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Celse, ou la critique du christianisme
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 05 - 2012

Il faut sans doute se figurer parfois l'état d'incrédulité dans lequel ont pu se trouver les notables de l'empire romain en voyant l'avancée dans les provinces d'une religion qui n'était, de leur point de vue, qu'une secte issue elle-même d'une religion professée par un peuple oriental sans grand prestige et coutumier de la servitude et de l'exil. Cette «secte», le christianisme, dont le fondateur connut pour eux un triste sort, puisqu'il a été crucifié, voilà que ses adeptes croissaient à la faveur de conversions nombreuses, qui n'épargnaient ni les petites gens ni certains esprits d'envergure... Les défenseurs de la tradition romaine et de son panthéon avaient, pour ainsi dire, bien raison de se faire du souci. En 380, l'avancée de la nouvelle religion était telle qu'un édit, signé de la main de l'empereur lui-même, énonçait : «Tous les peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l'apôtre Pierre, (...) c'est-à-dire la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit». Cet «édit de Thessalonique» inversait l'ordre des interdictions et même des persécutions : désormais, le christianisme devenait religion de l'empire tandis que les autres cultes, les cultes «païens» d'autrefois, exposaient leurs adeptes aux vexations et aux poursuites... On sait en effet que la période qui sépare l'apparition de la religion chrétienne en terre de Palestine et le règne de Théodose Ier, l'empereur signataire du décret en question, est une période qui a été marquée par des épisodes de persécution plus ou moins sanglants. Cela correspond à des moments où la lutte contre le christianisme prend une tournure désespérée : la sévérité des lois et la rigueur implacable de leur application deviennent le recours face à une religion dont on ne voit plus par quel autre moyen on peut la réduire. C'est vers le début du IVe siècle, sous Dioclétien, que les Chrétiens font l'objet de l'action de persécution la plus vaste et la plus systématique. Il s'agit à vrai dire de la dernière action menée par l'empire romain contre une religion perçue alors comme contraire à la cohésion de l'ensemble, éloignant ses adeptes du culte civil qui rassemble autour de la figure de l'empereur et de ses représentations symboliques... Peu d'années après Dioclétien, en effet, Constantin arrive au pouvoir : il se convertit lui-même à la nouvelle religion et met ainsi fin aux persécutions, aussi bien physiques d'ailleurs que celles qui usaient de l'invective et de l'insulte. Mais avant Dioclétien, bien d'autres épisodes ont existé. Or il faut savoir que la lutte de l'empire romain contre le christianisme n'a pas toujours eu cette forme violente. Elle a eu également lieu sur le terrain des idées, même si, comme les historiens le supposent, les traces de cette lutte se sont un peu perdues après le triomphe du christianisme comme religion d'Etat: on ne tenait pas à les garder !
Zamolxis, Pythagore et Rhampsinit...
Le personnage de Celse, à ne pas confondre avec un homonyme médecin, illustre cette forme de lutte. Il est l'auteur, en l'an 178, d'un texte intitulé « Le discours véritable », qui n'a d'ailleurs pu être sauvé que grâce à la réponse qui lui est faite par un certain Origène — personnage marquant par ailleurs — et dans la mesure où cette réponse se présente comme une discussion point par point qui reprend en les reproduisant fidèlement les thèses de Celse avant de les critiquer. Le livre adopte une stratégie d'attaque qui permet de se faire une idée de la façon dont l'intellectuel romain appréhendait à cette époque le phénomène des religions monothéistes et de leur surprenante expansion. Il y a, écrit-il, une logique de séparation dont le christianisme hérite du judaïsme, sous prétexte d'une sagesse supérieure par rapport aux autres nations et aux autres religions. Or, argumente Celse, il n'y a rien dans l'enseignement du christianisme qui ne puisse être ramené aux doctrines des philosophes. Pour lui, les emprunts sont manifestes sur différents points... En outre, l'auteur latin croit déceler certains artifices utilisés par d'autres pour faire illusion, si on peut dire. Le thème de la résurrection le troisième jour, fait-il valoir, est une astuce déjà utilisée par des personnages comme Zamolxis, Pythagore et Rhampsinit. Il s'agit en gros de se cacher dans quelque endroit comme une caverne, de se faire passer à grand bruit pour mort puis de réapparaître. Au sujet des miracles, l'idée est que ce sont des fictions. Mais il admet cependant que pour certains ce puisse ne pas être le cas et, dans cette hypothèse, cela voudrait dire que Jésus aurait eu les mêmes pouvoirs que ceux qu'on observe en Egypte et ailleurs parmi ces gens qui s'adonnent à l'art de la magie... Par conséquent et pour toutes ces raisons, nous serions en présence d'une forme de prétention, et cette prétention serait entièrement injustifiée...
Face à la religion civile
Celse n'hésite pas non plus à puiser dans les raisons invoquées d'une part par les Juifs pour contester l'autorité des Chrétiens, d'autre part, dans celles qui sont invoquées par les Chrétiens eux-mêmes, dans la mesure où ils se sont divisés en différentes sectes qui s'affrontent entre elles. Ce qui rend possible de souligner dans le même temps l'esprit de sédition qui gouverne cette religion. A quoi il ajoute le thème du manque de gratitude à l'égard des bienfaits de la Nature... Mais l'argument qui semble revêtir la plus grande importance est celui qui se rapporte à l'aspect politique...
Il convient de s'arrêter ici un moment pour rappeler quelle forme avait pris la question du lien entre politique et religion à cette époque de l'empire où, à travers les territoires sous domination, cohabitaient des traditions fort différentes. Il s'agissait d'abord de maintenir toutes ces religions locales ou nationales, pour autant du moins qu'il ne s'agissait pas d'innovations récentes et qu'elles constituaient elles-mêmes des facteurs de stabilité pour les populations. Il s'agissait ensuite, à partir des doctrines philosophiques connues, de développer le principe d'une sorte de religion naturelle, qui traverserait les traditions dans leur diversité, celles-ci n'en étant, pense-t-on, que des expressions imagées. Puis, troisième figure, il s'agissait à partir de cette religion naturelle, d'instaurer, par-dessus les traditions locales, un culte qui serait voué à la personne de l'empereur et qui permettrait, aux yeux des concepteurs de ce système, de compenser l'éclatement religieux des pratiques anciennes par l'unité d'une « religion civile ». Ce qui laissait supposer une forme de divinisation du prince, à la façon des Pharaons dans l'Egypte antique, sur fond toutefois de diversité religieuse: tel est le syncrétisme romain.
Patriotisme céleste, patriotisme terrestre
C'est dans ce compromis savant que ni le judaïsme ni, encore moins, le christianisme ne voulaient accepter de prendre place pour jouer docilement le jeu. Or l'accusation de sédition et de séparatisme politique n'a pas empêché cette nouvelle religion de poursuivre son avancée. Il faut souligner aujourd'hui que Celse a négligé de considérer la capacité du christianisme, par delà son côté séditieux, à produire de l'unité : de l'unité dans ses propres rangs à travers la lutte contre les « hérésies », de l'unité avec la tradition dont il est issu en se rattachant à d'anciennes prophéties bibliques et en reprenant à son compte « l'Ancien Testament » et, enfin, de l'unité avec les populations païennes en s'inscrivant dans un projet universel d'instauration d'un royaume de Dieu sur terre, selon la vision messianique d'Isaïe. C'est fort de cette capacité particulière que la nouvelle religion, non seulement résistera aux critiques, mais s'imposera finalement comme alternative en tant que modèle religieux pouvant assurer l'unité au sein du vaste empire.
Bien sûr, l'universalisme propre au monothéisme a constitué une ressource dont les religions païennes sont dépourvues. Mais cela ne manquait pas de présenter un inconvénient du point de vue de la conservation de l'empire face aux ennemis extérieurs et, lorsque les premières attaques germaines commenceront à ébranler l'édifice, de nouvelles critiques apparaitront parmi ceux qui restaient fidèles au modèle païen : la patrie du Chrétien, disait-on, est dans le ciel, celle qui est sur terre, il ne sait pas la défendre... La réponse à cette nouvelle critique sera plurielle, dans les siècles qui suivent la chute de l'empire romain. Y compris pour le monothéisme dans son ensemble, d'où surgira en Orient une troisième branche : branche pour laquelle le souci de la patrie céleste et celui de la patrie terrestre entament un nouveau rapport.


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