La rentrée scolaire a débuté il y a déjà dix jours, mais pour certains élèves, elle n'a pas encore eu lieu, faute d'avoir les outils nécessaires ou encore de salles de classe où étudier. Des associations et des entreprises «citoyennes» tentent d'y remédier, chacun à sa manière. Deux exemples pour savoir comment En cette période de rentrée scolaire, les aides humanitaires envers les écoliers se multiplient. Et pour cause, bon nombre d'écoles et d'écoliers dans certaines régions ou quartiers sont en difficulté. Les parents n'ont plus les moyens nécessaires pour éduquer leurs enfants, et les écoles ne disposent pas d'autonomie financière. Dans ce contexte, des associations tentent, avec leurs propres moyens ou grâce à des subventions, d'agir pour que des enfants puissent avoir une rentrée scolaire «normale» malgré toutes les difficultés. Pour l'association Un Sourire Pour Tous, c'est devenu une habitude. Pour la deuxième année consécutive, l'association se déplace dans des écoles défavorisées pour offrir des sacs à dos et des fournitures scolaires aux enfants. Samedi dernier, c'était au tour de l'établissement de Sidi Salem, à Sejnane, de bénéficier de leur aide. Pour venir à l'école, située au milieu de prairies, les écoliers doivent arpenter des pistes boueuses et des routes accidentées quand elles existent. «Parfois, je dois porter ma fille sur le dos quand il pleut, pour qu'elle ne rate pas une journée de classe», confie Rebeh, la maman de Dhekra. Et quand les enfants arrivent à destination, ils sont accueillis par un décor bien triste. Muret en ruine, peintures défraîchies, salles noircies ou verdies par l'humidité, «l'école, qui a été bâtie en 1966, n'a pas une seule fois bénéficié de travaux d'entretien», révèle Habib Hakiri, le directeur de l'école. Avec les 120DT perçus par an de la part du ministère de l'Education, ce dernier dispose à peine de ce qu'il faut pour acheter les craies et les produits de nettoyage. Dans une des salles de classe, les fenêtres ont été condamnées parce qu'il n'y a pas moyen de les réparer. Les enfants apprennent à lire et à écrire dans la pénombre, avec comme vue de l'extérieur, non pas des plaines verdoyantes mais un muret gris. En discutant avec les parents d'élèves, on a l'impression qu'on a affaire aux oubliés de la terre. «Nous ne pouvons qu'être heureux de la visite de l'association, même si l'action ne va pas régler tous nos problèmes», déclare Rebeh. D'après le directeur, Un Sourire Pour Tous est la seule association qui s'est intéressée aux écoles de la région. Abdelfattah, maître d'école, espère que cette dernière contribuera «à faire bouger les choses», et que d'autres projets d'envergure seront réalisés. Les 80 écoliers de Sidi Salem pourront cette année troquer leurs sacs-poubelle avec de vrais cartables flambant neufs, mais ils ont encore besoin de tellement de choses qui peuvent paraître banales ailleurs. A la question de ce qu'ils voudraient voir changer dans leur établissement, la majorité d'entre eux a répondu : «De l'eau dans notre école!». Réhabilitation d'une école L'école de Bir Atig n'est pas située dans une zone rurale, mais dans la capitale, plus précisément à Jebel Lahmar. Géographiquement parlant, on ne peut pas dire qu'elle est isolée de la «civilisation». Pourtant, il y a seulement quelques mois, les écoliers y étudiaient dans des conditions difficiles: salles de classe lugubres, sanitaires inutilisables... Tout comme l'école de Sidi Salem, celle de Bir Atig a été construite dans les années 1960, et n'a pas été correctement entretenue, faute de moyens. Les seules ressources dont dispose la direction pour l'entretien, ce sont les 120DT annuels du ministère, en plus des cotisations d'assurance payées par les élèves en début d'année (2DT/ an). Mais voilà qu'en juin dernier, Attijari Bank a pris en charge la rénovation de l'école, en engageant un entrepreneur pour les travaux, et en fournissant gratuitement du mobilier et certains équipements. Plus de 300 élèves bénéficient, cette année, d'un bâtiment accueillant, disposant de toutes les commodités nécessaires. Un problème demeure cependant non encore résolu, celui de l'insécurité. La clôture, pas assez haute et complètement détruite par endroits, ne permet pas de protéger les lieux et ses occupants des délinquants. «Nous allons devoir cotiser comme l'année dernière, entre enseignants et cadres de l'école, pour payer un gardien qui puisse surveiller l'école les samedi et dimanche», signale Chokri Ben Slama, maître d'application à Bir Atig. Des ordinateurs ont été offerts à l'établissement, mais ne seront installés qu'une fois cette question sera réglée. Entre-temps, les élèves sont dispensés du cours d'informatique. La façade de l'école, les murs, la cour sont parfaitement propres, mais à l'arrière, un nombre important d'objets divers sont amassés dans un coin : pupitres cassés, chaises inutilisables ... «Ces meubles ne peuvent être ni vendus, ni jetés. Et comble de l'ironie, ces ordures doivent figurer dans l'inventaire à chaque passation», explique Makrem Azizi, maître d'école. Ce dernier déplore un manque de souplesse au niveau des lois, qui ne permettent pas de disposer de ces vieux équipements, et du manque de réactivité des autorités compétentes face à ce problème. Vice-président de l'association Joie de l'enfance, Makrem Azizi a visité des écoles aux quatre coins de la Tunisie, notamment dans le cadre de l'opération Madrassati, menée par plusieurs associations en 2011. Sur les 4.521 écoles existantes, pour lui 80% d'entre elles nécessiteraient des travaux de réhabilitation. L'Etat est-il capable de mener un projet d'une telle envergure? Pas si sûr. De l'avis de Sofiène Haouari, responsable de la communication externe à Attijari Bank, les entreprises ont un grand rôle à jouer dans la promotion du savoir en Tunisie. «Si dans chaque région les entreprises locales aidaient une école chacune, les choses iraient beaucoup mieux», dit-il. La Tunisie n'a pas beaucoup de ressources naturelles, la première richesse dont elle dispose c'est la matière grise. Cultivons-la à la base, cela pourrait être la clé de notre réussite.