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Je ne parle pas, je n'entends pas et je suis
Institut international de recherche en langues des signes de Tunis
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 06 - 2012

Dans la salle des conférences de la Maison des fédérations sportives, des sourds posent leurs regards intenses sur une assistance, en majorité entendante. Leurs corps vibrent et leurs mains s'agitent, dessinant dans l'air des signes qui restent comme en suspens.
Ils se sont réunis, vendredi dernier, pour chanter à leur manière «la volonté de vivre» de Aboulkacem Chebbi. Ils traduisent ainsi des vers qu'ils n'ont jamais entendus et bougent sur le rythme des rimes qu'ils n'ont jamais connues. Pourtant, ils arrivent à communiquer une émotion. «La poésie m'a permis d'élargir mon lexique et le théâtre m'a donné la liberté de m'exprimer. Ici, j'apprends des mots étranges, comme “conscience” et j'essaye de comprendre leur sens en m'évadant dans mon imagination. Je crée ainsi de nouveaux signes», explique dans son langage, Fatma Kharrat, une artiste sourde et muette, qui fait partie de l'atelier de théâtre de l'Institut international de recherche en langues des signes de Tunis, baptisé «Ichara» (signe).
Par des paroles muettes et «théâtralisées», ces handicapés, qui ne le sont pas vraiment, ont eu plaisir à présenter, en premier, ce nouvel institut dont le théâtre est le pilier. Cet art a constitué, depuis des années, le pont de communication essentiel entre les membres fondateurs de «Ichara». «L'histoire remonte à 1998. Je suis allé, à l'époque, avec un groupe de sourds, voir la pièce muette de Mohamed Driss “Hadatha abou hourayra qal”. L'enthousiasme se dessinait sur les visages, d'habitude tristes et indifférents. Les yeux pétillaient de bonheur. J'étais profondément touché parce j'ai eu l'impression qu'ils étaient, pour la première fois, heureux de sortir en public», raconte Ali Lotfi Zekri, bio acousticien, actuellement secrétaire général de «Ichara». Ce spécialiste de surdité a été, à l'époque, membre de l'Association tunisienne d'aide aux sourds (Atas). Zekri est allé voir Mohamed Driss pour lui proposer d'adhérer à leur cause. «Les sourds que nous étions censés aider, ne savent ni lire ni écrire. Pourtant, enfants, ils ont fréquenté des écoles spécialisées. Toute communication fut vaine; c'était l'impasse», précise Zekri. L'homme du théâtre a répondu à l'appel. Depuis, Mohamed Driss soutient les sourds. Il a signé, quant il était à la tête du Théâtre national tunisien, une convention de coopération permanente avec l'association «La voix des sourds», lui assurant un cadre de création et une aide artistique.
L'aventure continue
Après la révolution, Mohamed Driss et Lotfi Zekri, ont été «dégagés» de leurs organismes respectifs. Ils n'ont pas, pour autant abandonné les sourds. «J'ai toujours milité pour une cause et je ne céderai jamais, malgré les injustices», insiste notre interlocuteur. Avec Mohamed Driss, comme président, «Ichara» a vu le jour, le 27 mars 2012. Son rôle est d'ordre académique et non social. L'Institut fait appel à toutes compétences scientifiques et artistiques pour entreprendre, organiser et promouvoir la recherche en langues des signes en Tunisie. Il milite pour l'acquisition du savoir et le développement de la communication pour les sourds. Un état des lieux est en train d'être recensé pour codifier et répertorier les langages des signes locaux. L'objectif final réside dans la création des supports pédagogiques adaptés aux sourds, afin de mettre en place une école pilote en langues des signes. La formation de formateurs spécialisés est aujourd'hui primordiale. «Je ne comprends toujours pas pourquoi le système «d'entendant» veut forcer les sourds à entendre et à adapter une logique qui n'est pas la leur. On a du mal à accepter ces êtres avec leur différence et de comprendre leur culture et leur langage», s'indigne encore Zekri. D'après ce dernier, on compte aujourd'hui plus de 60 structures spécialisées qui fonctionnent comme écoles de sourds, placées sous la tutelle du ministère des Affaires sociales et non du ministère de l'Education. Malgré un passage scolaire de 8 ans en moyenne, le taux de l'absence de maîtrise et de l'incompréhension de l'écriture et de la lecture est de plus de 95% chez le sourd citoyen dans notre pays. A ceci s'ajoute l'échec cuisant de l'intégration scolaire entamée en 2001. Une enseignante, Beya Daâdouche, en a fait le témoignage, en présentant l'expérience de l'école de Russie. Est-il possible d'émettre l'information à un être dépourvu du système auditif? Comment peut-on imposer à un sourd une pédagogie destinée à des élèves «entendants»? La question reste en suspens. D'après les membres de «Ichara», le sourd n'est pas été valorisé intellectuellement ni soutenu moralement, durant sa «traversée scolaire . Il est considéré comme déficient, diminué et inapte. Or, un enfant sourd n'a rien à envier à un enfant dit normal, sauf par sa conception et par sa perception des choses. «On est encore loin de pouvoir comprendre le mode de fonctionnement du monde sourd. Ce dernier est basé sur le raisonnement perceptible et visuel qui est différent de la conception et de l'articulation des entendants, basé sur le raisonnement symbolique et sonore. Son existence, ses perceptions, son raisonnement, sa logique, ses déductions s'articulent d'une manière différente des gens commun», explique encore Zekri.
La révolution des sourds
On a relvé aussi, dans cette rencontre, que même les sourds ne sont pas tous les mêmes. En effet, on différencie l'«atrach» (sourd) du «baccouch» (muet). Le premier parle, mais n'entend pas bien, ou presque, alors que le second est sourd, ne parle pas, mais communique avec ses mains. On distingue aussi ceux qui sont issus de parents muets et d'autres, de parents entendants. Ces derniers sont les plus nombreux (90%) et les plus touchés par l'incompréhension sociale. «On détecte la surdité à l'âge de six mois et on ne la prend officiellement en charge qu'à trois ans. Entre temps, l'enfant subit les frustrations des parents qui le considèrent, en général, comme «un monstre». L'enfant, ne pouvant pas comprendre les lèvres qui s'agitent et les expressions de visage, finit par accumuler les complexe et les colères», analyse le spécialiste. Arrivé à l'âge adulte, la charge explose.
Sur la scène, les acteurs excellent. L'atelier de théâtre, sous la direction de Mohamed Driss, pousse ces êtres à s'accepter et à développer leurs propres moyens de communication. Il cherche à leur procurer une harmonie avec eux-mêmes et à leur donner la possibilité de développer leur imaginaire. Ces sourds et ces muets se sont confiés avec beaucoup d'aisance et sans gêne. Ils ont raconté leur vie et leur « errance » sociale. «Personne ne faisait attention à moi. Je regardais les gens s'agiter, leurs yeux fixant la télé. Ils paraissaient choqués, perturbés....Et moi, je ne savais pas ce qui se passait. Enfin, mon père s'est tourné un jour vers moi et m'a dit que Ben Ali s'était enfui. C'est la révolution», raconte en langage des signes Jamila Belkhir...
Depuis 1970, l'inaccessibilité du sourd à la communication reste à ce jour très réelle. Les acquis cognitifs escomptés sont en deçà des attentes. «Il est temps, aujourd'hui, que les sourds fassent leur révolution», conclut Lotfi Zekri.


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