La nuit était belle et calme. Le théâtre de plein air de Hammamet accueillait, mardi dernier, une des vedettes de la chanson engagée syrienne vivant depuis quelques années dans l'exil. Samih Choukeir, c'est de lui qu'il s'agit, frêle comme un roseau, le regard vif derrière des lunettes de vue, donne l'air d'un enseignant plutôt que d'un chanteur. Et pourtant, il chante depuis les années 70 et représente avec le Libanais Marcel Khalifa, l'une des figures de proue de la chanson engagée. Ce concert a été ajouté à la programmation en hommage au peuple syrien qui tente depuis des mois de mettre fin à la dictature de Bashar El Assad. Le public tunisien n'était pas au rendez-vous à cette soirée de soutien au peuple syrien. Ne connaît-il pas Samih Choukeir qui a déjà fait une tournée en 1989 dans nos festivals d'été ? C'est donc devant une petite poignée de spectateurs dont des Syriens que le chanteur accompagné de ses cinq musiciens a entamé son concert placé sous le signe de la révolution. Muni de son oud, il entame une chanson Faker Bi Ghayrak (Pense aux autres) d'après un texte écrit par le poète Mahmoud Derwich et chanté également par Marcel Khalifa. D'emblée, le ton est donné et c'est parti pour 1h30 de chant engagé destiné à la révolutions tunisienne, d'abord avec un refrain Zaâlen Min Jarek dédié à Bouazizi, puis Ya Hit à la mémoire des martyrs syriens tombés sous les balles, notamment les enfants, et une autre Masr ya Bahia consacrée à la révolution égyptienne. Enfin, plusieurs autres chansons puisées dans son répertoire personnel louant toujours la liberté et évoquant aussi les peines et les souffrances des gens opprimés. Le public enthousiaste et surtout amateur de ce genre de musique a suivi avec intérêt ce concert allant jusqu'à féliciter le chanteur dans les coulisses. Victime lui aussi de la dictature d'El Assad, Samih Choukeir s'est exilé en Europe et chante dans des manifestations et des cercles assez restreints, ce qui ne lui sans doute pas permis d'avoir une popularité auprès de la jeune génération. Appartenant à la communauté druze, il a commencé sa carrière artistique en 1982 avec des chansons très engagées politiquement. C'est au Festival international de la musique en Algérie qu'il s'est fait connaître auprès des Maghrébins. L'année suivante, il sort son premier album Liman Oughani (Pour qui je chante) suivi de Biyadi Guitara (Entre les mains une guitare). Il ne s'arrête pas en si bon chemin. Il compose même des bandes son pour des feuilletons télévisés. Malgré sa discrétion, il a su imposer son nom et se faire une réputation de chanteur engagée de la même trempe que Marcel Khalifa. Même si le public de Hammamet a raté son rendez-vous, ce n'est que partie remise.