L'idée du syndicat, en tant que courroie de transmission du parti, est révolue. A l'origine, cette conception a été celle des régimes dictatoriaux à parti unique, le parti au pouvoir, qui avait sous sa coupe le seul syndicat des travailleurs détenant sa légitimité de ce même parti dont il était le fidèle porte parole. Le syndicat modèle en l'occurrence, fut celui du parti communiste en URSS. La CGT en France a essayé au départ de suivre le modèle russe, sauf que le système français est plurisyndical. Ce fut la raison pour laquelle, la CGT, depuis la chute du communisme a cessé d'être la courroie de transmission du parti communiste, et a été obligée de procéder à la révision de sa stratégie et son programme de lutte syndicale. En Tunisie la lutte syndicale a commencé depuis 1920, avec M'hamed Ali qui a pensé à créer la Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens. Chez ce fervent syndicaliste, les problèmes des travailleurs tunisiens le tenaient à cœur, surtout dans le contexte du colonialisme, où ils étaient défavorisés et lésés dans leurs droits, par rapport aux travailleurs étrangers. Aussi les revendications étaient-elles liées plus au politique qu'au social, raison pour laquelle les membres du parti du Destour à l'époque estimèrent qu'elles étaient inopportunes. Ils n'avaient de ce fait ni aidé ni encouragé M'hamed Ali Hammi. Bien plus, celui-ci ayant été taxé par certains d'entre eux de communiste, se trouva dans l'obligation de se désister et déçu, il retourna à Istanbul. Vers 1930, Gnaoui revint à la charge, avec la création d'un autre syndicat. Mais il sera découragé par les leaders politiques de l'époque qui le taxèrent aussi de communiste l'acculant à abandonner son action pour laquelle il était pourtant très enthousiaste. Ce fut suite à la scission du parti du Destour que les leaders du nouveau parti ,le Néo Destour, ont contribué peu à peu à la création en 1942 de l'UGTT, car le premier secrétaire général de ce syndicat purement tunisien, que fut Farhat Hached, contribua aussi bien à la lutte syndicale qu'à la lutte politique contre le colonialisme. Ce fut la raison pour laquelle il a été dans le collimateur des autorités coloniales jusqu'au jour où il fut assassiné, dans des conditions restées certes mystérieuses, sans pour autant écarter la complicité de la « main rouge » organisation pro colonialiste qui avait déjà fait ses preuves en Tunisie dès les années 1940, et dont la plupart des membres n'ont pu accepter la création d'un nouveau syndicat tunisien. Les syndicalistes prendront la relève pour mener un combat syndical, sur un fond politique les revendications concernant les travailleurs étant tributaires du régime politique qui gère le système économique d'une manière générale. Or durant la période coloniale, les autochtones n'étaient pas traités sur le même pied d'égalité que les étrangers. Ces derniers étaient mieux payés que les indigènes ( terme à connotation péjorative à l'époque) et ce, que ce soit dans le secteur privé ou public. Ce qui a d'ailleurs incité des fonctionnaires autochtones à se faire naturaliser, pour recevoir ce qu'on appelait le tiers colonial. Ce fut dans un tel contexte que l'UGTT , les syndicalistes tels que Habib Achour, Bouraoui, Said Guagui, Houcine Ben Kaddour, (que Dieu aient leur âme) Ahmed Ben Salah (que Dieu lui prête vie) ont toujours mené un combat acharné pour dénoncer les injustices subies par les travailleurs. A l'avènement de l'indépendance, l'UGTT n'a pas lâché prise et ne s'est jamais laissé se faire embobiner par le pouvoir qui était à un moment donné dirigé par des hommes issus d'un parti unique. A l'instar de l'action syndicale menée en 1952 et 1953 pour contrecarrer un certain sabotage de ce parti unique, une action a été menée avec ferveur par les syndicalistes notamment lors des évènement du Jeudi noir en 1978 et les émeutes du pain en 1984 afin de défendre les droits des travailleurs et éviter qu'ils soient exploités. Certains ont connu les affres de la prison, alors que d'autres en ont payé de leur vie. A son avènement, le président déchu avait essayé de composer avec la centrale syndicale, en usant de la politique de la carotte et du bâton. Ce qui a donné lieu à des abus, nuisant de la sorte à la cause des travailleurs en général et des plus démunis d'entre eux en particulier. A la Révolution, les syndicalistes ont été aux côtés de ceux qui se sont soulevés contre les abus de toutes sortes qui ont eu lieu durant le régime révolu, dont les spoliations multiples des travailleurs de leurs différents droits. Le droit au travail c'est le droit à la dignité et à la vie. C'est pour cette cause qu'un certain Bouazizi s'était immolé par le feu un 27 décembre 2010. Maintenant que nous vivons une ère de transition démocratique, la conception de parti unique a été abolie Toutes les organisations , y compris le syndicat mènent un même combat pour la liberté et la dignité. A côté de l'UGTT, d'autres organisations syndicales sont nées. Le monde du travail est désormais conçu dans un contexte de pluralisme d'opinions et d'organisations syndicales. Peu après la Révolution a été créée la CGTT, par réminiscence à la confédération du syndicaliste M'hamed Ali et dont le fondateur est Habib Guiza. Par ailleurs un troisième syndicat a été lancé ultériurement : L'UTT, tel et dont le fondateur Isamaïl Sahbani, un ancien secrétaire général de l'UGTT. C'est dire que les choses ont changé, du moins sur le plan structurel. A multipartisme, pluri syndicalisme, et cela est conforme au courant normal de la démocratie, où toutes les tendances doivent être représentées et défendues. Le premier mai 2012, toutes les organisations syndicales et sociales ont manifesté, à travers l'avenue Bourguiba et les rues avoisinantes afin d'exprimer leur solidarité dans le combat pour la défense des libertés et des droits de l'Homme, afin de préserver les acquis de la Révolution dans la voie de la transition démocratique.