Après la charte citoyenne signée, dimanche 10 avril, par des milliers de citoyens, lors d'une grande manifestation organisée au palais des congrès de Tunis, les habituées du club culturel Tahar Haddad, les féministes qui continuent de plus belle leur combat pour les femmes et avec les femmes, les intellectuels des diverses franges qui se disent aujourd'hui intellectuels-citoyens, les étudiants et les jeunes, de tous bords ont été, hier, au rendez-vous pour un débat ouvert sur l'idée de la création d'un pacte républicain. Un pacte qui serait, selon l'initiatrice du débat et son animatrice, Mme Noura Borsali, militante de l'action associative, «un contrat civil, social ou républicain». «Ce pacte souhaité sera-t-il supra-constitutionnel ? Revêtera-t-il une dimension contraignante ? Constituera-t-il un engagement moral de la part des candidats à la Constituante afin qu'ils ne remettent pas en cause, après leur élection et lors de l'élaboration de la future Constitution, les constantes nationales, plus particulièrement les droits de la femme ?» Ces questions posées, avec clarté et transparence, le débat démarre à cent à l'heure témoignant de l'impatience des présents (une majorité écrasante de femmes et de jeunes filles) et des participants (quelques militants se comptant sur les doigts d'une seule main) et de leur soif de faire entendre leurs voix et de crier haut et fort leur engagement et leur mobilisation afin que les acquis soient d'abord préservés et ensuite renforcés, à la mesure de la contribution effective de la gent féminine et à la révolution du 14 janvier 2011 et au processus d'émancipation des femmes qui a démarré bien avant l'époque du président déchu, plus précisément au cours des années 80 du siècle dernier quand le club Tahar Haddad constituait le temple de la contestation féminine et l'espace le plus indiqué pour la naissance des initiatives les plus courageuses et les plus audacieuses. Les valeurs qui rassemblent Historienne et l'une des initiatrices de la Charte citoyenne, Mme Mounira Chapoutot considère qu'il y a une somme «de valeurs qui peuvent rassembler les Tunisiens, valeurs sur lesquelles ont peut s'entendre. Et ce sont ces valeurs communes (tolérance, liberté, C.S.P, etc.) qui cimenteront le front commun auquel nous aspirons. Notre ambition suprême étant de barrer la route à ceux qui menacent et les acquis déjà enracinés et les objectifs de la Révolution du 14 janvier. Le Pr Moncef M'halla (historien) pose la problématique de la politisation de la religion estimant «qu'il est inacceptable que les mosquées servent d'espaces politiques pour un parti politique qui ne recule plus devant aucune limite et se comporte déjà comme un parti ayant gagné les élections et exerçant le pouvoir, sans partage ni considération ou respect pour aucune autre tendance ou sensibilité». Et le Pr M'halla de poursuivre‑: «Les dernières déclarations de l'un des dirigeants d'Ennahdha sur la purge effectuée parmi les imams dits rcédistes me font froid au dos. Comment ces gens osent-ils se comporter ainsi en faisant fi des lois en vigueur et en ayant l'arrogance de le déclarer publiquement, au vu et au su de tout le monde. J'estime que les démocrates, les intellectuels et tous ceux qui ont peur pour la Révolution du 14 janvier 2011 chèrement payée par le peuple tunisien, ont le devoir absolu de se liguer pour que la religion soit maintenue à l'écart de la politique». Quelles garanties afin que les erreurs commises lors d'un passé récent (la signature en novembre 1988 du Pacte national n'a pas empêché Ennahdha de perpétrer les crimes de Bab Souika et le président déchu de violer les libertés et d'envoyer les démocrates en prison arbitrairement) ne se répètent plus‑? Comment nous prémunir de manière à ce que la prochaine majorité n'ait pas carte blanche‑? Voilà deux grandes questions qui ont conféré au débat une vivacité certaine et ont contribué à libérer les échanges du carcan des définitions techniques et des analyses savantes que beaucoup de juristes et de constitutionnalistes se plaisent toujours à exposer, sans se rendre compte, malheureusement, qu'elles ne sont pas utiles à toutes les rencontres. La parité, un acquis historique «Le flou n'étant jamais productif, il est impératif de savoir ce que nous voulons», assure une intervenante qui souligne qu'aucun pacte, contrat ou charte ne peuvent être placés au-dessus de la Constitution sauf les conventions internationales ratifiées. De son côté, M. Imed Ben H'mida, homme d'affaires, pense «qu'on a beau multiplier les fronts, les initiatives et les chartes, il demeure, toutefois, qu'on est en train d'ignorer l'essentiel et de nous concentrer sur des problématiques qui peuvent attendre». Il est convaincu que la meilleure question à proposer à un débat général est bien la suivante : «Qui dirige aujourd'hui le pays à sa manière et pour le compte de quelle force occulte ?». Et la parité hommes-femmes, cet acquis historique qui risque de passer inaperçu, la presse nationale n'ayant pas jugé de lui accorder l'intérêt qui lui revient alors que des journaux étrangers, à l'instar, d'El Pais (Espagne) l'ont considéré comme l'un des moments les plus marquants du combat des femmes, de par le monde, sur la voie de l'émancipation et de l'épanouissement. Mme Soraya Fersi, interprète gérante de société et fille de l'écrivain Mustapha Fersi, va directement au fond des choses en appelant à une campagne nationale auprès des femmes sur la parité. «Votons la loi et les femmes viendront d'elles mêmes, nous nous engageons à trouver les femmes qui participeront aux élections et qui démontreront que le choix de la parité passera», clame-t-elle avec passion et enthousiasme.