L'image projetée en Occident par les musulmans aujourd'hui est loin de correspondre à la réalité qui, avouons-le, n'est guère reluisante. C'est l'Europe, principalement qui a voué aux gémonies et livré au mépris plus d'un milliard et demi de musulmans, en contribuant à radicaliser les tensions très tendues avec le monde musulman. Pour cause : cette loi très injuste qui punit sévèrement toute personne qui met en doute la Shoah ou le nombre exagérément gonflé des juifs exterminés par les nazis. Fort heureusement que, contrairement à cette collision de la France avec Israël, la loi incriminant les Turcs, dans le génocide arménien, n'a pas été votée et, de ce fait, la loi est demeurée sans effet. Notre propos ici est de rafraîchir la mémoire de certains, dont l'animosité pour l'Islam a dangereusement augmenté avec le Printemps arabe, depuis qu'une poignée de salafistes, d'anciens repris de justice, motivés par des intérêts financiers, sont copieusement rémunérés par des donateurs douteux. Combattre l'animosité par la bienveillance L'ouvrage La pathologie dans la médecine arabo-islamique écrit de concert par les professeurs émérites Abdelkhalek Ben Rejeb et Najet Ghazouani, paru en 2010, tente de réhabiliter la science arabo-musulmane. Des milliers de manuscrits sont encore en friche, alors que d'autres sont connus de manière plus ou moins superficielle. Un effort est actuellement consenti, çà et là, pour redoubler d'efforts. C'est ainsi qu'en Tunisie, des études ont largement avancé dans l'édition critique de l'œuvre complète du Kairouannais d'Ibn Al Jazzar (Algizar). Les travaux de Marwan Ben Miled sur la mathématique arabe et ceux de Faïza L. Bancel sur Al Khazini, l'essai publié sur Avicenne sur Les causes de la production des lettres ont considérablement enrichi la Bibliothèque nationale, de même que L'anatomie de l'encéphale chez Ibn Sina des professeurs Ben Rejeb et Najah El Mernissi. Cet ouvrage est une anthologie raisonnée et synthétique de la «Pathologie dans la médecine arabo-islamique». Cette vue d'ensemble permettra aux lecteurs de se faire une idée globale de notre passé scientifique. Elle est puisée dans les principales sommes médicales, notamment «Le canon en médecine chez Ibn Sina, «Al Makali» d'Al-Majussi, «Al Hawi» d'Al Razi ou Rhazès, «Al Taysir» d'Avenzoar, d'Ibn Zohr, «Al Kulliyat», d'Ibn Rochd ou Averroes, «Al Taârif» d'Ibn Al Qacim, Al Zahaoui ou Abulcassis et «Zad al Musafir» d'Ibn Al Jazzar ou Algizar. Ces textes choisis, traduits et abondamment commentés, sont puisés dans des ouvrages de première main. Ils sont éloquents et démontrent, si besoin est, que ce qui caractérisait la médecine arabo-islamique, c'est, comme le reconnaît Sédillot dans son «Histoire des Arabes», l'esprit véritablement scientifique qui présida à ses travaux. N'admettre comme vrai que ce qui a été démontré par l'expérience, tel qu'est enseigné ce principe par les maîtres arabes dès le Xe siècle, en possession de cette méthode féconde qui devait être si longtemps après, entre les mains des modernes, l'instrument de leurs plus belles découvertes. C'est qu'avant l'Islam, les Arabes ne sont pas restés enfermés dans leur péninsule, leurs rapports commerciaux s'étendaient très loin, ce qui les contraignait à entretenir des rapports fructueux avec l'Asie mineure, la Perse, la Syrie et jusqu'en Inde et en Chine. Leur médecine était jusqu'alors empirique. Par la suite, l'activité intellectuelle chez les Arabes prit un essor considérable, facilité grandement par l'adoption de l'arabe comme langue officielle. Les califes eurent le mérite de protéger, d'aider et d'encourager les savants de leur vaste empire, en les appelant à la cour, en leur fournissant des livres, en créant des centres d'étude et d'enseignement, dans lesquels la médecine tenait une place prépondérante. C'est ainsi que la médecine, enrichie par les apports persans, grecs et syriens a fini par rayonner sur l'ensemble du monde. On admet que cette évolution scientifique passa par plusieurs étapes. La première fut la traduction des écrits des civilisations précédentes. Elle s'étendit durant deux siècles, depuis la naissance de l'Islam jusqu'à la première moitié du IXe s. La deuxième étape fut celle de l'apport proprement dit de l'innovation. Elle s'étendit du IXe au XIVe s. Enfin, la troisième fut celle de la stagnation et du passage progressif du flambeau de la civilisation aux Européens, avec l'apparition du mouvement de traduction inverse de l'arabe vers le latin, l'hébreu, le français et l'anglais. C'est ainsi que les musulmans entrèrent en hibernation. Un déclin et une agonie qui ne sont pas près de s'achever.