«La laïcité n'est pas l'athéisme. Elle n'est ni contre l'Islam ni contre aucune religion», insistait, vendredi dernier, Henri Penaruiz, écrivain et philosophe, à l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC). Cette conférence, intitulée «Nouveaux enjeux de la laïcité», a été organisée dans le cadre du programme «Religion et processus de démocratisation dans le pourtour méditerranéen», dirigé par Chérif Ferjani. Par définition, la laïcité désigne la séparation entre le politique et le religieux. «Cela ne veut pas dire que ce processus exclut la croyance, mais, au contraire, il la protège contre toute oppression, au même titre que la non-croyance», explique le philosophe. La pensée laïque a répondu à une question essentielle à la survie d'une communauté aux diverses cultures, en France, en particulier : comment peut-on vivre ensemble en se respectant et en se reconnaissant dans un même Etat civil ? Comment peut-on assurer l'égalité des droits tout en préservant les diversités ethniques ? Comment définir les règles fondamentales pour vivre ensemble? Comment construire un peuple avec des traditions diverses ? «Dans un Etat laïque, il y a de la place pour tout le monde. Le cadre juridique garantit l'unité de vivre ensemble à partir de la diversité », affirme encore le conférencier... Mais cet exemple de laïcité peut-il être appliqué dans un Etat d'une culture et d'une croyance «homogène» qu'est l'Islam ? Henri Penaruiz élargit son éventail de recherche pour englober toute l'Humanité. Sa vision est particulière et surtout pertinente. Pour lui, les êtres humains sont les mêmes dans tout le globe. «Mais à force de s'enfermer dans la différence, ils oublient leur ressemblance», précise-t-il. Ce qui fait leur union, c'est la raison. L'homme pense, se cultive et prend soin de lui-même pour atteindre le meilleur de soi. A ce stade de la réflexion, le philosophe se heurte à deux concepts de la culture : le premier veut que la culture soit dynamique et qu'elle consiste à transformer la nature et la pensée humaines. Dans l'autre, elle est figée et elle est constituée d'un ensemble de traditions transmises par générations et qui font perdurer la soumission. Comment alors ces êtres de raison s'adaptent-ils à cette culture hybride qui est en eux ? La laïcité n'est pas propre à l'Occident «Il faut rappeler qu'en Occident le sang a coulé à flots, avant que la démocratie ne soit imposée», avance Penaruiz. Et d'ajouter : «Les trois religions monothéistes engendrent leur propre fanatisme et leur propre terrorisme», ce qui a engendré les critiques, voire les révoltes, à travers les siècles. Avicenne impose un travail d'interprétation au texte sacré et Spinoza va jusqu'à mettre en cause la doctrine du peuple élu, mentionnée dans l'ancien Testament, et à la base de laquelle Israël continue sa politique de colonisation de la «Terre promise». Jusqu'à aujourd'hui, « cette injustice fait des Palestiniens des éternels exilés dans leur propre terre», relève-t-il... Plus tard, les femmes de France se sont révoltées contre la notion «machiste du chef de famille», inspirée par les catholiques, ainsi que pour leur droit au vote... «L'être humain se construit à partir de l'idée de la liberté. On porte en soi le germe de la résistance», explique encore le conférencier. Selon lui, l'émancipation est au cœur de la démocratie. Une émancipation synonyme d'autonomie et d'indépendance, qui ne sont autres que les principes de laïcité sur lesquels doivent se baser toutes les lois. «Certes, la liberté n'est pas le droit de faire tout et n'importe quoi et la démocratie n'est pas l'anarchie», ajoute-t-il. Cela conduirait, selon lui, à la loi du plus fort et à un retour certain à la tyrannie. Le respect de l'Autre est essentiel. Libre à chacun de faire ce qu'il veut, de pratiquer, s'il est croyant, sa religion à sa guise, pourvu qu'il respecte la liberté des autres à être ce qu'ils veulent et à choisir leur vie, sans violence. Pour ce philosophe, la laïcité est la neutralité de la puissance publique. Elle n'est pas propre à la France ni à l'Occident. Elle est loin d'être un principe de colonisateur qui croit à la supériorité et à l'universalité de sa culture, mais plutôt un idéal humanitaire qui rejette les lois autoritaires s'imposant à tous sans aucune considération personnelle. «Et comme a dit Rousseau : Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi mais pour étudier l'homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin», a-t-il conclu.