• «L'armée fait tout pour réduire l'affaire en histoire de caméra confisquée», dixit Malek Khadhraoui Ramzi Bettibi alias «Winston Smith», journaliste et reporter au blog collectif Nawaat.org, poursuit aujourd'hui son 13e jour de grève sauvage en signe de protestation contre les agissements des autorités militaires au cours du procès des assassins des martyrs de Kasserine, de Thala, du Kef et de Kairouan. En effet, le 21 mai dernier notre confrère Ramzi Bettibi s'est vu confisquer sa caméra et un appareil photo lors de sa couverture du procès des assassins des martyrs au Tribunal militaire du Kef. Mais contrairement à l'information qui circule partout dans les médias, les causes de la grève de la faim de Ramzi dépassent le cadre de la confiscation de son matériel de travail comme en témoigne Malek Khadhraoui, rédacteur en chef de «Nawaat.org» : «L'armée fait tout pour réduire l'affaire en histoire de caméra confisquée, alors que ce n'est pas le cas. Ramzi est entré en grève de la faim le 28 mai 2012, soit sept jours après la confiscation de son matériel de travail. De ce fait la caméra et son appareil photo n'ont jamais été la cause de cette action. D'autre part, ce procès est un procès ouvert au public et il n'y avait pas de huis clos. D'ailleurs Ramzi a couvert le procès de l'extérieur du tribunal. Et même le décret 115 réglemente la couverture journalistique de ce genre d'événement». Il ajoute : «La grève de la faim de Ramzi est motivée par le fait qu'il y ait une volonté d'empêcher la couverture de ce procès qui est entaché par plusieurs zones d'ombres comme la destruction d'une grande partie des enregistrements téléphoniques, des communications entre les officiers du ministère de la Défense et le ministre de l'Intérieur ainsi que la non coopération de ce dernier avec le tribunal chargé du procès des assassins des martyrs. De ce fait, le non accès à ces informations contribue à occulter les anomalies que présente le dossier de ce procès... Tout simplement, on est en train de cacher des choses sur l'un des plus importants procès de l'histoire de la Tunisie. Et à mon avis, la justice militaire n'est pas apte pour juger ce genre de procès. Tout le monde sait que la justice militaire est une justice d'exception. Et suite aux manquements enregistrés dans ce procès, il est fort probable qu'on ne va jamais connaître la vérité et surtout rendre justice aux familles des martyrs. Nawaat n'a aucun problème avec l'institution miliaire. D'ailleurs nous étions parmi les premiers à saluer le courage de nos armées durant la révolution et avons contribué à donner une bonne image de nos soldats». Mettre en place une structure judiciaire indépendante De son côté Ramzi Bettibi nous a déclaré : «Mon action est un acte spontané... J'ai toujours été contre les tabous et la sacralisation de l'institution militaire surtout au niveau des tribunaux militaires et quand on décèle certaines anomalies ou des dysfonctionnements dans les procès comme c'est le cas dans le procès des assassins de la révolution. Par exemple, comment peut-on expliquer le refus du ministère de l'Intérieur de mettre à la disposition de ce tribunal les registres qui permettent la traçabilité des munitions mises à la disposition des officiers de la sûreté nationale entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 ? Ces registres permettent d'identifier l'origine et les dates des balles tirées durant cette période. D'autre part, un juge militaire a confirmé que les enregistrements des conversations téléphoniques entre les officiers du ministère de l'Intérieur et ceux de la Défense ont été détruits, ce qui est intolérable. Certes, plusieurs officiers militaires sont connus pour être des hommes intègres et patriotes, mais ça n'empêche pas que d'autres soient soupçonnés de corruption. A mon avis l'opinion publique a un besoin vital de connaître la vérité sur ce qui s'est passé. Enfin, nous voulons qu'il y ait un débat national entre les professionnels du domaine juridique avec l'Assemblée nationale constituante, le gouvernement, les partis politiques et la société civile pour mettre en place une structure judiciaire indépendante chargée de juger ce genre de procès». Questionné sur cette affaire, Rachid Bouhoula, l'attaché de presse du ministère de la Défense nous a donné la réponse suivante : «Ce procès a toujours été ouvert aux journalistes titulaires d'une carte de presse professionnelle même si elle date de 2011. D'ailleurs si vous allez assister au procès de l'affaire de la Rouhia qui s'ouvre ce samedi (aujourd'hui) au tribunal de Bab Saâdoun où il va y avoir l'exposition des armes et des pièces à conviction, vous allez remarquer que les journalistes sont les bienvenus pour exercer leur travail». Pour ce qui est du sort du matériel confisqué à Ramzi Bettibi, M. Bouhoula nous a déclaré : «Ces affaires sont maintenant du ressort du tribunal en question et nous respectons l'indépendance de la justice dans ce genre d'affaires.» De leur côté, plusieurs blogueurs à l'image de Yassine Ayari, Azyz Amami, Houssem Hajlaoui et Amine Mtiraoui continuent leur grève de la faim en soutien à Ramzi Bettibi, alors que la blogueuse Lina Ben Mhenni, pour des raisons de santé, a été forcée d'interrompre sa grève de la faim. Enfin, il reste à signaler qu'un rassemblement en soutien au reporter de Nawaât a été organisé avant-hier à Paris sous l'initiative de la société civile tunisienne en France où 250 manifestants ont demandé que les caméras doivent être rendues au journaliste.