès lors que la télévision est un service d'utilité publique dont l'indépendance doit être préservée afin de ne pas devenir un outil au service de tel ou tel. «L'information doit être libre, neutre et objective, observe Selma, ingénieur exerçant en France. Placer la télévision sous le contrôle d'une personne ou d'un groupe reviendrait à lui faire perdre son caractère neutre, objectif et indépendant, et constituerait une menace pour la liberté d'expression, car nous aurons alors affaire à une télévision qui travaille pour les intérêts d'un parti ou d'une personne en particulier»... Un directeur de production travaillant à la télévision ne cache pas sa colère et critique le fait que le parti au pouvoir ait songé à l'éventualité de privatiser la télévision sans se concerter avec les professionnels et les gens du métier alors que leur avenir en dépend. «La télévision n'est pas à vendre, a affirmé ce dernier. On parle d'une télévision qui était inféodée à l'ancien pouvoir et qui, par conséquent, a besoin d'être assainie. Nous n'étions pas les seuls. Beaucoup de médias, sinon la majorité, étaient au service du pouvoir. Au lendemain de la révolution, les journalistes ont affiché une réelle volonté de se débarrasser de leurs chaînes et de redonner un nouveau souffle à la télévision tunisienne. Depuis le 14 janvier, ils ne cessent de fournir des efforts pour apporter une information objective et neutre, dans le souci de refléter les préoccupations du citoyen».