Sur la base des données objectives et des intentions réelles d'investissement, dans toutes les régions, l'Agence de promotion de l'investissement agricole (Apia) estime que le montant des investissements dans le secteur primaire dépassera 500 millions de dinars au titre de l'année 2012. Il s'agit de nouvelles créations ainsi que d'extensions et de renouvellement des équipements. De l'héliciculture à l'aquaculture et l'apiculture en passant par les produits classiques, notamment l'huile d'olive et les dattes, sans oublier la liste des services liés à l'agriculture, le secteur offre d'énormes potentialités d'investissement. Pour identifier les créneaux porteurs qui se placent au premier rang des priorités et qui bénéficient d'une plus large liste d'avantages, on s'est entretenu avec M. Mohamed Hadj Kacem, directeur central de la promotion à l'Apia. D'emblée, il précise que «toutes les études sectorielles démontrent de larges potentialités dans toutes les filières». Et d'ajouter: «On n'encourage pas une filière au détriment d'une autre». Ainsi, on en déduit que les efforts de recherche et de valorisation menés pour toutes les activités agricoles, même celles qualifiées de classiques ou traditionnelles, pourraient générer de meilleures performances et créer une nouvelle valeur ajoutée, par une meilleure allocation des ressources, l'ajout de composantes additionnelles ou l'application d'une nouvelle technique. Donc, la promotion du secteur, selon le DC, ne signifie pas la focalisation des actions et des budgets sur quelques branches agricoles ou quelques marchés extérieurs. Pour cette année, «des efforts seront axés sur la promotion de la qualité de la production agricole». Cette qualité est la seule garantie pour l'écoulement des produits sur les marchés extérieurs et intérieurs. Ce dernier marché «évolue de la même façon que ceux d'ailleurs. Et les consommateurs tunisiens méritent une meilleure qualité», estime-t-il. Toutefois, le DC signale que certains produits phare occupent une place de choix dans les stands tunisiens lors des salons et des foires internationaux. Il s'agit des produits classiques, à savoir «l'huile d'olive, les produits de la mer et les dattes», énumère-t-il. Outre ces produits, la Tunisie dispose d'énormes marges de progression dans certaines activités. «Les produits biologiques tunisiens se limitent à ceux de la production végétale, notamment la culture maraîchère, alors que le champ du label bio s'étend à d'autres produits transformés», explique-t-il. De même, d'autres secteurs qu'on estime saturés, à l'instar de l'aquaculture, offrent de réelles opportunités. «Le Tunisien consomme 10 kg de poisson par an, alors que la moyenne dépasse 50 kg sous d'autres cieux», précise le responsable. Donc, l'évolution prévue des habitudes de consommation du Tunisien est en elle-même un véritable levier pour le secteur. Toutes filières confondues, le dispositif d'encouragements accompagne les investisseurs avant, au cours et après la réalisation de leurs projets, respectivement par l'exonération des revenus investis, la subvention des enveloppes misées et l'exonération des retombées de l'exploitation. Sous le signe du partenariat A vrai dire, la précocité des récoltes et la disponibilité d'une main-d'œuvre peu coûteuse drainent des investissements directs étrangers non négligeables. Pour ce faire, la mission de l'Apia ne se limite pas à l'octroi des avantages financiers et fiscaux institués par le code d'incitations aux investissements, mais concerne aussi l'identification des opportunités d'investissement et leur concrétisation par les opérateurs privés tunisiens et étrangers. «Pour ce faire, l'approche consiste en la mise en relation d'opérateurs tunisiens avec leurs homologues étrangers en vue de promouvoir les projets de partenariat et les échanges commerciaux», explique le directeur. En effet, la nouvelle approche de l'agence paraît plus agressive. Les compétences de l'Apia s'engageront dans un long processus de démarchage, d'une part avec les agriculteurs en vue de les inciter à investir, et d'autre part avec les investisseurs étrangers en quête de partenaires. «L'année 2012 sera placée sous le signe du partenariat», rappelle-t-il. On apprend que les résultats encourageants des premières journées de rencontres B2B ont incité les responsables à programmer d'autres rendez-vous d'affaires. Sans oublier l'organisation de manifestations économiques, de séminaires, de journées d'information et de rencontres de partenariat, ainsi que la participation aux foires et aux salons spécialisés en Tunisie et à l'étranger. Le Salon de l'industrie agroalimentaire de Tunisie (Siat) est devenu une référence régionale. «La participation des exposants étrangers est motivée par la présence de représentants de plusieurs sociétés maghrébines et africaines», vante le directeur. Les partenariats sont de nature à ouvrir des issues sur les marchés extérieurs et fournir à l'exploitant national la maîtrise de nouvelles techniques. Par ailleurs, bien que les investissements aient affiché une hausse de 6% en 2011 par rapport à 2010, sans compter les sociétés de mise en valeur, il convient de rappeler que la lourdeur administrative est de nature à dissuader les investisseurs. Selon les chiffres de l'Apia, 50% de ceux qui déclarent leurs investissements déposent des dossiers pour la décision d'investissement ou l'octroi d'avantages. Ils se contentent probablement des avantages fiscaux, automatiquement accordés. Le seuil de rentabilité des exploitations En Tunisie, on compte 600.000 exploitations agricoles. Par une simple multiplication du nombre de postes à créer dans chacune des exploitations on démontre facilement le potentiel d'employabilité du secteur. Sans compter les postes de saisonniers. Mais ces calculs ne peuvent se traduire en réalité que si ces exploitations génèrent une rentabilité financière suffisante. Ce qui n'est pas le cas. En effet, 80% des exploitations agricoles ne dépassent pas 5 ha. Avec de telles superficies, ces terres, bien qu'elles soient à haute productivité, ne permettent pas d'atteindre le seuil de rentabilité. D'ailleurs, l'acquisition d'un tracteur n'est rentable que pour une superficie dépassant 10ha. De même, on ne peut pas prévoir de bénéfices pour l'exploitation de 2 ha de céréaliculture. Il en faut au moins 20ha. Ce manque de rentabilité dissuade un bon nombre d'exploitants qui chercheront des emplois salariés et délaisseront ce capital terre marginalisé. C'est l'émiettement des superficies par l'héritage qui a conduit à une telle parcellisation. En 1960, la superficie moyenne était de 16 ha, de 10ha en 2004 et presque la moitié, aujourd'hui. A cela s'ajoutent l'infertilité des terres et la cherté des ressources hydriques. En effet, l'indicateur de fertilité des terres est largement inférieur à ceux des pays concurrents, et même du seuil minimum pour produire. Selon les standards scientifiques, la terre doit disposer au minimum de 1% de matières organiques. Nos terres en sont seulement à 0,5-0,7%. En revanche, les terres au bord du Nil, en Egypte, sont à près de 5%. Face à un tel gap, les agriculteurs sont contraints d'apporter plusieurs amendements et engrais chimiques qui contribueront, davantage, à l'appauvrissement des sols. Les pertes se feront sentir sur plusieurs années. Et pour rattraper 0,1 point, il faut des années de travail. Pis, il n'y a pas de politiques sérieuses pour préserver ce capital pour les générations futures. Cette exploitation intensive et l'appauvrissement continu des sols ont généré une situation critique : 2 millions d'ha de terres agricoles, sur une superficie globale de 5 millions d'ha, sont menacés d'érosion.