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« A mon avis, la démocratie est en marche en Tunisie »
Entretien avec : Gordon Gray, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique :
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 07 - 2012

Gordon Gray, l'ambassadeur américain en poste à Tunis, s'apprête à regagner Washington après un mandat de près de quatre dans notre pays. Après avoir servi en Irak, il ne pensait guère avoir un rendez-vous exceptionnel avec l'histoire en vivant et en assistant à la révolution tunisienne qui allait donner l'étincelle du Printemps arabe. Gordon Gray, qui a vécu intensément ces moments forts et a partagé les émotions des Tunisiens lors des premières élections libres dans le pays, brosse un tableau succinct des actions et des mesures prises par son gouvernement pour soutenir et aider la Tunisie à surmonter une période sociale et économique marquée par la grisaille à tous les niveaux. Interview.
Vous êtes un ambassadeur qui avait eu rendez-vous avec l'histoire. Que représente pour vous ce mandat de diplomate américain en poste à Tunis ?
Une des raisons pour lesquelles j'ai choisi d'être diplomate est justement de faire partie de l'histoire et d'en être témoin. Pendant ce mandat en Tunisie, j'ai assisté à la déposition d'un dictateur, j'ai été témoin d'une révolution populaire singulière et unique mais aussi j'ai eu le privilège de vivre la première élection libre et transparente en Afrique du Nord ainsi que de suivre de près une transition réussie vers la démocratie.
Cela dit, nous avons aussi assisté au soutien indéfectible des Etats-Unis d'Amérique à cette révolution pas seulement de façon théorique mais de façon tangible. Ainsi, les USA ont exprimé clairement dès les premiers jours de la révolution leur soutien et appui à la volonté du peuple tunisien comme en témoignent les différentes mesures décidées à cet effet en l'occurrence le transfert de 100 millions de dollars pour aider la Tunisie à régler ses dettes auprès des institutions financières internationales.
Les relations tuniso-américaines datent de plus de deux cents ans, mais on a l'impression que jamais le niveau de ces relations n'a atteint un palier aussi remarquable. La révolution y est-elle pour quelque chose ?
Il faut reconnaître que nous avons toujours eu des relations bilatérales très bonnes. Mais franchement durant le règne de Ben Ali, il y a eu un ralentissement, voire une espèce d'interruption, dans ce modèle. Avec l'avènement de la révolution en Tunisie, nous avons été en mesure de redonner à ces relations la place qu'elles méritent. Ainsi on peut s'enorgueillir du niveau exemplaire de ces relations pendant cette période.
Le retrait du visa au couple Ben Ali ainsi qu'aux membres de sa famille juste après la révolution a été un acte courageux de votre part. Il n'empêche, est-ce qu'il y avait derrière cette décision un message au peuple tunisien ?
Franchement ce n'était pas une décision difficile à prendre. Car, dans l'intérêt de votre pays, de même que dans l'intérêt de mon pays, il n'était pas question d'accorder à Ben Ali et aux membres de sa famille qui ont pillé la Tunisie le droit d'entrée sur le sol des USA.
Au-delà de cet acte, est-ce que les USA sont en mesure de prendre d'autres décisions à leur encontre telles que traquer et rapatrier les biens spoliés par ces familles?
Juste après la fuite de Ben Ali, le gouvernement des USA, à travers ses institutions financières, a lancé une alerte à toutes les banques américaines pour aviser les autorités au cas où une ou des transactions douteuses seraient constatées. Force cependant est de reconnaître que l'on doute fort qu'il y ait beaucoup d'avoirs mal acquis appartenant à ces familles aux USA parce que nos règles financières sont très strictes et nous sommes très prudents en la matière. Cependant, comme le recouvrement de ces biens mal acquis est une revendication de tous les Tunisiens, nous avons offert une assistance technique à la Tunisie pour être en mesure de mieux traquer ces fonds. A cet effet, nous allons travailler de pair avec le ministère de la Justice pour atteindre l'objectif escompté. A cet égard, un inspecteur américain de haut niveau est attendu pour aider la Tunisie à repérer et à identifier les circuits de ces fonds partout dans le monde et fournir l'aide nécessaire pour le recouvrement immédiat de ces avoirs.
Comment évaluez-vous le processus de transition démocratique en Tunisie ?
Je pense que depuis l'avènement de la révolution, il y a eu beaucoup de développements inédits qui ont plongé le pays dans un parcours politique couronné par les élections du 23 octobre 2011. Ces élections se sont très bien déroulées. L'ambassade a dépêché 50 observateurs qui ont été disséminés à travers les régions. Mais il y a eu aussi d'autres ONG américaines qui ont envoyé plus de 140 observateurs pour relever les anomalies qui pouvaient entacher ces élections. Personnellement, j'ai effectué des visites dans plusieurs bureaux de vote. Et malgré la canicule de cette journée, j'ai été impressionné par les files d'attente de ces milliers de Tunisiens attendant patiemment leur tour pour voter et inculquer à leurs enfants l'exercice du droit à la citoyenneté.
Depuis ces élections, le processus politique continue du bon pied; une Assemblée constituante a été mise en place, une répartition consensuelle des tâches entre les trois présidents a été bien menée, un budget économique a été adopté, la rédaction de la Constitution est en cours et le code électoral sera bientôt promulgué. A mon avis, la démocratie est en marche dans le pays.
La montée des islamistes en Tunisie, en Libye et en Egypte n'inquiète-t-elle pas les USA ?
En Tunisie, il y a eu des élections libres et transparentes. Le peuple a fait son choix et Ennahdha, qui est un parti modéré, a eu la majorité et a remporté les élections. Mais nous aux USA, on ne soutient pas tel ou tel parti. On soutient plutôt un processus démocratique à travers lequel le peuple fait son choix que nous respectons. A titre d'exemple, en plus des observateurs américains, il y avait des milliers d'observateurs tunisiens neutres qui ont veillé au bon déroulement de ces élections, d'où la confiance des Tunisiens dans ce processus.
Mais Excellence, Al Qaïda essaye de profiter de la montée des islamistes dans ces pays, pour recruter davantage de combattants et n'hésite pas à proférer des menaces ?
Vous savez, j'ai travaillé dans la cellule anti-terroriste au sein du Département d'Etat entre 1996 et 1999 et j'ai vu l'émergence de cette organisation sous le commandement de Ben Laden. Et en 16 ans, j'ai vu Al Qaïda tuer des milliers de personnes dont la plupart sont des musulmans. Par contre, le 14 janvier 2011, sur le parterre central de l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis, quand j'ai vu les manifestants appelant au départ de Ben Ali, personne n'a scandé un seul slogan en faveur de Ben Laden ou Al Qaïda. Au contraire, le slogan le plus repris par la foule était celui propre à la campagne électorale du président Barak Obama «Yes We Can». Donc pour moi, la révolution tunisienne et le printemps arabe qui s'en est suivi sont la meilleure réponse et c'est une réponse finale qui met en exergue la faillite d'Al Qaïda. Certes, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des restes d'Al Qaïda dans ces pays et qui risquent d'être une menace pour la sécurité des citoyens tunisiens ou de ceux de toute la région, mais sur le plan idéologique, je pense que les beaux jours d'Al Qaïda sont révolus à jamais.
Dans le même contexte, l'opération militaire menée par l'armée tunisienne contre un camp d'entraînement au sud du pays est-elle le fruit d'une coopération avec leurs homologues américains ?
L'opération à laquelle vous vous référez a été une opération purement et totalement tunisienne. Et l'armée tunisienne prouve encore une fois qu'elle est en mesure d'assurer la sécurité intérieure et extérieure du pays par ses propres moyens.
Mais à quel niveau se situe donc la coopération militaire entre nos deux pays ?
L'armée tunisienne et l'armée américaine ont toujours eu des relations très bonnes et la plupart des équipements de l'armée tunisienne sont d'origine américaine et nous souhaitons continuer cette coopération entre nos deux armées, sachant que l'armée tunisienne est une armée professionnelle, apolitique et donne le bon exemple de ce que doit être une armée qui opère sous la gouvernance d'un régime civil.
Vous avez été très actif ces derniers temps et vous avez visité plusieurs régions du pays. Quel était l'objectif de ces visites ?
Le président Obama m'a désigné en tant qu'ambassadeur en Tunisie et non à Tunis seulement. Et pour moi, il est très important d'écouter ce que les Tunisiens dans les régions ont à dire. La capitale ne représente que 10% de l'ensemble de la population et la perception des choses par les 90% restants est très importante et diffère de celle des tunisois.
Ces visites vous ont-elles conduit à envisager des «americans corners» dans les régions ?
En quelque sorte oui. D'ailleurs, il y a deux semaines, j'ai inauguré le premier centre américain dans la ville de Sfax, deuxième grande ville de Tunisie. Il est important que les Sfaxiens puissent avoir accès aux manuels, vidéos mais aussi profiter de la présence des conférenciers américains qui visitent la Tunisie.
Vous avez été un volontaire des Corps de la Paix américains. Pourquoi le retour de cette ONG en Tunisie et quel est son champ d'activité ?
Les Corps de la Paix ne sont pas une ONG, c'est une agence indépendante au sein du gouvernement américain qui a été fondée par le président Kennedy. L'année dernière elle a célébré son cinquantenaire. Quand le président Kennedy avait inauguré cette agence, il a prononcé une phrase devenue célèbre depuis : «Ne demandez-pas ce que votre pays peut faire pour vous mais demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays». Et les Corps de la Paix ont été créés dans l'esprit de permettre aux américains de vivre dans d'autres pays pour servir le pays dans lequel ils résident. La nature et le type de projets pilotés par les Corps de la Paix dépendent des besoins exprimés par chaque pays. J'ai été moi-même membre des Corps de la Paix au Maroc pour enseigner l'anglais avec mes collègues dans les villages marocains. En Tunisie, à travers les discussions qu'on a eues avec les membres des gouvernements successifs et les responsables des composantes de la société civile, on a perçu qu'il y avait un besoin urgent en matière de formation linguistique dans les régions et de renforcement des capacités des enseignants en langue anglaise, car l'objectif final est de favoriser l'accès de ces jeunes diplômés au chômage au marché international du travail où l'anglais est indispensable.
Justement, en parlant du chômage, la Tunisie est actuellement en butte à plusieurs problèmes sociaux et économiques. Les USA sont-ils prêts à aider notre pays à surmonter cette épreuve ?
Effectivement, nous faisons beaucoup de choses pour aider la Tunisie à passer sans heurts cette étape difficile et nous œuvrons dans ce contexte par le biais de plusieurs actions, permettez-moi d'en énumérer quelques-unes. Nous avons d'abord fait revenir les Corps de la Paix en Tunisie. Nous avons transféré une aide d'urgence de 100 millions de dollars cash pour aider le gouvernement tunisien. Nous avons signé un protocole de garantie qui va permettre à la Tunisie de solliciter des prêts à des taux réduits. On est en train de finaliser le montage d'un fonds de 8 millions de dollars pour soutenir le secteur des TIC et renforcer les capacités des demandeurs d'emploi. L'Agence américaine de l'investissement est en train de finaliser un projet de 50 millions de dollars pour les projets de franchise qui vont permettre aux entreprises tunisiennes de travailler avec des entreprises américaines et d'avoir la possibilité d'emprunter dans un secteur très important et de procéder à un transfert du savoir à même de permettre la création de milliers de postes d'emploi.
Il faut noter aussi que le Congrès américain vient d'accorder à la Tunisie le privilège d'exporter trois mille types de produits aux USA sans frais de douane (le fameux GSP). Nous sommes également en train de développer les programmes d'éducation comme le programme « YES » qui va donner aux lycéens la chance de passer une année dans des lycées américains. Pendant le règne de Ben Ali, on ne pouvait pas envoyer plus de dix élèves par année. Depuis la révolution, on a commencé à envoyer trente élèves et nous allons augmenter le nombre au fur et à mesure.
Nous avons également élargi notre programme «Access» qui va permettre aux jeunes des milieux défavorisés d'apprendre gratuitement l'anglais afin de leur ouvrir de nouveaux horizons. Toujours en matière d'éducation, nous avons augmenté à dix le nombre des universités tunisiennes qui coopèrent avec les universités américaines. Nous avons également parlé de la coopération militaire qu'on va soutenir et développer davantage. C'est pour dire que nous commençons une nouvelle ère de coopération mais nous tenons au départ à mettre en avant les besoins de la jeunesse tunisienne qui a vraiment commencé la révolution, et le retour des Corps de la Paix est un pas dans ce sens. Celui d'aider la Tunisie à surmonter cette période difficile.
Pourtant, on n'a pas vu débarquer de nouvelles enseignes américaines sur le marché tunisien ?
D'abord, je peux vous certifier que depuis l'avènement de la révolution en Tunisie, le nombre d'entreprises américaines a augmenté et qu'il n'y a pas une seule compagnie américaine qui a quitté la Tunisie. D'ailleurs, nous venons de recevoir la visite d'une délégation d'hommes d'affaires américains, qui pour la première fois visitent Sfax depuis quinze ans. Ce sont des patrons de PME, rapides en matière d'affaires et d'installation et qui ont exprimé leur souhait d'investir ici.
Comment se portent l'école américaine et la communauté américaine en Tunisie ?
L'école américaine se porte très bien, les inscriptions ne cessent d'y augmenter, d'ailleurs ma fille y poursuit ses études. Quant à la communauté américaine, elle se porte bien également et exprime le plaisir d'être en Tunisie, un pays accueillant, hospitalier et chaleureux
Qu'auriez-vous souhaité faire et que vous regrettez de n'avoir pas eu assez de temps pour le faire en Tunisie ?
Ce que je regrette est de ne pas avoir eu le temps de ramener plus d'hommes d'affaires et d'investisseurs américains en Tunisie, tellement c'est important pour réussir la transition et pour soutenir cette démocratie naissante.
Le mot d'adieu ?
J'ai eu la chance de pouvoir vivre ces moments historiques en Tunisie. J'ai été témoin d'une révolution unique et exemplaire, j'ai été témoin des premières élections libres. Ce sont des souvenirs que je n'oublierai jamais. Je tiens à remercier également l'équipe avec laquelle j'ai travaillé en Tunisie. Tous mes vœux de succès au peuple tunisien dans sa marche vers la liberté et la démocratie.


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