Par Zouhair EL KADHI (Economiste) On définit généralement la compétitivité comme la capacité d'une entreprise, d'une région ou d'une nation à conserver ou à améliorer sa position face à la concurrence des autres unités économiques comparables. La compétitivité d'un pays étant l'aptitude de ses entreprises à satisfaire de façon structurelle la demande (nationale et internationale). Qu'en est-il des PME tunisiennes aujourd'hui ? En Tunisie, les projets d'investissement et les entreprises souffrent, en plus des problèmes de profitabilité, d'un besoin de financement alarmant. Le rapport entre banques et PME ressemble beaucoup à celui des couples qui se font des reproches incessants mais doivent vivre ensemble malgré tout. En tout état de cause, de nombreux travaux de recherches jugent qu'une faiblesse de l'économie tunisienne est sa relative inaptitude à faire grandir les PME. Cette situation s'expliquerait par une mauvaise gouvernance qui a entravé la capacité du secteur financier de contribuer à la croissance. En conséquence, handicapé par des contraintes liées à l'offre et à la demande, le système financier est peu susceptible de jouer son rôle de catalyseur. En effet, si les entreprises se privent des services financiers à cause de contraintes qui existent à leur niveau (demande), le système financier dans son ensemble n'est pas en mesure de s'adapter à leurs besoins (offre). Nombreuses sont les entreprises tunisiennes qui considèrent que l'accès au financement bancaire ainsi que son coût sont deux obstacles majeurs devant leur croissance. Offrir donc des produits et services financiers à un coût raisonnable et moins contraignant ne dépend pas uniquement des facteurs microéconomiques et/ou macroéconomiques, mais aussi de la volonté politique. Une lecture détaillée des données disponibles laisse croire à l'existence d'un paradoxe. En effet, et en dépit d'un environnement favorable, qui offre de nombreux outils et opportunités de financement viables, le financement du secteur privé (en % du PIB) a baissé durant la dernière décennie. En effet, la contribution du système bancaire demeure modérée. Curieusement, l'autofinancement reste la principale source de financement des entreprises tunisiennes. Le crédit bancaire n'assure en moyenne que 19,3% des besoins de financement, contre 50,6% pour l'autofinancement. Le financement via le marché boursier, le crédit bail, les Sicar, le factoring jouent un rôle mineur. L'une des raisons de ce moindre recours au marché financier est le manque de culture financière de la part des entreprises. Il est vrai aussi que les banques préfèrent plutôt les crédits immobiliers et à la consommation supposés être moins risqués que ceux accordés aux professionnels. Dans un contexte économique difficile, il nous faut une politique de soutien efficace et ciblée aux PME. Il s'agit d'inciter les banques à collaborer davantage avec les PME et les accompagner dans le processus de développement. A ce sujet, la Tunisie a de nouveaux efforts à faire afin de lever les obstacles de développement des PME. La question de fond du financement des PME est : où vaut-il mieux localiser les risques de financement de l'économie ? Devrons-nous privilégier le système américain où le risque (de défaut des entreprises, d'échec des projets) est plutôt porté par les détenteurs des actifs financiers (fonds de pension, fonds d'investissement...), et donc in fine par les ménages car les entreprises et les projets d'investissement sont essentiellement financés par les marchés financiers? Ou bien privilégier le modèle européen où le risque (de défaut, d'échec) est davantage porté par les banques car les entreprises et les projets sont essentiellement financés par le crédit bancaire? Dans tous les cas et pour stimuler la croissance, il est déterminant de faciliter l'accès des PME à un financement stable et moins coûteux. Dans ce contexte exceptionnel, l'Etat doit jouer un rôle de rapprochement entre les besoins de financement colossaux exprimés par les PME et les crédits limités mis à leur disposition par les banques. Il s'agit de parvenir à développer des systèmes financiers plus adaptés au contexte national afin de faire tomber les obstacles entre banques et PME. De même, il est nécessaire d'agir sur la sécurisation des crédits. Si rien ne bougeait, comme c'est le cas aujourd'hui, cela constituerait une menace sérieuse pour nos PME, pour la croissance et pour l'obtention des bénéfices économiques en matière d'emploi. L'avenir de nos PME peut être brillant si nous savons créer un environnement plus favorable à leur succès. Et celui-ci sera aussi le succès de l'ensemble de notre économie. Mais il reste pour cela beaucoup d'efforts à faire.