L'association La Voix du sourd de Tunisie (AVST) a organisé récemment une rencontre avec les parents des enfants déficients auditifs intitulée «L'enfant porteur de surdité et son environnement familial». Le dialogue au sein de la famille présente ici un grand intérêt puisqu'il est primordial dans la prévention des risques. Mais l'enfant porteur de surdité est souvent un cas unique et sa différence l'est aussi. Il est incompris. Son univers profond est totalement différent du nôtre. Sa pensée, ses perceptions et ses déductions sont propres à lui seul. De nombreuses questions se posent sur cet enfant et sa relation avec son environnement familial. Est-ce que le porteur de surdité a rellemment les possibilités adéquates pour pouvoir accéder à un rôle autonome souhaité par lui-même ou par sa famille ? Avons-nous fourni les moyens et les outils nécessaires pour le préparer à prétendre à un tel droit ? Avons-nous les procédés pratiques pour comprendre effectivement ses aspirations et ses doléances ? «La surdité est un fléau silencieux et invisible. Il s'agit d'une lésion du pôle récepteur, ceci engendre une perturbation de la communication. Cette perturbation varie en degrés en fonction de la nature de la détérioration. La première étape d'une communication réussie avec le porteur de surdité est la compréhension de ses spécificités. Il faut trouver les outils adéquats d'intervention» , indique M. Lotfi Ben Zekri, audio-prothésiste et vice-président de l'AVST. Tout d'abord, il faut comprendre le mécanisme psychoculturel de l'enfant porteur de surdité. «Malheureusement, en Tunisie, nous n'avons pas de médecin phoniatre et pas de psychologue spécialiste en surdité. Or, cette absence de sensibilisation fait que le taux d'utilisation des prothèses n'a pas dépassé 1 %. Ainsi, 80 % des enfants abandonnent leur prothèse de surdité», a ajouté M. Ben Zekri. Les réalités montrent que les familles tunisiennes ont une psychose de la mutité. Elles ont honte d'avoir un enfant muet. Le constat est que la peur de la mutité est plus importante que l'acquisition du savoir leur permettant d'alléger les souffrances de leur petit. Perçue généralement comme un handicap, la surdité n'est ni acceptée ni tolérée. Elle est synonyme de dépendance. Dans ce même registre, le vice-président de l'association précise :«Nous remarquons toujours les regards tristes des parents, leurs attentes subjectives et l'absence de conviction et de pédagogie adaptée. Cette situation engendre un complexe chez les enfants porteurs de surdité». Par ailleurs, les parents sont trop protecteurs vis-à-vis de leur enfant. Ce dernier se sent différent d'eux. Il ne peut parler comme eux. Il vit, donc, un grand problème d'identité. La surdité isole l'enfant, qui se sent privé de la communication lors d'une conversation. Or, par maladresse, les parents ignorent totalement leur enfant. La solution de cette problématique est de partager et participer à l'épanouissement et à l'autonomie de cet enfant. La langue des signes est un moyen qui favorise la communication avec l'enfant porteur de surdité. Dans ce contexte, M. Ben Zekri souligne : «C'est un enfant malheureux parce qu'il ne trouve pas le moyen nécessaire pour se faire comprendre. Et ses parents n'ont pas, non plus, l'outillage pour diffuser un message convenablement. Ils doivent, donc, apprendre à «signer». Mais la langue des signes tunisienne est malheureusement très pauvre, elle est utilisée juste pour les besoins primitifs. Le système tunisien adapté dans les écoles spécialisées n'a pas évolué. Depuis 40 ans, et malgré tous les efforts déployés, le taux d'incapacité de lecture et d'écriture chez les enfants porteurs de surdité, et qui ont passé 5 à 6 ans dans ces écoles, n'a pas tellement diminué. De sorte que chez cette population ce taux est de l'ordre de 98 %». Le responsable a parlé d'un projet de coopération entre la Tunisie et la France. Ce projet vise justement la promotion de la langue des signes. Il a nécessité un recensement des cas dans le Grand-Tunis et l'élaboration d'une étude socio-culturelle et anthropologique. De même, l'association travaille, actuellement, avec le Théâtre national. Les enfants de l'association découvrent dans la langue du corps un excellent moyen de communication, qui leur permet d'accéder à l'imaginaire. D'autre part, les parents doivent responsabiliser l'enfant porteur de surdité. Ce dernier doit apprendre à gérer les différentes situations de la vie courante et scolaire, se sentir responsable et, par la suite, renforcer sa confiance. Quant aux parents, ils sont appelés à encourager l'esprit d'initiative chez leur enfant et à respecter son intimité et sa personnalité.