Par Soufiane Ben Farhat Encore une fois, le torchon brûle entre le gouvernement et la centrale syndicale. Le communiqué de l'Ugtt, publié avant-hier à l'issue de la réunion de son bureau exécutif élargi, en dit long là-dessus. Le ton est incisif. Les dirigeants syndicaux affichent leur détermination à défendre les travailleurs. Et pour cause. On leur propose une année blanche, sans augmentation salariale. L'Ugtt considère cela comme une tentative de faire supporter aux seuls travailleurs les affres de la crise. Elle suggère aussi la mise en place d'une feuille de route en vue de mettre fin rapidement à la deuxième phase de transition. Et préconise la promulgation de nouveaux textes de loi régissant la vie politique. Encore une fois, la tension est dans l'air. Les fondamentaux de la politique sont encore en apprentissage à l'ère de la Troïka gouvernementale. On a peine à croire que les mêmes contradictions, tensions et confrontations perdurent après la Révolution. Le pouvoir est toujours aux prises avec la société civile. Cela se vérifie notamment avec les syndicats et des instances associatives représentant certains corps de métiers. Ainsi en est-il du Syndicat national des journalistes, de l'Association des magistrats ou du Conseil de l'ordre des avocats. On a l'impression que le pouvoir campe les mêmes positions, comme si la Révolution n'a pas eu lieu. Comme si l'alliance gouvernementale n'était pas issue de partis ayant subi eux aussi les affres de la répression. Est-ce à dire que les révolutions s'en vont et que le pouvoir demeure ? Difficile d'y souscrire même si tout porte à le croire. En tout état de cause, on a observé la crispation de la Troïka avec l'Ugtt dès l'avènement du nouveau pouvoir. Avec des pointes, des hauts et des bas, certes. Mais surtout avec des tensions. Le grand problème de la Troïka à cet effet est l'absence en son sein d'un interlocuteur ayant en charge le dossier de la centrale syndicale. Il y a bien M. Khalil Zaouia, le ministre des Affaires sociales. Il jouit d'un respect certain auprès des milieux syndicalistes et progressistes en général. Lorsque, il y a quelques mois, trois ministres s'étaient rendus dans la région du bassin minier de Gafsa, ils en avaient été chassés, hormis M. Zaouia. Mais ce dernier a précisément en charge le dossier des négociations avec l'Ugtt, avec ses incontournables surenchères et tensions. L'autre fait frappant de ces derniers jours, c'est la réémergence de la tension entre l'Ugtt et le seul gouvernement. D'ordinaire, ce dernier est cantonné dans un rôle d'arbitre dans les joutes et les échanges entre les syndicalistes et les patrons représentés par l'Utica. Tout au plus intervient-il au premier degré dans les pourparlers ayant trait à la Fonction publique. Or il monte de plus en plus au créneau ces derniers temps. Ce qui n'augure de rien de bon. Les connaisseurs des arcanes de la politique tunisienne le savent. Depuis l'indépendance en 1956, toutes les fois que le pouvoir s'est retrouvé en difficulté, il s'est retourné contre l'Ugtt. Et l'Ugtt est sortie revigorée de chaque confrontation avec le pouvoir. Même s'il lui arrive de mordre la poussière et consentir de lourds sacrifices. On a eu peut-être le tort de croire que ces mauvais réflexes spontanés du pouvoir étaient révolus, Révolution oblige. Mais, chassez l'irrationnel, il revient au galop. Avec ses risques et périls.