Rien n'indique en ce matin du 13 août, sur l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis, que nous fêtons la femme. La chaleur suffocante semble plus puissante et misogyne que le ministère de l'Intérieur, puisqu'une manifestation (organisée par quelques associations) qui devait débuter à 12h30 et partir de la place du 14-Janvier vers le Palais des congrès a été annulée. Pourtant, c'est aujourd'hui que nous commémorons la fête de la Femme, date à la laquelle fut promulgué le Code du statut personnel en 1956. C'est une fête, en tout cas, un jour férié, dont les femmes tunisiennes devraient être toutes fières. Cette journée est un hommage aux femmes et à tous ceux qui ont fait en sorte que la Tunisie soit un modèle à suivre pour les pays arabes en matière de droits de la femme. C'est la journée de la mère, de la sœur, de la grand-mère, de l'épouse, de l'amante, de la voilée, de «l'émancipée», de la féministe, de celle qui s'en fiche, de celle qui courbe le dos dans les champs, de celle qui se crève les yeux dans un sombre atelier de couture et de la femme de ménage qui ignore complètement qu'elle peut disposer de droits. Pour Yasmine (26 ans), c'est dommage qu'en 2012 nous parlions encore d'homme et de femme en veillant à faire la distinction, même pour «donner» des droits aux femmes. Pour elle, nous sommes toutes et tous des citoyens à part entière. Pour certaines en revanche, la peur d'une régession du statut de la femme tunisienne et de ses acquis a forgé chez elles la conviction que la parité homme-femme doit être décrétée dans tous les domaines. C'est le cas de Noura, une fervente militante féministe, que nous avons rencontrée au Palais des congrès, où on prépare la fête pour la nuit. Pour elle, il faut oser prendre l'exemple sur certains pays nordiques qui ont imposé la parité homme-femme, sans même que l'opinion publique soit prête. Une autre militante estime que la femme tunisienne n'a nullement besoin de quotas pour s'imposer et que seule la méritocratie doit être comprise et adoptée, et cite en exemple Maya Jeribi qui a su gravir les échelons par la seule force de son travail, sans aucune revendication féministe. Quoi qu'il en soit, c'est la fête, alors oublions nos divergences, et concentrons-nous sur l'essentiel, les droits de l'Homme, car personne, pas même les pires détracteurs des mouvements féministes, ne souhaite que les droits de la femme soient spoliés. La femme, peut-être faudrait-il parler des femmes, ou mieux du citoyen, quel qu'en soit le sexe. Espérons seulement que les débats autour de la femme changeront d'année en année pour que nous puissions parler de vrais progrès pour la femme tunisienne.