L'immense salle du cinéma Le Colisée était, mercredi dernier, décorée —l'orchestre comme les deux balcons—, à l'occasion du mini-festival «Les Journées du cinéma européen», qui vient juste après les Journées cinématographiques de Carthage, événement majeur du 7e art en Tunisie, ainsi qu'à l'échelle arabe et africaine. Mais contrairement à l'ouverture, la veille, l'enceinte n'était pas aussi remplie. Le public a-t-il eu son trop-plein de films ou cela était-il dû au fait que les étudiants sont actuellement en période de révision pour les imminents examens semestriels? Pourtant, à 1,500 dinars le billet, les tarifs réduits étaient attirants pour les cinéphiles qui auraient payé plus que le double (3,500 dinars) hors festival. En fait, la plupart des spectateurs étaient d'un certain âge. Pour revenir à ce deuxième jour des Journées du cinéma européen, notons qu'il a pris fin avec la projection du film Les Hommes Libres du réalisateur marocain Ismaïl Ferroukhi. Réalisé en 2011, il parle d'un ouvrier algérien qui est placé comme espion pour le gouvernement de Vichy à la Grande Mosquée de Paris dirigée par le recteur qui héberge clandestinement juifs maghrébins et français et leur procure de faux papiers et autres attestations. La taupe fait la connaissance d'un chanteur juif algérien dont il devient l'ami. Le film est basé sur des faits réels et des personnages historiques comme le chanteur Simon Hallali et Si Kaddour Benghabrit, le fondateur de l'Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris. Le choix du thème est doublement pertinent, puisque les rapports judéo-musulmans restent d'actualité. Rappelons ici que même le Bey de Tunisie s'est battu pour protéger les juifs du pays contre la déportation et la persécution des juifs par les nazis. Il n'y a qu'un seul animateur qui donne un synopsis du film avant le commencement. On peut regretter qu'il n'y ait pas une participation plus étoffée en animateurs et en cinéphiles. A la fin de la projection, nous avons interrogé quelques spectateurs à propos du film et de l'opportunité de ces journées. Pour Nader et Chiraz, ils étaient là parce qu'ils aiment le cinéma et surtout «parce qu'on fait des études en deuxième année à l'Isamm (Institut supérieur des arts multimédias à La Manouba) et que suivre des films à thèmes peut nous être utile». Pour Abdessattar, le film est d'une importance particulière. Selon lui, il constitue une opportunité de voir le traitement d'un sujet «très lié au monde arabo-judéo-musulman actuel». Mais c'est surtout la dimension culturelle qui attire cet ancien professeur à la retraite. «J'ai vu beaucoup de films même en dehors des JCC. La culture est la seule arme véritablement constructrice. C'est la seule arme qui peut combattre l'ignorance et l'obscurantisme. Les extrémistes, partout dans le monde, ne peuvent pas résister à la culture ni aux arts, que ce soit la littérature ou le cinéma, la musique ou la peinture qui apportent la clarté. Ils sont comme les animaux nocturnes qui ne peuvent souffrir la lumière», explique cet ex-enseignant de français, accompagné par son épouse Leïla, approbatrice. Disons, enfin, que jusqu'à présent, cette manifestation ne semble pas avoir les mêmes problèmes d'organisation que les Journées cinématographiques de Carthage, ce qui est peut-être dû à la relative faible affluence. Mais nous nous attendons à ce que le nombre de spectateurs augmente lors du week-end, surtout avec le soleil qui nargue encore les premiers froids de l'hiver et qui incite les gens, les jeunes en particulier, à investir la ville; en l'occurrence le centre de Tunis et La Marsa où les Journées du cinéma européen se déroulent.