«Aujourd'hui, à l'heure de la transition démocratique, notre ambition est de concrétiser les objectifs de la révolution et de la transformer d'une révolution à une richesse. Cependant, nous sommes en face de trois défis: politique, développementiel et sécuritaire. Et ces trois défis ne peuvent être relevés qu'à la condition que tout le monde s'y mette, gouvernement, partis politiques et associations de la société civile. La question à laquelle tous doivent répondre, avec clarté et transparence, est bien la suivante: comment pouvons-nous vivre la liberté en tant qu'individus et institutions tout en s'engageant à respecter les lois en vigueur ? L'entreprise est difficile et de longue haleine, surtout quand on sait que nous nous sommes habitués à gérer nos affaires dans un régime où le despotisme est la marque aussi bien des institutions de l'Etat que de celles de la société avec ses organisations, ses associations et ses partis politiques. Pire, dans ce régime duquel nous essayons de sortir, l'acceptation des instructions d'en haut, la coexistence avec les dépassements sont devenues un comportement quotidien, voire une culture générale». Ainsi, introduisait, hier, Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur, la communication qu'il a donnée sur «la réforme du système sécuritaire, de la révolution à la transition démocratique», à l'initiative du Centre des études pour l'Islam et la démocratie. Pour le ministre de l'Intérieur, l'équation à résoudre est bien celle de savoir «comment faire en sorte que notre société passe de l'étape où les instructions constituaient le système de gouvernance à un Etat d'institutions représentatives». Quel rôle pour l'appareil sécuritaire dans cette problématique auquel se sont trouvés confrontés les pays du Printemps arabe, «une fois que la peur a disparu, que les langues se sont libérées et que tout le monde exige que ses revendications soient satisfaites immédiatement». Réformer le système sécuritaire, un choix incontournable Comment réformer le système sécuritaire hérité de l'époque déchue, assurer une nouvelle formation aux forces de l'ordre conformément aux standards internationaux, tout en garantissant la gestion quotidienne des crises qui secouent le pays ? Ali Laârayedh pose la question et essaie d'y répondre en évoquant les principaux fondements sur lesquels repose le plan de réforme du système sécuritaire entrepris depuis la formation du gouvernement de la Troïka. «Notre plan se fonde sur six axes. D'abord, l'instauration auprès des forces de l'ordre d'une nouvelle doctrine ou d'une nouvelle mission: protéger le pays dans le respect des libertés et des droits de l'Homme. Ensuite, la constitutionnalisation de la sécurité de manière à ce que l'agent de l'ordre puisse refuser l'exécution d'un ordre qu'il estime contraire à l'esprit de la constitution sans pour autant être poursuivi pour insubordination. Troisième axiome : la réforme doit se fonder sur les vérités du terrain et éviter la théorisation des bureaux feutrés. Quatrième condition : la graduation dans l'introduction des réformes dans la mesure où la rupture brutale avec le passé est difficile, voire impossible, sans oublier la nécessité de mettre l'institution sécuritaire à l'écart des tiraillements politiques. Cinquième condition : la réforme structurelle et juridique de manière à ce que le ministère de l'Intérieur devienne un château de verre placé sous un double contrôle interne et externe. Sixième et dernière condition : la révision des relations avec les associations de la société civile et les organisations internationales d'une part et la réforme des méthodes de recrutement, de formation et d'initiation des jeunes désirant rejoindre les forces de l'ordre, sans oublier l'amélioration des équipements mis à la disposition des forces de sécurité», précise le ministre de l'Intérieur. Sans prétendre que les choses sont au beau fixe depuis qu'il a accédé à la gestion du département, Laârayedh reconnaît que beaucoup «reste à faire en dépit des améliorations réalisées jusqu'ici. Toutefois, il est difficile de changer les mécanismes déjà en place, avec la rapidité que certains exigent en oubliant que le changement des mentalités est un combat quotidien et de longue haleine». Le ministre a insisté, au final, sur la nécessité de donner à la réforme le temps qu'il faut afin qu'elle puisse mûrir et porter ses fruits.