Sans aucun doute, la culture politique est en train de changer dans notre pays. Mis à part ceux qui nous gouvernent actuellement, tous les «peuples» tunisiens —parce qu'il s'est avéré qu'il y en a plusieurs— sont en train de faire le deuil de la politique «traditionnelle». En tous les cas, les Tunisiens et les Tunisiennes sont aujourd'hui loin —comme on l'entendait souvent– d'être désabusés. N'empêche qu'il existe encore ceux qui se battent pour leur petit bonheur personnel, et qu'une bonne partie de la population, démunie devant cette évolution, prend tout son temps pour faire le deuil de l'attrait douteux de la servitude. Appelez donc le «14 janvier» comme vous voulez : «révolution», «soulèvement» ou «conséquence d'un énorme complot», cet évènement de protestation «élégant» (c'est le moins que l'on puisse dire) a fait son «effet papillon *». Ce simple battement d'aile d'un peuple, qui n'en peut plus de se taire, a déclenché une tornade à l'autre bout du monde. Les mouvements d'indignation se multiplient de jour en jour. Une émission diffusée par l'une des chaînes de télévision française, portant justement «l'effet papillon» comme titre, nous apprend, dans son tout dernier épisode, qu'en Inde, on a arrêté «Assim», un dessinateur célèbre pour avoir osé s'exprimer contre les autorités en place. Lors de son arrestation, des centaines de gens sont sortis manifester dans la rue, criant à la police de ne pas toucher à leur nouveau Gandhi. «L'effet papillon» nous apprend également qu'il existe en Russie un groupe de punk-rock féministe appelé «Pussy Riot» (en russe, littéralement émeute de chattes). Ce collectif, créé en 2011, organise à Moscou des performances artistiques non autorisées pour promouvoir le droit des femmes en Russie. Depuis le début de l'année 2012, il exprime son opposition à la campagne du premier ministre Vladimir Poutine en vue de l'élection présidentielle. Le reportage montre les Pussy Riot portant des cagoules en couleurs chaudes, chantant et dansant sur les bus, scandant le mot «casse-toi !» à Poutine. Il montre également des images de leur arrestation le jour où elles ont performé dans une cathédrale et où elles se sont fait arrêter, pour être par la suite condamnées à deux ans de prison pour «actes blasphématoires». Les journalistes, qui ont rendu compte de l'évènement et défendu les «Pussy Riot», ont également été convoqués par la police pour un interrogatoire. C'est à croire que les gouvernements du monde entier s'uniformisent. La «mondialisation» dépasse les secteurs économiques pour atteindre les esprits au pouvoir. On s'y accroche de la même manière, en utilisant l'artiste et le journaliste comme bouc émissaire et en faisant de ces derniers l'appât qui nourrit une certaine paranoïa grandissante. De la paranoïsation des esprits, on en sait quelque chose. C'était «la bonne» stratégie de Ben Ali, durant 23 ans de pouvoir. Pour cacher la censure, il a accusé les journalistes d'«autocensure», et pour leur clouer le bec aux artistes, il les a «affamés». Certains ont fini par vendre leur âme. D'autres ont carrément joué aux bouffons du roi pour assurer leurs arrières. Heureusement que dans ces deux domaines, il y a ceux qui ont résisté et qui résistent encore aujourd'hui, en cette période de post-révolution. Ben Ali est parti mais ses disciples ont pris la relève. Comme quoi, il ne suffit pas de «tuer le père»! D'autant plus qu'au sommet du monde, il y a toujours cette grande puissance qui mène le jeu. Quitte à perdre les siens en cours de route, elle continue à écrire l'histoire avec un grand «h» en embrasant la moitié de la terre de mille feux. Que faire alors? Il faudrait peut-être «croire», un point c'est tout! Croire qu'un simple battement d'aile peut déclencher une tornade. Encore faut-il être aussi innocent qu'un petit papillon. *L'effet papillon est une expression qui résume une image concernant le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales en théorie du chaos.