Par Soufiane Ben Farhat Un accord de principe est intervenu hier entre le gouvernement et les structures professionnelles des journalistes, le Syndicat national en tête. Un accord laborieux, fruit d'une discussion franche et de tractations de coulisses à rebonds, notamment en ce qui a trait à la déclaration commune. De source autorisée, M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement, aurait été partiellement réceptif aux revendications légitimes des journalistes. Ces derniers, de leur côté, ont fait montre d'un pragmatisme certain, mais intransigeant sur les principes. Encore une fois, on frôle le pire pour que la raison trouve voix au chapitre. Des nominations controversées et douteuses de responsables médiatiques ont mis le feu aux poudres. Des responsables gouvernementaux plutôt va-t-en guerre ont jeté de l'huile sur le feu, joué la surenchère et mis les nerfs des protagonistes à fleur de peau. Les journalistes ont décidé de riposter. Histoire de défendre la liberté de la presse, bastion par excellence des libertés publiques et fondamentales. L'assemblée générale extraordinaire d'aujourd'hui du Syndicat national des journalistes a été décrétée sur cette base. On a envisagé même une grève générale des différents médias la semaine prochaine. Entre-temps, la situation perdure. Elle est tributaire des sautes d'humeur de certains responsables gouvernementaux. Ils n'ont de cesse d'alterner le chaud et le froid. Et de s'en prendre régulièrement aux journalistes. Pour maints observateurs, il y a une volonté sourde du gouvernement de contrôler les médias. D'en faire des courroies de transmission et des caisses de résonance. Des hommes-liges sont désignés à cet effet. Il y va de considérations partisanes sectaires. Mais également de calculs électoralistes prévisionnels. Les journalistes, eux, sont farouchement opposés à toute instrumentalisation. Et désireux de consacrer cette liberté octroyée par la Révolution. Bref, c'est le dialogue de sourds. Finalement, un accord de principe est intervenu. Toujours en cours de finalisation. Et sujet à diverses interprétations. Mais on connaît l'adage : un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès. Toujours est-il que les plus généreuses déclarations d'intention sont insuffisantes. Ce qui importe, ce sont plutôt les instances indépendantes de régulation de la profession. Celles-là mêmes qui régentent la profession de A à Z, procèdent aux nominations, gratifications et sanctions si besoin est. Sur ce plan, le gouvernement de la Troïka traîne le pas. Il a refusé l'application des décrets-lois 115 et 116 publiés en 2011. Il bloque toujours la mise en place de la Haute instance de l'audiovisuel. Prétexte : ces lois ont été élaborées et publiées avant la création de la Troïka avec la structure gouvernementale qui lui est propre. Le secteur s'en retrouve quasi vacant au niveau des instances de régulation. Il en résulte un certain cafouillage et des interférences gouvernementales controversées et bien souvent arbitraires. Ajoutons-y les humeurs «journalistphobes» de tel ou tel haut responsable et on comprend l'ampleur et la récurrence des charges contre la profession et ses principaux acteurs. A force de caresser le cercle, il est devenu vicieux. La profession n'en peut plus guère. Elle se rebiffe. Et joue sa survie. Ça passe ou ça casse. Le gouvernement donne cette fois l'impression de vouloir endiguer le contrecoup de ses propres charges brutales. Provisoirement. En attendant que l'Assemblée constituante se prononce sur cette question. Et daigne bien concevoir légalement et équitablement des structures et instances de régulation souveraines. Impersonnelles, apolitiques, non partisanes. Tant que le journalisme calera dans ce pays, la révolution sera en panne. Pis, la contre-révolution guette au détour de la mainmise sur les médias.