De notre envoyé spécial à Alexandrie Sami AKRIMI Revue et revisitée par Nabil Herrera, l'EST prend option pour le sacre final Alexandrie, le Fort, le Pont Santo Stephano, Al Montazah, quartier d'été du Roi Farouk et de sa femme, la Corniche, Hannoville, le vieux quartier d'Allabbane où Raya et Skina commirent leurs crimes horribles, le restaurant le Zephyr en bord de mer, Borj Al Arab et le Hilton où notre équipe nationale prit ses quartiers à l'occasion de la CAN 2006, les conférences de presse, nos nuits à écrire pour balancer tout cela tôt le matin au journal : toutes ces images ont défilé devant mes yeux quand j'ai pris la route saharienne qui relie le Caire à Alexandrie, celle-là même que nous avions parcourue en janvier 2006 à bord d'un vieux tacot avec au volant un chauffeur somnolant qui nous a foutu une de ces frousses... Ces images et d'autres encore de ton éternel sourire, de ta disponibilité, de ton professionnalisme, de ta tolérance et de ta gentillesse. Compagnon de voyages, collègue, ami et frère, je te salue là où tu es, dans ta souffrance et dans ton combat contre la maladie. Saches que seule la pudeur m'a empêché de venir à ton chevet et que ce pèlerinage, je l'ai fait pour toi, pour le souvenir et pour te retrouver tel que tu as été, tel que tu seras toujours. Salut Abdelmajid Ben Smaïl ! Peurs dissipées Nous avions franchement peur en prenant la route. Peur que la route de la finale de la Champion's League devienne un guet-apens, entre supporters d'Al Ahly et ceux de l'Espérance, entre rêves et réalités de la révolution. En réalité,pas grand monde, aucun incident et, quelques kilomètres plus loin, un relais où une poignée de supporters d'Al Ahly et un petit groupe de «sang et or» s'ignoraient... sportivement. Par 29 degrés et un temps très lourd, arrivée à l'hôtel où logent Al Ahly et l'Espérance. Les joueurs font la sieste, quelques caméras à la réception et un calme étrange. Nous sommes loin, très loin de l'image d'Epinal et de l'avant-match explosif : les Egyptiens veulent avant tout prouver que le football peut reprendre ses droits et retrouver son public, alors que l'Espérance ne veut surtout pas faire de vagues susceptibles de la submerger. On n'en pense pas moins puisque côté égyptien, on a tout de même essayé la bonne vieille polémique de l'arbitrage et même de l'intox concernant l'intervention subie par Youssef Msakni. On remet tout cela au terrain, au match. Après un petit tour en ville et un déjeuner à la hâte, retour à Borj Al Arab et au stade de l'Armée. Petite pagaille en chemin mais rien de vraiment alarmant. Les bus des supporters des deux camps se frôlent au rond-point menant au stade. Heureusement, nous avions laissé nos hooligans à la maison, alors que les Ahlaouis ne manifestaient aucune velléité. Il faut dire que le dispositif de sécurité est impressionnant et que les candidats-fauteurs de troubles n'avaient aucune chance. Franchement, nous étions rassurés. Il ne nous restait plus qu'à grimper en haut des tribunes pour nous installer et admirer le stade d'Al Jaïch. Magnifique ! Et dire qu'on nous a fait jouer dans un stade pourri en 2006. Dommage qu'il était à moitié vide le stade, pour des raisons de sécurité. Mais il était tout de même peuplé par les âmes et les photos des victimes du match de Port-Saïd. 74 au total, élevés au statut de martyrs. Par les temps qui courent, en Egypte comme en Tunisie, des hommes se sont arrogés le droit de distribuer des billets pour le paradis et pour l'enfer... On ne change pas une tactique qui gagne Nous, en tout cas, nous étions venus pour le match. Pour couvrir, pour observer, pour signaler, pour analyser, pour juger. Vieux procès d'intention dans un football où on accepte de moins en moins les critiques, où le journaliste doit être supporter ou pestiféré. Alors, on parle de ce match ? Allons-y. Si Nabil Maâloul veut qu'on parle de lui, de son dispositif tactique et de son choix des hommes, il ne pouvait faire de choix plus surprenants. Cela fait quelque temps qu'il fait dans le non-conventionnel et il nous rappelle de plus en plus Roger Lemerre. Voir pour y croire. Un gardien, deux latéraux, deux arrières centraux, trois pivots défensifs qui ne quittent pratiquement pas leurs bases, à part quelques aventures devant de Afful et Awadhi. Afful en couverture de Derbali et plus fort encore, Bouazzi à gauche, presqu'en position d'arrière gauche pour couvrir son arrière...gauche, Chemmam ! Devant ? Le seul N'djeng qui a livré une grande bataille à la défense cairote et bataille épique à Wael Jomaâ. Du grand Ben Chrifia En face? Al Ahly presque la fleur au fusil avec, pratiquement, trois arrières, trois demis, trois attaquants de soutien et un avant de pointe. C'est un peu schématique concernant le dispositif ahlaoui, mais c'est ce qu'on a à peu près vu et vérifié sur le terrain, même si le schéma était plus souple et plus variable. En tout cas, plus souple et plus variable de celui (défensivement figé) de l'Espérance. Vous nous direz que cette tactique a été jusque-là payante, on vous répondra sans hésiter que l'Espérance a pris des risques énormes à Lumumbashi et à Radès (but dans le dernier quart d'heure et risque de se faire surprendre et éliminer par la suite) et qu'elle en a ultérieurement pris à Alexandrie face à Al Ahly. Des preuves? En veux-tu, en voilà. 7' : grosse occasion pour Al Ahly. 9' : Avertissement à Awadhi 10' : Avertissement à Derbali qui sautera le match retour 32' : Erreur grossière de Hichri, glissade malencontreuse de Chemmam et Aboutrika, seul face à Ben Chérifia, met au-dessus. C'est dire qu'en trente minutes, la messe pouvait être dite et le match bouclé par Al Ahly en première mi-temps. Maâloul et l'Espérance pouvaient-ils faire différent et mieux? Sans nul doute même sans Youssef Msakni. Demeure que le football est une affaire de chiffres et de résultat final. Dans un style qui lui est désormais bien particulier, l'Espérance a porté l'estocade à la 49' et failli, avec un peu chance, en mettre un second. Un quart d'heure de folie douce qui nous a tout de même foutu une sacrée angoisse : comment quitter le stade et dans quelles conditions avec Al Ahly qui perd? C'est pas que nous souhaitions un match nul ou une défaite de l'Espérance, mais le scénario aurait peut-être pu être autre avec une Espérance qui gagne 2-0... mais ceci ne vous concerne pas comme dirait Naguy. Al Ahly dans tout cela? Pour une équipe contrainte à l'inaction, belle prestation technique et tactique avec les murs latéraux «sang et or», doublement verrouillés, souvent percés; quelques beaux restes d'Aboutrika, un excellent Houssam Achour au poste de relayeur, mais un ensemble qui a terriblement manqué de percussion et de réalisme, surtout de rythme et c'était attendu. Demeure le fait que dominer le champion d'Afrique en titre n'est pas à la portée de toutes les équipes. Et sur ce plan bien précis, Al Ahly a été meilleur que Mazembe. Avantage à l'Espérance, mais le retour ne sera pas aisé.