Par M.A. BOUHADIBA* Pourquoi un jeune, au lieu de faire du sport, s'amuser, courtiser les filles ou danser en disco, plongerait-il dans l'obsession, l'intolérance et la violence, bref l'extrémisme? On pensait jusque-là que cela était dû à la misère, au manque d'éducation, aux frustrations et humiliations en tous genres. Il apparaît que rien de tout cela n'est confirmé, sinon nous en Tunisie, serions tous des extrémistes. En fait, on voit des extrémistes dans tous les milieux, les classes sociales et dans toutes les tranches d'âge. Le sujet de l'extrémisme, qu'il soit une idée, une idéologie ou une croyance, pourrait-il être une explication? Pas plus et cela non plus n'a pas été confirmé. Récemment, le département of Homeland Security aux USA a recensé plus de 50 sortes d'extrémismes. Cela va de l'extrémisme pour le droit des animaux à celui contre la technologie, en passant par l'extrémisme anti-émigration, l'extrémisme environnemental, l'anti-computer networks, les néonazis, l'extrémisme de la mythologie nordique, celui du rejet des impôts et bien sûr l'extrémisme religieux touchant toutes les religions. Qu'y a t-il de commun à tous ces groupes? Deux choses, l'esprit obsessionnel et la violence. De nombreux psychologues ont cherché à comprendre et il semble qu'à travers leurs travaux se dessine maintenant une prédisposition individuelle et que l'extrémisme prendrait de plus en plus l'aspect d'une maladie mentale. Le chercheur Arno Gruen décrit les extrémistes comme des gens qui ont un manque d'identité, avec un sentiment profond de rejet de soi, un sentiment de revanche sur la vie et l'obsession d'une idée totalement détachée de la réalité. Sans entrer dans les détails du processus psychiatrique, on peut expliquer, d'après les travaux de Mélanie Klein, qu'un bébé lors de ses premiers mois de vie voit sa maman comme deux personnes, une qui le gâte et l'autre qui le punit, c'est ce qu'on appelle le caractère schizoïde. Apres un certain temps, il se rend compte que c'est la même personne avec un bon et un mauvais côté. Il comprend que lui aussi a un bon et un mauvais côté. Le bon côté compense alors et modère le mauvais. Si un bébé subit très tôt un traumatisme, une grande déception ou un grand stress, il ne peut plus lier les deux côtés de sa personnalité ensemble. Le mauvais côté c'est-à-dire le côté violent, se développe alors par lui-même sans freins et il aura une tendance à la violence. Cette personne une fois adulte cherchera des gens qui lui sont semblables, c'est-à-dire des gens violents qui n'acceptent pas des vues opposées à leurs idées et qui refusent toute discussion. Ces gens peuvent adopter une idée, une idéologie ou développer leur croyance, ils ont tendance à s'isoler du reste de la société qui ne pense pas comme eux et ils la diaboliseront. De la même façon qu'un supporter de football montre de l'émotion lors d'une prestation de son équipe, ces personnes peuvent associer de l'émotion à leurs idées, devenant par là de vrais extrémistes. Un extrémiste peut être isolé comme Brievik qui causa un massacre en Norvège, mais en général il fait partie d'un groupe et s'identifie à celui-ci. La chose devient plus grave lorsqu'il est manipulé par un idéologue car il est alors déshumanisé. Le procureur Ken Balen, enquêteur du Congrès, a interviewé des centaines d'extrémistes et il confirme que c'est un problème de santé mentale qui ne peut être réglé par la sécurité seulement. Ces gens doivent être soignés et avoir un suivi médical. Il est important aussi de faire de la prévention. Pour cela il existe des questionnaires à utiliser auprès des jeunes et des écoliers pour identifier les personnes fragiles et prédisposées qui devront bénéficier alors d'une prise en charge et d'un suivi. * (Médecin)