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Lexique révolutionnaire à l'usage du Premier ministre
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 02 - 2011

• D. pour dégage ! Mais rassurez-vous, je ne viserai personne aujourd'hui. Mon propos est ailleurs
Certaines révolutions sont effusives. Elles entrent en mouvement brusquement, à partir d'un événement fortuit, puis se transforment rapidement en une déferlante qui emporte tout sur son passage. Plus court est le temps de gestation, plus violente l'explosion. Tel fut le cas de la révolution du 14 janvier dont la force a changé les destins, dirait Abou El Kacem Chebbi, et a inspiré successivement les peuples égyptien, algérien, yéménite, bahreïni, libyen, et bientôt les masses arabes, du Maroc jusqu'à Djibouti.
Tout a commencé le 17 décembre 2010 par le battement d'ailes d'un papillon, lorsque dans la cité déshéritée de Sidi Bou Zid, le geste intolérable d'une femme-flic avait conduit au suicide un jeune homme qu'elle voulait empêcher d'exercer un commerce de survie. L'acte isolé et désespéré du jeune Bouazizi avait ainsi induit, trois cents kilomètres plus au nord, la tornade du 14 janvier 2011 qui a emporté l'un des régimes réputé des plus tenaces et des plus répressifs après celui de la Corée du Nord.
Pendant les quatre semaines de contestation et de répression, les foules unanimes n'ont eu de cesse de réclamer le départ de celui qu'elles considéraient comme l'incarnation vivante et malsaine d'un régime politique honni, fondé à la fois sur la mainmise anachronique d'un parti omnipotent et sur le comportement prédateur des «familles» du dictateur et leur mise en coupe réglée du pays.
Pour manifester leur indignation et leur fureur, ils ont fait usage d'un cri d'hostilité à la fois exclusif, direct, précis et sans équivoque, qui donne un raccourci saisissant de leur détermination à en finir avec la tyrannie : «dégage» ! Autrement dit l'exigence d'un départ, sans les ménagements d'usage, immédiat et sans retour du dictateur et de la dictature.
Ainsi, lorsque la jeunesse tunisienne a pris en main la protestation des masses contre la répression sanglante des manifestations déclenchées dans tout le pays, elle a tout de suite identifié l'objet de sa colère et de sa répulsion : Ben Ali et son parti, le RCD, à l'endroit desquels elle a composé ce nouveau slogan qui ira enrichir désormais le répertoire de la contestation politique, aussitôt accaparé, scandé, et pour les plus organisés inscrit sur des pancartes, par les Egyptiens (Moubarak, dégage !), les Yéménites (Ali Salah, dégage !), les Algériens ( Boutef, dégage !) et jusqu'aux Togolais à l'adresse de leur président Faure Gnassingbé, soupçonné de fraude électorale, (Faure, dégage!) !
Pour un révolutionnaire, le langage, les mots, est l'arsenal le plus puissant. Il l'utilise pour donner un sens à son projet. Une fois la révolution achevée et l'ordre rétabli, il l'emploie pour accompagner la mutation du régime, pour rassembler la société, ou pour créer un clivage entre ses partisans et ceux qui subsistent d'ennemis du changement. A la différence du mot révolution, qui est passé de la cosmologie à la politique pour exprimer l'idée de bouleversement total de l'ordre social, comme c'est le cas pour la révolution française proclamant l'égalité devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la nation, et contrairement au mot d'ordre bolchevique, direct et transparent : «Tout le pouvoir aux Soviets !, derrière lequel gît un projet national de renversement du pouvoir tsariste et sa remise aux masses paysannes et ouvrières, le slogan «dégage» ! ne possède, en apparence, aucune portée idéologique, n'enferme aucun programme politique, ne porte aucune signification historique quant à la forme d'organisation future de la société une fois l'objet de l'injonction chassé du pouvoir. Il ne s'agit pas non plus d'une consigne d'action propre à un groupe ou parti, mais simplement d'une sorte de sommation interpellatrice par laquelle le peuple a manifesté une protestation envers celui qui était devenu, par usurpation, le propriétaire du pays qui tardait à partir et auquel elle réclame les clés et en lui intimant l'ordre de quitter les lieux manu militari.
La révolution tunisienne ne fut ainsi ni anti-impérialiste comme la révolution castriste, ni islamiste comme la révolution iranienne, ni socialo-communiste, mais portée avant tout par des aspirations sociales de milliers de jeunes : lycéens, étudiants, diplômés au chômage, mus par un sentiment d'humiliation sociale et dont la frustration n'attendait plus qu'à être galvanisée par un événement imprévu mais insupportable pour ceux qui le vivent, pour revendiquer haut et fort leur droit à une vie décente et à un emploi, mais aussi pour prendre en main leur propre destin tout en précipitant le destin de leurs semblables dans les peuples voisins.
Aussi dans sa banalité et sa radicalité, dans son engagement et dans son non engagement, ce mot d'ordre demeure pourtant chargé d'espérance signifiant, qu'au-delà, tout deviendra possible : la liberté, la dignité, et, pourquoi pas, la prospérité et le bonheur.
Pour toutes ces raisons, ces rassemblements à la Kasbah, qu'on juge intempestifs, sont toujours salutaires. Ils viennent nous rappeler opportunément que la révolution est en péril et que nous risquons fort d'être spoliés d'une victoire dont nous n'avons pas encore cueilli tous les fruits. Ils viennent rappeler aussi au gouvernement qu'une transition démocratique n'est pas le simple exercice d'un pouvoir provisoire, mais qu'elle correspond au remplacement progressif d'une dictature et de son appareil, qui ont annihilé les institutions de l'Etat pendant 23 ans, par un régime démocratique durable.
La crainte des manifestants tunisiens n'est donc pas sans fondement ; elle est l'expression, que nous partageons tous et de plus en plus, d'un sentiment de crainte légitime quant à l'issue du processus de pouvoir provisoire. Elle est le résultat de la perception par les artisans de ce mouvement que le gouvernement n'arrive pas à aller au-devant des véritables aspirations des jeunes et des moins jeunes empêtré qu'il est à gérer le quotidien. De là cet incessant «dégage» qui court toujours, à tort ou à raison, d'une manifestation à l'autre, expression tantôt d'un mécontentement, tantôt d'une insatisfaction, ou carrément d'un rejet pur et simple. Tous y passent : le premier gouvernement Ghannouchi, puis le Premier ministre en personne, ensuite les gouverneurs, le ministre des Affaires étrangères, l'ambassadeur de France, les contractuels de Tunisie Télécom, les directeurs d'établissements d'enseignement supérieur, les médias, etc. Ce qui fait la force de «dégage», au-delà parfois de sa navrante familiarité et de son appartenance au lexique d'une langue étrangère, c'est que ce vocable continue à prouver que ce soulèvement reste encore vivant, spontané, réfractaire à toute récupération, ne reconnaissant ni parti, ni organisation, ni leadership. En somme, qu'il frémit, frétille, dérange avant de bousculer, pour que l'enthousiasme du début ne laisse pas place au désenchantement et que la révolution ne soit pas un marché de dupes, voire une descente aux enfers.


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