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Paradis...fiscal
Post-scriptum
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 06 - 2012


Par Yassine ESSID
«L'essentiel de notre vie économique se déroule sans intervention de l'Etat; c'est la vraie merveille de notre société»
Paul Samuelson
S'il existe bien un sujet qui mériterait un débat national, c'est bien celui de l'Etat, ou plutôt de l'insuffisance d'Etat. Au moment précis où celui-ci prend un caractère de plus en plus fantomatique, le gouvernement se veut subitement intraitable et déterminé à agir sans délais et avec les moyens appropriés contre tous ceux qui cherchent à mettre en cause l'autorité de l'Etat. Ces déclarations répétées feraient presque sourire si les perspectives n'étaient pas si affligeantes et si ces résolutions n'étaient que rarement suivies d'effet. Depuis l'indépendance, les Tunisiens vivaient à l'ombre d'un Etat autoritaire, omniprésent, démesuré et liberticide, à la fois producteur et bâtisseur, régulateur du marché, correcteur des inégalités sociales, allant jusqu'à assumer toutes les fonctions normalement dévolues à la société civile.
Leur acceptation de ses décisions ne venait pas tant d'une adhésion raisonnée aux lois émanant démocratiquement d'un politique ou d'un législateur compétent que d'une soumission résignée à la volonté absolue et arbitraire d'un pouvoir omnipotent. Privé de cette pyramide de pouvoir qu'était le parti, étroitement associé à l'administration et à la police, l'Etat tunisien s'est retrouvé en quelques mois partout discrédité, sa souveraineté contestée, ses symboles outragés et ses représentants affaiblis. Pendant ce temps, des pans entiers de la population, égarés par la surprenante victoire sur la dictature et qui s'étaient lourdement mépris sur la signification exacte du mot liberté ainsi que sur la véritable finalité de leur révolution, sont devenus rétifs à toute autorité, partant en guerre contre un Etat qu'ils estiment insuffisamment disposé à satisfaire leurs exigences, toutes leurs exigences.
Cependant, une minorité, pour laquelle l'Etat demeure, quoiqu'on en pense, le protecteur de dernier recours contre le chaos, observe incrédule et impuissante la décomposition progressive de cette entité qui avait pourtant façonné leur existence pendant soixante ans. Naguère un espace politique et économique soumis à des règles communes, l'Etat est aujourd'hui à la recherche d'une légitimité et d'une dignité perdues.
Au lendemain du 14 janvier 2011, les Tunisiens, bien que débarrassés d'un dictateur, s'étaient retrouvés sans guide, mais aussi sans l'apport d'une citoyenneté sociale et politique censée être ancrée dans chacun d'eux. Nous avons assisté alors à l'effondrement progressif de l'Etat par l'effet de l'impuissance du politique face aux désordres et aux confusions internes.
Identifiées à l'autoritarisme du régime défunt, police, justice et administration publique se sont trouvées fortement contestées et déstabilisées, ce qui n'est guère salutaire pour un urgent redressement du pays. Naguère trop puissant, l'Etat tunisien voit son pouvoir tomber en déliquescence parce que ses fonctions régaliennes les plus fondamentales ne sont plus remplies qu'avec difficulté. Le premier signe de ce délitement est à saisir à travers l'une des fonctions souveraines les plus importantes et les plus symboliques: la fiscalité.
De l'aveu même du ministre des Finances, «le phénomène de l'évasion et de la fraude fiscale a dépassé toutes les prévisions et franchi toutes les limites».
Un exemple entre mille : le cas de ces milliers de marchands, aujourd'hui symbole de la revanche de l'initiative privée et de l'esprit d'entreprise sur l'Etat et sur le domaine public, qui inondent de leurs étals sauvages les villes et leurs quartiers en faisant de la voie passante l'objet d'une appropriation privée. Sûrs de leur bon droit, sourds à toute interpellation, ils n'admettent aucune limite humaine à leur autorité, ne tiennent compte d'aucune loi, ne reconnaissent à aucune autorité officielle le pouvoir de recouvrement fiscal, méprisent toute propriété publique et toute initiative réglementaire municipale et font fi de tout interdit au nom de la liberté reconquise. Il faut reconnaître que la justice fiscale est l'une de celles qui ont été le plus bafouées par le régime de Ben Ali. Pendant deux décennies, le dictateur avait instauré une véritable fiscalité privée à travers le tristement célèbre 26-26, et institutionnalisé le marché parallèle à travers des circuits d'approvisionnement et de distribution de marchandises de contrebande devenus autant de fiefs offerts aux membres de sa famille. L'évasion fiscale était également tolérée et la corruption organisée favorisait, d'un certain point de vue, la fluidité économique en faisant lever tous les blocages posés par une bureaucratie tatillonne et mal payée. Ainsi, pour nombre de Tunisiens aujourd'hui, être réfractaire à l'impôt est une revanche contre un Etat longtemps identifié à ses seules exactions. Dans cette confusion des pouvoirs et du chacun pour soi, l'acceptation de l'idée que les prélèvements perçus, obligatoires et réguliers, applicables directement ou indirectement à tous les groupes sociaux, seraient l'essence même de la redistribution, qu'ils se justifient par l'existence de dépenses qu'entraîne une vie collective allant de l'entretien des routes à la défense du territoire, nécessite une pédagogie de longue haleine à rebours de l'histoire. Les raisons qui commandent aujourd'hui le comportement antipolitique des Tunisiens face à leurs devoirs civiques présagent des tendances lourdes et il faudra probablement des années avant que la prise en compte des intérêts mutuels n'encourage un processus de recomposition. La crise que traverse le pays, comprise simplement comme crise économique, est en fait celle de la crédibilité de l'Etat, dont la réhabilitation passe impérativement par l'instauration d'une fiscalité efficiente.
La Tunisie est aujourd'hui en quête des fondements mêmes de l'Etat: autorité, justice, légitimité, neutralité, efficacité, institutions politiques, ordre et sécurité publics, système économique. Nombreux, parmi les Tunisiens qui ont perdu leurs repères dans l'espace et dans le temps, sont ceux qui cherchent une alternative au chaos annoncé et n'hésitent plus à évoquer le recours souhaité à une «main de fer», non pas tant parce qu'ils appellent de leurs vœux un nouveau despotisme, mais parce qu'ils se disent dans un même souffle que la Tunisie ne mérite pas de s'écrouler aussi bêtement.


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