«Les défis auxquels la Tunisie doit faire face exigent la mise en œuvre d'un nouveau modèle de développement susceptible d'absorber le nombre élevé des chômeurs et de réaliser la relance de l'activité économique », a indiqué M. Houcine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt Après la révolution du 14 janvier 2011, le gouvernement de transition se trouve dans une réelle difficulté d'instaurer un climat social stable, ce qui ne cesse de freiner la relance de l'économie nationale et de provoquer des revendications sociales aussi bien dans les régions déshéritées qu'au sein des institutions publiques (sit-in, grèves et autres actions de protestation). Ces revendications ont été à l'origine d'un ralentissement de l'activité économique nationale, qui a terminé l'année 2011 en récession et un taux de chômage avoisinant 18,9%. Le gouvernement et les partenaires sociaux (Ugtt et Utica) sont très conscients de la nécessité de relancer l'économie nationale, en engageant les réformes structurelles adéquates. Cette prise de conscience tripartite des défis socioéconomiques actuels et de la nécessité de les relever ne s'est pas encore traduite par une relance effective du dialogue social tripartite dans un cadre permettant aux représentants des travailleurs et des employeurs de participer avec le gouvernement à toutes les discussions portant sur des sujets d'intérêt commun. A l'évidence, le contexte actuel de l'économie tunisienne appelle à une relance urgente du dialogue social tripartite effectif entre le gouvernement et les partenaires sociaux autour d'accords ou de pactes sociaux, seul garant de la stabilité sociale, de la relance de la machine économique et de la création d'emplois. L'Organisation internationale du travail s'est engagée aux côtés du gouvernement tunisien et ses partenaires sociaux à leur apporter un appui pour la mise en place du Conseil du pacte social et le renforcement de la capacité des acteurs du dialogue social. Elle a reçu l'appui du gouvernement et des partenaires sociaux de la Belgique, pays qui a une longue expérience en matière de dialogue social et qu'il propose de partager avec les mandants tripartites tunisiens partenaires du projet. Convaincus que le dialogue social est un outil essentiel à la paix et à la stabilité sociale et au développement économique, des représentants du gouvernement et des partenaires sociaux tunisiens se réunissent, hier et aujourd'hui, à Tunis, pour esquisser les axes du contrat social tripartite pour la période 2012-2020. Contrat traduisant l'engagement des trois parties, gouvernement, organisations d'employeurs et de travailleurs (Ugtt et Utica) à réaliser les réformes économiques et sociales nécessaires. Le lancement de ce projet a été examiné hier lors d'une conférence portant sur le thème «Le dialogue social comme réponse aux défis sociaux et économiques de l'heure», organisée à l'initiative du ministère des Affaires sociales en partenariat avec l'OIT et le soutien du gouvernement belge-, et qui constitue une première action de suivi en Tunisie du partenariat Algérie/ Maroc/ Tunisie-BIT et Belgique sur le dialogue social dont la conférence de lancement a eu lieu à Bruxelles le 8 décembre 2011. L'objectif de la conférence est de réunir les représentants du gouvernement et des partenaires sociaux tunisiens pour établir un diagnostic de la situation économique et sociale de la Tunisie et esquisser les axes d'un contrat social pour la période 2012-2020. Le contrat traduira l'engagement des trois parties à œuvrer ensemble pour réaliser les réformes économiques et sociales nécessaires, seuls garants de la paix et la stabilité sociale et la prospérité économique. Car, comme l'a mentionné Mme Monica de Coninck, ministre de l'Emploi du Royaume de Belgique, le dialogue social fonctionnant dans un cadre juridique régi par la loi, dans un climat de confiance et de coopération entre les interlocuteurs sociaux, au sein d'institutions stables, peut contribuer de manière décisive à la compétitivité et au progrès social d'un pays. «La Tunisie peut, à ce titre, compter sur sa longue tradition de mouvements syndicaux. L'efficacité du dialogue social, quel que soit le système de négociation, repose sur la qualité et la crédibilité des partenaires sociaux, la présence d'organisations syndicales et d'employeurs responsables ainsi que l'intérêt de tous les citoyens, qu'ils soient travailleurs, chômeurs ou inactifs, reste un élément décisif», précise Mme Coninck. Sur l'apport de ce dialogue social, M.Houcine Abbasi, secrétaire général de l'Ugtt, précise que ce projet est d'une importance cruciale. «Il ouvrira la voie aux trois parties de l'appareil de production pour établir une nouvelle relation dans le cadre d'un pacte social entre les partenaires sociaux, le gouvernement et les composantes de la société, en l'occurrence les partis politiques, les organisations professionnelles, les associations, favorisant une démarche participative dans la prise de décision. Nul n'est censé ignorer l'ampleur des défis que notre pays doit relever face à l'augmentation accrue du taux de chômage, de la pauvreté, des disparités régionales. Ces défis exigent un nouveau modèle de développement susceptible d'absorber le plus grand nombre de chômeurs et de contribuer à la relance de l'activité économique», souligne M.Abassi. Le contrat social, un mécanisme consensuel efficace Le processus démocratique ne peut se compléter sans l'engagement de réformes économiques et sociales fondées sur le respect des valeurs fondamentales conformément aux critères du travail international, «ce qui nous incite à exprimer notre volonté d'inscrire les droits économiques et sociaux dans la nouvelle Constitution. L'Ugtt n'a cessé depuis les deux dernières décennies d'appeler le gouvernement à créer un fonds d'assurance en faveur des licenciés, favorisant leur réinsertion professionnelle», ajoute M. Abassi. Etant la pierre angulaire de la réussite du processus démocratique, « le dialogue social doit être institutionnalisé, c'est notre ambition que nous partageons avec l'Utica et le gouvernement. En concrétisation de cette démarche, nous avons pris l'initiative de créer une commission de travail permanente pour le dialogue social, chargée d'examiner les problématiques sociales et économiques d'intérêt commun, balisant ainsi la voie à la conception du pacte social. L'Ugtt, convaincue de l'importance de cette étape de transition, réitère son intérêt pour la promotion du dialogue social, qui constitue un premier pas important vers l'élaboration d'un pacte social répondant aux exigences et aux enjeux de l'étape actuelle et garantissant la transition démocratique, la stabilité et l'équilibre social», ajoute M.Abassi. Dans le même ordre d'idées, la réussite de la transition démocratique «exige un consensus national autour des choix politiques et socioéconomiques. Le gouvernement est déterminé à coopérer avec les forces vives du pays pour surmonter la conjoncture difficile que traverse la Tunisie dans le cadre d'un dialogue entre toutes les parties. C'est grâce au dialogue que le climat social général s'est caractérisé au cours des quatre premiers mois de 2012 par une progression vers la stabilité. Ainsi, le nombre des journées de travail perdues en raison des grèves a atteint 47 mille journées contre 95 mille en 2011, outre l'annulation de 74% des préavis de grève», précise le Chef du gouvernement, M.Hamadi Jebali. Pour sa part, M. Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales, a indiqué que les trois partenaires sociaux sont appelés à promouvoir la culture de la solidarité effective à travers l'instauration d'un mécanisme d'encadrement pour les chômeurs et de la lutte contre la pauvreté. La présidente de l'Utica, Mme Wided Bouchamaoui, n'a pas manqué de rappeler qu'un contrat social durable et cohérent doit être basé sur le dialogue, le respect de la loi et l'efficacité des entreprises, indiquant que cet instrument permettra de promouvoir l'investissement, d'impulser le développement régional et de créer de nouveaux postes d'emploi. Toujours dans l'objectif de promouvoir le dialogue social, M. Moussa Oumarou, directeur du département des relations professionnelles et des relations d'emploi à l'OIT, a souligné la disponibilité du Bureau international du travail à apporter tout l'appui nécessaire et toute son expérience à la Tunisie pour que le processus de dialogue national aboutisse à la conclusion d'un contrat social tripartite où toutes les parties y trouvent leur compte. «L'engagement pris en faveur de la conclusion d'un contrat social tripartite constitue une initiative historique majeure en matière de gouvernance qui pourra servir d'exemple à d'autres pays en transition sociale et politique », ajoute M.Oumarou. A la fin des assises de cette conférence, les parties concernées formuleront des recommandations pour l'établissement d'un contrat social et la consolidation des bases du dialogue social dans le pays. En effet, un groupe de travail tripartite composé de représentants du gouvernement et des partenaires sociaux tunisiens sera formé, chargé d'élaborer un projet de contrat social qui sera signé par les trois une fois les négociations achevées